En confirmant le report de l’élection en raison de « difficultés
techniques », lors d’une réunion, le premier ministre provisoire Beji Caïd
Essebsi a déclaré : « L'important est de pouvoir organiser des élections libres
et transparentes pour protéger la réputation de la Tunisie et préserver l'image
brillante de sa révolution ».
Le gouvernement provisoire craint toujours la contestation sociale et les
mouvements de grève qui menacent les intérêts patronaux. Récemment, le pays a
connu plusieurs grèves dont celles de Tunisie Telecom, des transporteurs
routiers de marchandises, des douaniers, et de la Société tunisienne du sucre.
« Il est impérieusement nécessaire de rompre définitivement avec
toutes les formes de grèves et de protestations en prévision de l'organisation
d'élections démocratiques, libres et transparentes, le 23 octobre prochain »,
a-t-il affirmé. Il a ajouté que « la conjoncture économique et sociale que
connaît le pays ne tolère plus de telles perturbations notamment face à la
détérioration des principaux secteurs économiques. »
Le contenu du discours d’Essebsi démontre que sa principale crainte est que, par leurs luttes, les travailleurs exposent le caractère frauduleux du prétendu « processus constituant ». Son but est d’attendre et ainsi d’épuiser les luttes ouvrières. Ensuite, il espère donner un maquillage pseudo-démocratique aux restes du régime Ben Ali, tout en continuant de mettre le prolétariat tunisien à la disposition des multinationales.
Les manœuvres anti-ouvrières d’Essebsi ont reçu l’approbation de
toutes les forces de l’ancienne « opposition » officielle et pseudo-officielle,
avec laquelle le régime négocie le processus constituant.
Ghazi Gheraïri, membre de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de
la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, a
affirmé : « L’Assemblée Constituante est le meilleur choix démocratique pour
élaborer une nouvelle constitution et tracer l’avenir du pays ».
Il a expliqué que la Constituante « aura pour mission d’élaborer une nouvelle
Constitution et de remplir le rôle du parlement dans sa fonction législative,
notamment débattre du projet de budget de l’Etat pour 2012, promulguer les lois,
adopter les conventions internationales et assurer le suivi des engagements
internationaux du gouvernement actuel. »
Le report de l’élection a reçu le soutien des partis politiques
tels que le Parti démocrate progressiste (PDP), le Mouvement Ettajdid
ex-stalinien, et le parti islamiste Ennahda. Ces partis participent dans la
Haute commission, qui comprend aussi des organisations patronales UTICA, le
syndicat UGTT, et divers groupes associatifs.
Ennahda, qui était auparavant favorable à l’élection au 24 juillet, a déclaré :
« nous considérons que la position du gouvernement concernant cette élection est
encourageante, et nous y répondrons positivement. »
Le secrétaire général d’Ettajdid, Ahmed Ibrahim, a dit : « L'important est
d'organiser des élections transparentes et crédibles. En tant que partis
politiques, nous devons nous en tenir à cette date, mettre un terme à toutes les
exagérations et accusations et assumer nos propres responsabilités pour le bien
de ce pays. »
Les partis petit-bourgeois soutiennent également Essebsi dans
ses décisions. C’est le cas du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT).
Depuis la chute du régime Ben Ali, le PCOT soutient la politique du
gouvernement—collaborant avec le gouvernement provisoire pour empêcher que les
revendications ouvrières ne se dirigent vers une lutte ouverte pour le pouvoir
contre l'établissement politique officiel.
Le porte-parole du PCOT, Hamma Hammami, a affirmé que « nous sommes favorables à
cette date parce que nous disposerons de suffisamment de temps pour préparer le
matériel nécessaires, et les conditions légales et techniques requises pour
l’organisation de ce scrutin. »
Selon l’agence officielle TAP, Hammami « a expliqué que le plus important pour
le PCOT n'est pas l'organisation des élections, mais l'instauration de la
démocratie dans le pays, sur des bases solides. Il a fait remarquer que ce qui
est demandé au gouvernement de transition, aujourd'hui, c'est de garantir toutes
les conditions appropriées à l'Instance supérieure indépendante pour les
élections, afin qu'elle puisse exécuter son calendrier relatif à cette échéance
politique, et réaliser les réformes politiques urgentes, notamment pour la
liberté de la presse, en tant que garantie d'élections libres et crédibles ».
Par ces commentaires, le PCOT donne une alibi politique au gouvernement transitoire produit par l’ancien régime Ben Ali, et à sa défense de la bourgeoisie tunisienne et de ses relations avec l’impérialisme. L’idée avancée par le PCOT, selon laquelle un pareil gouvernement pourra instaurer la démocratie, est entièrement fausse.
Alors que les forces politiques tentent de stabiliser le régime capitaliste, le
gouvernement provisoire rassure des hommes d’affaires et des investisseurs des
puissances impérialistes qu’ils pourront continuer à exploiter une main d’œuvre
tunisienne à bon marché. Après des tractations avec le Medef, l’organisation
patronale française, le mois passé (voir :
Les Etats Unis cherchent à augmenter leurs investissements en Tunisie. Les sénateurs John Kerry et John McCain, avec le sénateur Joseph Lieberman, préparent une loi pour accorder une aide économique à la Tunisie et à l’Egypte. Cependant, Kerry et McCain ont remis un voyage d’affaires par prévu pour le 24—pendant lequel ils auraient été accompagnés par des cadres de General Electric, Boeing, Coca-Cola, Bechtel, ExxonMobil, Marriot, et Dow—prétendument à cause d’un incident technique avec leur avion.
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