Le gouvernement de transition tunisien reporte les
élections à l’Assemblée Constituante
Par Kumaran Ira
30 juin 2011
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Le 8 juin, le gouvernement intérimaire tunisien a décidé de reporter au 23
octobre les élections à l’Assemblée Constituante. Le report de l’élection,
initialement prévue pour le 24 juillet, a été approuvé majoritairement par les
partis politiques, après qu’ils aient trouvé un accord avec le gouvernement, la
Haute commission pour la réalisation des objectives de la révolution, et la
commission électorale.
L’élection aura pour objectif l’élaboration d’une nouvelle constitution pour le
régime tunisien, ébranlé par des luttes révolutionnaires des travailleurs
tunisiens après l’auto-immolation de Mohamed Bouazizi en décembre. Ces luttes
ont renversé le président Zine El Abidine Ben Ali le 14janvier.
En confirmant le report de l’élection en raison de
« difficultés techniques », lors d’une réunion, le premier ministre
provisoire Beji Caïd Essebsi a déclaré : « L'important est de pouvoir
organiser des élections libres et transparentes pour protéger la réputation
de la Tunisie et préserver l'image brillante de sa révolution ».
Le gouvernement provisoire craint toujours la contestation sociale et les
mouvements de grève qui menacent les intérêts patronaux. Récemment, le pays
a connu plusieurs grèves dont celles de Tunisie Telecom, des transporteurs
routiers de marchandises, des douaniers, et de la Société tunisienne du
sucre.
« Il est impérieusement nécessaire de rompre définitivement
avec toutes les formes de grèves et de protestations en prévision de
l'organisation d'élections démocratiques, libres et transparentes, le 23
octobre prochain », a-t-il affirmé. Il a ajouté que « la conjoncture
économique et sociale que connaît le pays ne tolère plus de telles
perturbations notamment face à la détérioration des principaux secteurs
économiques. »
Le contenu du discours d’Essebsi démontre que sa principale
crainte est que, par leurs luttes, les travailleurs exposent le caractère
frauduleux du prétendu « processus constituant ». Son but est d’attendre et
ainsi d’épuiser les luttes ouvrières. Ensuite, il espère donner un
maquillage pseudo-démocratique aux restes du régime Ben Ali, tout en
continuant de mettre le prolétariat tunisien à la disposition des
multinationales.
Les manœuvres anti-ouvrières d’Essebsi ont reçu
l’approbation de toutes les forces de l’ancienne « opposition » officielle
et pseudo-officielle, avec laquelle le régime négocie le processus
constituant.
Ghazi Gheraïri, membre de la Haute Instance pour la réalisation des
objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition
démocratique, a affirmé : « L’Assemblée Constituante est le meilleur choix
démocratique pour élaborer une nouvelle constitution et tracer l’avenir du
pays ».
Il a expliqué que la Constituante « aura pour mission d’élaborer une
nouvelle Constitution et de remplir le rôle du parlement dans sa fonction
législative, notamment débattre du projet de budget de l’Etat pour 2012,
promulguer les lois, adopter les conventions internationales et assurer le
suivi des engagements internationaux du gouvernement actuel. »
Le report de l’élection a reçu le soutien des partis
politiques tels que le Parti démocrate progressiste (PDP), le Mouvement
Ettajdid ex-stalinien, et le parti islamiste Ennahda. Ces partis participent
dans la Haute commission, qui comprend aussi des organisations patronales
UTICA, le syndicat UGTT, et divers groupes associatifs.
Ennahda, qui était auparavant favorable à l’élection au 24 juillet, a
déclaré : « nous considérons que la position du gouvernement concernant
cette élection est encourageante, et nous y répondrons positivement. »
Le secrétaire général d’Ettajdid, Ahmed Ibrahim, a dit : « L'important est
d'organiser des élections transparentes et crédibles. En tant que partis
politiques, nous devons nous en tenir à cette date, mettre un terme à toutes
les exagérations et accusations et assumer nos propres responsabilités pour
le bien de ce pays. »
Les partis petit-bourgeois soutiennent également Essebsi
dans ses décisions. C’est le cas du Parti communiste des ouvriers de Tunisie
(PCOT). Depuis la chute du régime Ben Ali, le PCOT soutient la politique du
gouvernement—collaborant avec le gouvernement provisoire pour empêcher que
les revendications ouvrières ne se dirigent vers une lutte ouverte pour le
pouvoir contre l'établissement politique officiel.
Le porte-parole du PCOT, Hamma Hammami, a affirmé que « nous sommes
favorables à cette date parce que nous disposerons de suffisamment de temps
pour préparer le matériel nécessaires, et les conditions légales et
techniques requises pour l’organisation de ce scrutin. »
Selon l’agence officielle TAP, Hammami « a expliqué que le plus important
pour le PCOT n'est pas l'organisation des élections, mais l'instauration de
la démocratie dans le pays, sur des bases solides. Il a fait remarquer que
ce qui est demandé au gouvernement de transition, aujourd'hui, c'est de
garantir toutes les conditions appropriées à l'Instance supérieure
indépendante pour les élections, afin qu'elle puisse exécuter son calendrier
relatif à cette échéance politique, et réaliser les réformes politiques
urgentes, notamment pour la liberté de la presse, en tant que garantie
d'élections libres et crédibles ».
Par ces commentaires, le PCOT donne une alibi politique au
gouvernement transitoire produit par l’ancien régime Ben Ali, et à sa
défense de la bourgeoisie tunisienne et de ses relations avec
l’impérialisme. L’idée avancée par le PCOT, selon laquelle un pareil
gouvernement pourra instaurer la démocratie, est entièrement fausse.
Alors que les forces politiques tentent de stabiliser le régime capitaliste,
le gouvernement provisoire rassure des hommes d’affaires et des
investisseurs des puissances impérialistes qu’ils pourront continuer à
exploiter une main d’œuvre tunisienne à bon marché. Après des tractations
avec le Medef, l’organisation patronale française, le mois passé (voir :