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Afrique et
Moyen-OrientLa « gauche » américaine petite-bourgeoise et
la révolte tunisienne
Par Jerry White
26 janvier 2011
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Le soulèvement en Tunisie est à son stade initial et des efforts ont
rapidement été entrepris par ceux qui restent de la dictature de Ben Ali,
les partis d’opposition bourgeois et les syndicats, pour stabiliser la
situation. Ils cherchent à rassembler un gouvernement capable de réprimer le
mouvement de masse et de sauvegarder les intérêts de l’élite dirigeante
tunisienne et de l’impérialisme américain et français.
Si l’initiative est laissée entre les mains de ces forces il existe un
danger réel de répression militaire et de mise en place d’un nouveau régime
autoritaire.
La tâche la plus cruciale à la laquelle sont confrontées les masses
tunisiennes est le développement d’une direction et d’un programme
révolutionnaires pour la classe ouvrière. Aucune des revendications de ce
mouvement de masse – pour des emplois et un niveau de vie décent, des droits
démocratiques fondamentaux et la fin du pillage du pays par le Fonds
monétaire international (FMI), les groupes multinationaux et les
capitalistes autochtones – ne peuvent se concrétiser en dehors d’une lutte
de la classe ouvrière pour la prise du pouvoir politique et la
réorganisation de l’économie selon des lignes socialistes.
En opposition à une telle lutte, une myriade d’organisations de
« gauche » petites bourgeoises dans le monde entier cherchent a lier la
classe ouvrière tunisienne aux partis d’opposition officiels et, en premier
lieu, à l’UGTT (Union générale des Travailleurs tunisiens). Le Nouveau Parti
anticapitaliste en France en fait partie (Voir :
Les
événements de Tunisie révèlent la politique pro-impérialiste du Nouveau
Parti anticapitaliste ).
Aux Etats-Unis, l’International Socialist Organisation (ISO) a été l’une
des principales organisations à soutenir et promouvoir l’UGTT. Un article
paru en début de semaine sur son site web Socialist Worker déclare, « Au
cours de ces quelques dernières semaines, l’Union générale des Travailleurs
tunisiens (UGTT) s'est révélée être un noyau crucial pour l’organisation et
l’unification des travailleurs avec ou sans emploi dans la contestation. »
C’est un mensonge. La première réaction de l’UGTT a été de dénoncer les
protestations. Même au moment où des manifestants commençaient à être
abattus dans les rues, le dirigeant de l’UGTT, Abdessalem Jerad était en
réunion avec Ben Ali.
L’UGTT a longtemps soutenu le régime et a joué un rôle décisif dans
l’application des réformes structurelles et des mesures d’austérité appuyées
par le FMI. Elle a publiquement soutenu Ben Ali durant les élections
présidentielles truquées en disant encore dernièrement aux travailleurs
qu’il garantirait « un climat de liberté et de stabilité. »
Incapable de dissimuler complètement ces faits, le correspondant de
Socialist Worker, Matt Swagler, a dit, « Malheureusement, les dirigeants
syndicaux ont rejoint le mouvement avec quelque peu de retard. Après avoir
initialement condamné les protestations en s’en tenant écartés, ils ont été
poussés par la base à soutenir et à rejoindre les actions. Mais leur poids a
été grand pour faire basculer la balance à l’encontre de Ben Ali. »
Quel a été le rôle véritable de l’UGTT ?
Avec des dizaines de milliers de personnes défilant au mépris de la
violence d'Etat, la commission nationale de l’UGTT a appelé à une réunion
d’urgence le 11 janvier. Elle a publié un communiqué pour lancer un appel au
calme en pressant le gouvernement de ne pas imputer au syndicat « les
événements dramatiques qui ont marqué le pays. » Elle n’a pas réclamé
l’éviction de Ben Ali mais, au lieu de cela, « la création d’une commission
nationale de dialogue pour déterminer les réformes économiques et sociales
indispensables pour assurer la stabilité, la sécurité et la prospérité
nationale. »
Alors que les grèves et les protestations s’intensifiaient, les
dirigeants de l’UGTT ont appelé à une grève symbolique de deux heures le 14
janvier pour essayer de contenir la rébellion et pour se présenter comme une
force d'opposition. Lorsque Ben Ali a fui vers l’Arabie saoudite, l’UGTT
s’est rapidement ralliée derrière les manœuvres de ses acolytes pour former
un gouvernement « d’union nationale. »
Trois responsables de l’UGTT ont accepté des postes de ministres au sein
du gouvernement qui était dominé par des membres du Rassemblement
constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali. Avec les
protestations se poursuivant et se concentrant sur le rôle joué par le RCD,
les trois ministres UGTT ont été obligés de démissionner.
Dans un effort visant à renforcer l’autorité de l’UGTT, Swagler écrit,
« Le mouvement ouvrier tunisien a une histoire radicale importante – en
particulier, une grève générale en 1978. Mais il a été sérieusement affaibli
par une interaction entre la répression, la privatisation des emplois
publics et le pouvoir d’adaptation de la direction syndicale. Il reste à
voir si en solidarité avec le mouvement de protestation les syndicats vont
recouvrer une partie de leur force d’avant. »
Depuis le début, l’UGTT est un instrument des forces les plus
réactionnaires, y compris avant tout de l’impérialisme français et
américain. Comme l’a remarqué Nigel Disney dans son article de 1978, « La
révolte de la classe ouvrière en Tunisie, » l’UGTT « avait été formée en
1946 par la fusion de syndicats existant déjà mais elle avait rapidement
viré à droite durant la période de la lutte pour l’indépendance nationale.
Un an après son adhésion, l’UGTT quittait en 1951 la Fédération syndicale
mondiale, d'orientation communiste, pour rejoindre à la place la
Confédération internationale des syndicats (CISL). Par le biais de cette
organisation, la direction de l’UGTT a forgé des liens étroits avec la
Fédération américaine du travail (AFL), liens existant encore à ce jour. »
Irwing Brown, qui a dirigé les activités anticommunistes mondiales de
l’AFL en étroite liaison avec l’Agence centre le renseignement (CIA), a
forgé des liens étroits avec l’UGTT et les prédécesseurs du parti RCD de Ben
Ali. Les opérations de l’AFL à Tunis étaient devenues un tremplin pour les
crimes et les intrigues de l’impérialisme américain non seulement en Afrique
du Nord mais sur l’ensemble du continent.
La grève générale tunisienne de 1978 avait été une lutte explosive
déclenchée par les troubles survenus dans le milieu ouvrier et universitaire
au sujet des conditions économiques décrépites et de la répression
politique. Des centaines de personnes avaient été fusillées par l’armée et
plus de 200 responsables syndicaux, dont le dirigeant de l’UGTT, furent
emprisonnés. Dès 1981, cependant, après la libération et l’amnistie des
responsables syndicaux, l’UGTT soutenait le Parti socialiste de Destourian
qui avait organisé la répression, en affirmant qu’il s’était réformé. En
1987, Ben Ali, un membre dirigeant du parti prenait le pouvoir.
Tout ceci ne porte nullement à conséquence pour l’ISO et les autres
organisations soi-disant de gauche. Plutôt que de mettre en garde la classe
ouvrière contre des illusions fatales sur l’opposition bourgeoise, ils
nourrissent ce genre d’illusions en insistant pour dire que la pression de
masse peut faire virer l’UGTT et les partis d’opposition bourgeois vers la
gauche.
Swagler demande instamment aux travailleurs et aux jeunes Tunisiens de
« rendre les dirigeants intérimaires responsables de leurs promesses de
réformes et de mettre un terme à l’oppression. » De plus, dit-il, les
« syndicats et les organisations d’opposition de la gauche tunisienne
pourraient jouer un rôle significatif pour contribuer à rassembler un
mouvement » en vue d’un « changement social radical. »
Chacun de ces soi-disant partis d’opposition – à commencer par ceux
autorisés sous la dictature jusqu'à ceux qui étaient interdits tels le Parti
communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) stalinien et les partis islamistes
– défend l’ordre capitaliste.
Loin d’être le moyen pour un « changement social radical » ils oeuvrent
assidûment pour forger un gouvernement qui soit en mesure d’étouffer la
résistance populaire. Dans ces efforts, les organisations de « gauche »
petites bourgeoises opèrent comme un appui et un auxiliaire crucial de
l’impérialisme français et américain.
Ce n’est certainement pas la première ou même la deuxième fois qu’ils
jouent ce rôle. En 2009, l’ensemble de la fraternité de « gauche » avait
soutenu les efforts entrepris par les Etats-Unis pour déstabiliser le régime
iranien durant la soi-disant Révolution verte, en soutenant les opposants
qui cherchaient à mettre en place un régime plus favorable à Washington.
Les masses tunisiennes sont confrontées à de grands défis politiques qui
ne peuvent être résolus en dehors d’une lutte pour la construction d’une
direction révolutionnaire qui a assimilé les leçons de l’histoire, y compris
la lutte contre le nationalisme bourgeois, le stalinisme et l’opportunisme.
Le seul parti qui incarne cette lutte est le Comité international de la
Quatrième Internationale (CIQI), le mouvement trotskyste mondial. Nous
encourageons les travailleurs, les jeunes et les intellectuels tunisiens à
étudier l’histoire et le programme de notre mouvement et à construire des
sections du CIQI en Tunisie et partout en Afrique du nord.
(Article original paru le 21 janvier 2011)
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