L’isolement
et la trahison de la grève dans le secteur pétrolier français contre les coupes
du président Nicolas Sarkozy dans les retraites constituent une importante
expérience politique pour la classe ouvrière internationale, ainsi que pour les
travailleurs en France encore en grève contre Sarkozy. Après deux semaines de grèves,
et de brutales actions policières anti-grève contre
lesquelles les syndicats n’ont organisé ni manifestations de masse ni
grèves de solidarité, les travailleurs du pétrole ont voté vendredi pour
rentrer au travail.
Cette
expérience aura servi à démasquer une fois de plus la politique de
collaboration de classe que poursuit le NPA (Nouveau parti anticapitaliste) de
Olivier Besancenot. Ce parti a réagi à cet événement en cachant la trahison des
syndicats et de la « gauche » bourgeoise par des phrases pseudo-radicales
mensongères.
C’est
une question critique de stratégie de classe pour les travailleurs de mettre à
nu la politique du NPA. Sa fonction objective est d’empêcher les
travailleurs de rompre avec la bureaucratie syndicale, laquelle n’a pas
caché que sa stratégie était d’isoler et de trahir toute section de la
classe ouvrière qui engage le combat contre les coupes de Sarkozy. En
protégeant les syndicats, le NPA agit en opposant direct de la stratégie
avancée par le World Socialist Web
Site : la formation de comités d’action indépendants des
syndicats et des partis « de gauche » afin d’organiser des
grèves politiques de masse pour renverser le gouvernement Sarkozy.
Besancenot,
qui a gardé le silence durant la dernière semaine de la grève dans le secteur
pétrolier, a accordé dimanche une longue entrevue au Parisien. Évitant entièrement la question des mesures ordonnées par
Sarkozy pour briser la grève ainsi que la complicité des syndicats, il a permis
aux syndicats et aux partis bourgeois « de gauche » de s’en
tirer à bon compte.
À
la question de savoir si « le mouvement s’essouffle »,
Besancenot a répondu : « La reconduction de la grève générale
n’est d’ailleurs pas passée loin. »
C’est
à se demander comment Besancenot a pu en arriver à une telle conclusion. Il
n’y a eu aucune tentative sérieuse pour organiser une grève générale. Et
aucune lutte n’a été menée contre ceux qui s’opposaient publiquement
à une grève générale, notamment : la CGT (Confédération générale du travail),
son chef Bernard Thibault, et le reste de la bureaucratie syndicale.
Thibault
a dénoncé les appels à une grève générale comme étant « abstraits »
et « abscons ». Comme les événements ultérieurs allaient le montrer,
l’opposition de Thibault à une grève générale faisait partie d’une
stratégie plus large visant à isoler les grévistes et à négocier avec le
patronat dans le dos des travailleurs. Thibault s’est abstenu de défendre
les travailleurs du pétrole contre les attaques de l’Etat, et la CGT
refuse maintenant de dévoiler les détails de l’entente qu’il a
négociée, en vertu de laquelle le travail a repris dans les terminaux
pétroliers de Marseille.
Pas
une seule figure de l’establishment politique « de gauche » n’a
dénoncé le rôle pourri joué par la CGT. Comme l’a noté Le Monde avec reconnaissance la semaine
passée, Besancenot faisait partie de ceux qui ont évité de critiquer Thibault
et les autres bureaucrates. Le quotidien a écrit : « Depuis début
octobre, Olivier Besancenot a rangé ses critiques à l'égard des syndicats jugés
trop mous et ses appels à un "nouveau Mai 68". »
Affirmer
que les syndicats sont passés « pas loin » d’une grève générale
est de mentir effrontément sur leur trahison de la lutte des travailleurs.
Le
reste de l’entrevue du Parisien
s’est largement concentrée sur les relations du NPA avec le PS (Parti
socialiste), le principal parti de gouvernement en France de type bourgeois
« de gauche ».
Le
PS a émis une série de communiqués déroutants afin de cacher son accord de fond
avec les coupes de Sarkozy. Il s’est opposé au projet de Sarkozy
visant à repousser techniquement l’âge minimal de la retraite de 60 à 62
ans, tout en soutenant l’allongement de la période requise de cotisation
à 41, puis 41,25 annuités. Vu que l’apprentissage et l’internat ne
sont généralement pas pris en compte dans le calcul de la période de
cotisation, son seul allongement tend à repousser l’âge minimum de la
retraite jusqu’à la mi- ou la fin-soixantaine.
Sur
la question de ses relations avec le PS, Besancenot a expliqué : « Le
PS était prêt à se mêler à une campagne unitaire pour défendre la retraite à 60
ans, en disant que la réforme du gouvernement n’était pas juste. On est
d’accord sur le combat, mais nos divergences commencent avec le projet.
Dire, comme les socialistes, qu’il faut défendre la retraite à 60 ans
tout en appelant à un allongement de la durée de cotisation, c’est
illogique et totalement contradictoire. »
Besancenot
n’a pas cherché à expliquer aux lecteurs du Parisien la source de cette contradiction flagrante dans la politique
du PS. Il a néanmoins indiqué qu’il veillerait à ce que le NPA ne
participe pas à une alliance gouvernementale « de gauche » où « au
nom de l’unité, on servirait de caution à un gouvernement qui ne mènera
pas une politique de gauche. »
La
signification de cette vague expression est la suivante : Besancenot sait
que le PS mène une politique de droite, mais il veut quand même travailler
(« lutter ») avec lui. Sa principale crainte est que s’il
soutient le PS trop ouvertement, il finira par s’auto-discréditer.
Le
PS appuie les coupes dans les retraites et s’oppose aux luttes ouvrières,
mais il n’ose pas le dire publiquement dans un contexte où plus de 70
pour cent de la population est hostile aux coupes de Sarkozy. Le PS veut, après
tout, présenter un candidat contre Sarkozy à l’élection présidentielle de
2012 qui puisse parader en alternative « de gauche » à Sarkozy. Il a
donc choisi de « s’opposer » à Sarkozy sur un nombre —
l’âge minimum de la retraite — et de soutenir d’autres coupes
qui rendent vaine sa supposée « opposition ».
Le
caractère de droite de la politique sociale du PS ressort clairement si
l’on considère celui que l’on considère à présent comme le candidat
le plus probable du PS en 2012 : Dominique Strauss-Kahn, directeur général
du Fonds monétaire international (FMI). En tant que chef du FMI, Strauss-Kahn a
aidé à imposer des coupes sociales massives à des pays endettés en échange d’un
renflouement, l’exemple le plus marquant étant celui de la Grèce au
printemps dernier durant la crise de la dette grecque. Le PS a voté avec
enthousiasme pour le plan de
renflouement de l'Europe
et du FMI que Strauss-Kahn a mis
en place cet été, et qui imposait des coupes draconiennes aux travailleurs
grecs.
Le
rôle du NPA est d’entretenir l’illusion que le PS est un parti
« de gauche » et d’accueillir cet agent de l’ennemi de
classe au sein des manifestations ouvrières. Et il le fait de façon très
consciente.
Dans
un article daté du 27 octobre et publié sur le site internet du NPA (« Ras-le-bol
de la Sarkozie : préparons l’alternative anticapitaliste »), un
membre dirigeant du NPA, Fred Borras, a écrit ce qui suit : « La
position du PS ne se différencie pas vraiment de celle du pouvoir sur la
question des retraites. Du coup, le chef des socialistes marseillais, [le
député PS Jean-Noël] Guerini, en a tiré toutes les conséquences et, dans la
"capitale de la grève", a appelé conjointement avec le chef de
l’UMP Gaudin à... cesser la lutte. »
Il
a néanmoins applaudi le fait que des membres du PS étaient « présents aux
manifs — et c’est tant mieux ».
Cela
soulève la question : pourquoi le NPA s’associe au PS dans la
« lutte », comme le dit Besancenot, et ne dit rien sur la CGT qui a
accepté les brutales actions anti-grève de Sarkozy ?
C’est
avant tout une question d’intérêts de classe. Formé d’éléments
universitaires et de la bureaucratie syndicale ayant adhéré à la LCR (Ligue
communiste révolutionnaire) après le mouvement étudiant contestataire de 1968,
le NPA parle pour une couche des classes moyennes qui a une longue histoire de
dissimulation des trahisons de la classe ouvrière. Au cours des trente
dernières années, l’aristocratie financière, et dans une moindre mesure
la direction des syndicats et du NPA, ont énormément
profité des coupes sociales et autres défaites. Le NPA a lui-même tissé des
liens très étroits avec le PS.
Il
est donc critique pour le NPA d’alimenter la fiction que le PS est un
parti de « gauche », et les syndicats des instruments de
« lutte », sur lesquels le NPA peut compter pour faire avancer ses
objectifs politiques.
La
NPA a utilisé des phrases pseudo-radicales pour cacher son alliance avec des
forces droitières et anti-ouvrières. Borras en donne un autre exemple ahurissant
à la fin de son texte : « La véritable rupture suppose ainsi à la
fois la mise en œuvre d’un programme anti-capitaliste basé sur
l’appropriation sociale des grands moyens de production, sur la
répartition des richesses, la protection des ressources et la rupture avec les
institutions. »
Le
charlatanisme du NPA est dévoilé par son silence poltron et sans principes sur
la trahison de la grève actuelle par les syndicats. Il est tellement lié à la
classe dirigeante qu’il refuse de protester contre l’envoi de la
police anti-émeute pour briser des grèves, dans le contexte d’une immense
opposition populaire au gouvernement. Quelqu’un peut-il penser que le NPA
mènerait une lutte internationale de vie ou de mort pour renverser la
république française et « approprier » les milliards mal acquis de l’aristocratie
financière ?
Le
NPA représente, et de manière consciente, un écran de protection pour l’establishment
politique français contre l’opposition de la classe ouvrière. Ceux qui se
battent pour développer une lutte indépendante des travailleurs contre la
politique d’austérité sociale de Sarkozy et de l’aristocratie
financière doivent commencer par démasquer le NPA en tant que défenseur de
l’establishment capitaliste.
(Article
original anglais paru le 1er novembre 2010)