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France: Un million de personnes défilent lors de la huitième manifestation nationale contre la loi de Sarkozy sur les retraites

Par Antoine Lerougetel
10 novembre 2010

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Plus d’un million de personnes ont défilé samedi lors de la huitième journée nationale de mobilisation contre la réduction par le président Nicolas Sarkozy des retraites.

Les syndicats avaient estimé à 2 millions la participation à la journée d'action du 28 octobre tandis que la police faisait état de 560 000 manifestants. Samedi, 1,2 million étaient dans la rue selon les chiffres des syndicats et 375 000 selon la police.

Cette baisse de la participation ne signifie pas que davantage de gens soutiennent la loi profondément impopulaire de Sarkozy sur les coupes dans les retraites. Cela révèle plutôt une désillusion grandissante quant à la tactique et à la politique de l'intersyndicale et de ses soutiens politiques, notamment le Parti socialiste (PS) et ses alliés. C'est aussi le résultat de la défaite de la grève dans le secteur pétrolier le mois dernier.

Cette détermination à combattre les mesures d'austérité de la classe capitaliste européenne, soutenue par le Fonds monétaire international (FMI) s'exprime partout en Europe. Le même jour à Lisbonne il y avait une manifestation de 100 000 personnes. Cette manifestation était une préparation à la grève nationale du 24 novembre contre des réductions, allant jusqu'à 10 pour cent, du salaire des fonctionnaires, contre le plafonnement des prestations sociales et l'augmentation de la TVA.

Les élections régionales de dimanche en Grèce sont présentées par le gouvernement socio-démocrate de George Papandreou comme un référendum sur ses mesures d'austérité impliquant, entre autres, des baisses de salaire de 30 pour cent. On prévoit un taux d'abstention massif, les travailleurs et les jeunes se détournant du programme droitier de Papandreou.

Les syndicats et les partis de "gauche" sont en train de trahir le mouvement contre les coupes de Sarkozy. Au moment précis où les secteurs stratégiques de la classe ouvrière, les cheminots et tout particulièrement les travailleurs des raffineries et des terminaux pétroliers de Fos et du Havre s'étaient emparés de l'économie, les syndicats conduits par la CGT se sont mis à voler au secours du gouvernement qui brisait les grèves et attaquait les blocages.

Lorsque le gouvernement a réquisitionné des travailleurs pour la reprise du travail, sous la menace de peines de prison de cinq ans, et a envoyé les CRS le 27 octobre pour qu'ils débloquent les occupations et blocages des raffineries et des dépôts de carburants, les syndicats ont donné la consigne de disperser les blocages, les occupations et piquets de grève massifs. Ils n'ont pas organisé d'action de masse pour soutenir ces travailleurs et n'ont jamais essayé de constituer un fonds pour les grévistes touchés par la perte d'argent après presqu'un mois de grève.

Ils ont refusé d'appeler à la grève générale pour briser l'isolement des grévistes car cela aurait signifié une confrontation politique avec le gouvernement, posant la question de son maintien au pouvoir. Ainsi les syndicats ont trahi la lutte contre la législation sur les retraites.

L'âge légal de départ à la retraite sera à présent reporté de 60 à 62 ans et l'âge où on peut prétendre à une retraite sans décote de 65 à 67 ans. Ceci représente une perte de qualité de vie significative pour la classe ouvrière et les jeunes qui craignent une vie active plus longue et plus précaire, s'achevant par une vieillesse dans la pauvreté.

Il faut à présent regarder en face le fait que ces pertes ne peuvent être regagnées par la pression de la rue, ou des négociations entre les syndicats et le gouvernement. Ce n'est qu'en renversant le gouvernement et en le remplaçant par un gouvernement ouvrier formé à partir de la mobilisation de masse des travailleurs en une grève générale politique, indépendante des syndicats et de leurs alliés politiques, que l'on y parviendra.

La CFDT (Confédération française démocratique du travail) alignée sur le Parti socialiste (PS) exprime clairement sa volonté de mettre fin aux protestations et d'accepter qu'avec la loi à présent votée au parlement, les syndicats devraient passer à autre chose, à savoir des négociations sur les salaires et les prestations sociales avec les employeurs et le gouvernement sur la manière de conserver la profitabilité et la compétitivité du patronat français.

Comme l'a dit Dominique Paillé, porte-parole du parti au pouvoir, l'UMP (Union pour un mouvement populaire): "S'il y avait des mouvements sociaux nouveaux, cela porterait un coup à cette obligation que nous nous devons de mettre en oeuvre pour que la France puisse être un des Etats leaders au niveau international dès la sortie définitive de la crise ."

Ni la CGT (Confédération générale du travail) alignée sur le Parti communiste, ni le PS ne sont fondamentalement en désaccord avec ce point de vue mais la CGT ne veut pas avoir l'air de jeter l'éponge car elle craint de perdre le contrôle des actions que poursuivent certaines sections de travailleurs, de lycéens et d'étudiants. En fait, la CGT a joué un rôle crucial dans l'aide qu'elle a apportée à Sarkozy depuis son élection en 2007 pour imposer ses mesures d'austérité afin de maintenir l'avantage du patronat français. Le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault a dit à la presse samedi: "C'est jusqu'au bout, c'est jusqu'à obtenir des négociations pour d'autres mesures pour l'avenir de nos retraites que nous allons nous battre", a-t-il expliqué. "Nous allons tout faire pour empêcher ces nouvelles mesures d'entrer en application."

Martine Aubry, première secrétaire du PS qui défilait à la tête de la section CGT de la manifestation parisienne avec une délégation des personnalités du parti a dit aux médias: "Nous ne pouvons l'accepter, et jusqu'au bout, les socialistes seront aux côtés des Français et des syndicats." C'est pour préserver quelque peu la crédibilité du candidat probable du PS à la présidentielle de 2012, Dominique Strauss-Kahn, directeur du FMI, bien que ce dernier ait exprimé son soutien à la réforme de Sarkozy sur les retraites.

Des équipes de sympathisants du WSWS ont distribué des tracts du WSWS dans les cortèges de Paris, Nice et Amiens.

Malgré une pluie torrentielle, quelque 80 000 personnes ont défilé à Paris dans une manifestation conduite par la bureaucratie syndicale soutenue par le Nouveau parti anticapitaliste dont les membres se sont montrés hostiles au tract distribué par les sympathisants du WSWS: La bureaucratie syndicale étrangle la grève dans le secteur pétrolier français. Néanmoins les manifestants étaient clairement hostiles au rôle joué par les syndicats dans la trahison de leur lutte. Un manifestant tenait une pancarte avec l'inscription "Ne les laissons pas nous trahir encore une fois."

Une autre pancarte faite à la main disait: "Démocratie dans la République française: intolérance, corruption, criminalité des politiciens et des institutions de l'Etat."

A Nice où plus de 5 000 personnes ont manifesté il y avait une très forte présence policière du fait de la rencontre qui se tenait dans la ville entre Sarkozy et le président chinois. Bien que la police ait aussi été déployée pour intimider les manifestants, le temps clément a permis un échange de vues plus aisé avec les reporters du WSWS qu'à Paris.

De nombreuses personnes se sont montrées réceptives aux analyses et perspectives du WSWS et satisfaites d'envisager une perspective autre que celle consistant à voter pour un gouvernement PS en 2012.

La profonde hostilité de ces sections à l'égard de Sarkozy s'est exprimée dans les propos dun groupe de cheminots, salués par quelque 200 manifestants, qui ont mis en scène dans la rue un simulacre de procès de Sarkozy pour crimes contre la classe ouvrière. Dans une scène rappelant la Révolution française et le renversement de l'Ancien régime, son effigie a été guillotinée et sa tête paradée sur une pique.

Un ouvrier non syndiqué a dit: "Il faut continuer la lutte contre la réforme des retraites et on va le battre aux élections de 2012." Il a dit qu'il croyait que le PS abrogerait la loi de Sarkozy mais il a reconnu qu'il devrait revoir sa position quand nous l'avons informé de la politique du principal candidat PS à l'élection présidentielle.

Deux retraités qui manifestaient indépendamment ont exprimé leur soutien à la construction de comités d'action indépendants et à la rupture avec les syndicats et les partis de "gauche" capitalistes. Ils ont exprimé leur enthousiasme quant à notre politique d'unification de la classe ouvrière en Europe et internationalement.

Un autre manifestant qui ne vit pas à Nice-même a rejeté les syndicats et les partis de "gauche", disant qu'il s'opposait à l'ensemble de ce que Sarkozy fait. "On n'est pas loin d'une guerre. La déportation des Roms c'est comme celle des juifs" durant la Deuxième guerre mondiale, a-t-il dit.

A Amiens, capitale régionale de Picardie, 3 000 personnes ont manifesté pour protester contre les coupes, une participation nettement moins importante que les 10 000 de la semaine précédente pendant les vacances scolaires. En tête du cortège qui a fait le tour de la ville, se trouvaient une cinquantaine de jeunes organisés par la CGT sous une banderole appelant à la "solidarité intergénérationnelle." Les manifestants étaient calmes, mais bien déterminés à exprimer leur opposition.

David, enseignant stagiaire, a dit: "Même si les syndicats envisagent d'espacer leurs actions, les jeunes, ils seront là pour combler les trous. C'est peut-être à notre tour de prendre la relève."

Certains étudiants présents à la manifestation ont fait remarquer au WSWS que bon nombre d'entre eux n'étaient pas sûrs de vouloir répondre à l'appel du syndicat étudiant UNEF proche du Parti socialiste, car il avait trahi en 2008 une grève de quatre mois contre la loi d'autonomie des universités.

De plus, de nombreux étudiants se méfient de toute association avec le Parti socialiste et la campagne qu'il mène, sous couvert de défendre les retraites, pour prendre la place de Sarkozy à l'élection présidentielle de 2012. Le candidat actuel le plus probable Dominique Strauss-Kahn du Fonds monétaire international a dit que l'âge de la retraite "n'est pas un dogme."

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