Plus d’un million de personnes ont défilé samedi lors de la huitième
journée nationale de mobilisation contre la réduction par le président
Nicolas Sarkozy des retraites.
Les syndicats avaient estimé à 2 millions la participation à la journée
d'action du 28 octobre tandis que la police faisait état de 560 000
manifestants. Samedi, 1,2 million étaient dans la rue selon les chiffres des
syndicats et 375 000 selon la police.
Cette baisse de la participation ne signifie pas que davantage de gens
soutiennent la loi profondément impopulaire de Sarkozy sur les coupes dans
les retraites. Cela révèle plutôt une désillusion grandissante quant à la
tactique et à la politique de l'intersyndicale et de ses soutiens politiques,
notamment le Parti socialiste (PS) et ses alliés. C'est aussi le résultat de
la défaite de la grève dans le secteur pétrolier le mois dernier.
Cette détermination à combattre les mesures d'austérité de la classe
capitaliste européenne, soutenue par le Fonds monétaire international (FMI)
s'exprime partout en Europe. Le même jour à Lisbonne il y avait une
manifestation de 100 000 personnes. Cette manifestation était une
préparation à la grève nationale du 24 novembre contre des réductions,
allant jusqu'à 10 pour cent, du salaire des fonctionnaires, contre le
plafonnement des prestations sociales et l'augmentation de la TVA.
Les élections régionales de dimanche en Grèce sont présentées par le
gouvernement socio-démocrate de George Papandreou comme un référendum sur
ses mesures d'austérité impliquant, entre autres, des baisses de salaire de
30 pour cent. On prévoit un taux d'abstention massif, les travailleurs et
les jeunes se détournant du programme droitier de Papandreou.
Des étudiants dans la manifestation parisienne
Les syndicats et les partis de "gauche" sont en train de trahir le
mouvement contre les coupes de Sarkozy. Au moment précis où les secteurs
stratégiques de la classe ouvrière, les cheminots et tout particulièrement
les travailleurs des raffineries et des terminaux pétroliers de Fos et du
Havre s'étaient emparés de l'économie, les syndicats conduits par la CGT se
sont mis à voler au secours du gouvernement qui brisait les grèves et
attaquait les blocages.
Lorsque le gouvernement a réquisitionné des travailleurs pour la reprise
du travail, sous la menace de peines de prison de cinq ans, et a envoyé les
CRS le 27 octobre pour qu'ils débloquent les occupations et blocages des
raffineries et des dépôts de carburants, les syndicats ont donné la consigne
de disperser les blocages, les occupations et piquets de grève massifs. Ils
n'ont pas organisé d'action de masse pour soutenir ces travailleurs et n'ont
jamais essayé de constituer un fonds pour les grévistes touchés par la perte
d'argent après presqu'un mois de grève.
Ils ont refusé d'appeler à la grève générale pour briser l'isolement des
grévistes car cela aurait signifié une confrontation politique avec le
gouvernement, posant la question de son maintien au pouvoir. Ainsi les
syndicats ont trahi la lutte contre la législation sur les retraites.
L'âge légal de départ à la retraite sera à présent reporté de 60 à 62 ans
et l'âge où on peut prétendre à une retraite sans décote de 65 à 67 ans.
Ceci représente une perte de qualité de vie significative pour la classe
ouvrière et les jeunes qui craignent une vie active plus longue et plus
précaire, s'achevant par une vieillesse dans la pauvreté.
Il faut à présent regarder en face le fait que ces pertes ne peuvent être
regagnées par la pression de la rue, ou des négociations entre les syndicats
et le gouvernement. Ce n'est qu'en renversant le gouvernement et en le
remplaçant par un gouvernement ouvrier formé à partir de la mobilisation de
masse des travailleurs en une grève générale politique, indépendante des
syndicats et de leurs alliés politiques, que l'on y parviendra.
La CFDT (Confédération française démocratique du travail) alignée sur le
Parti socialiste (PS) exprime clairement sa volonté de mettre fin aux
protestations et d'accepter qu'avec la loi à présent votée au parlement, les
syndicats devraient passer à autre chose, à savoir des négociations sur les
salaires et les prestations sociales avec les employeurs et le gouvernement
sur la manière de conserver la profitabilité et la compétitivité du patronat
français.
Manifestation de Nice: un simulacre de procès de Sarkozy
Comme l'a dit Dominique Paillé, porte-parole du parti au pouvoir, l'UMP
(Union pour un mouvement populaire): "S'il y avait des mouvements sociaux
nouveaux, cela porterait un coup à cette obligation que nous nous devons de
mettre en oeuvre pour que la France puisse être un des Etats leaders au
niveau international dès la sortie définitive de la crise
."
Ni la CGT (Confédération générale du travail) alignée sur le Parti
communiste, ni le PS ne sont fondamentalement en désaccord avec ce point de
vue mais la CGT ne veut pas avoir l'air de jeter l'éponge car elle craint de
perdre le contrôle des actions que poursuivent certaines sections de
travailleurs, de lycéens et d'étudiants. En fait, la CGT a joué un rôle
crucial dans l'aide qu'elle a apportée à Sarkozy depuis son élection en 2007
pour imposer ses mesures d'austérité afin de maintenir l'avantage du
patronat français. Le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault a dit à
la presse samedi: "C'est jusqu'au bout, c'est jusqu'à obtenir des
négociations pour d'autres mesures pour l'avenir de nos retraites que nous
allons nous battre", a-t-il expliqué. "Nous allons tout faire pour empêcher
ces nouvelles mesures d'entrer en application."
Martine Aubry, première secrétaire du PS qui défilait à la tête de la
section CGT de la manifestation parisienne avec une délégation des
personnalités du parti a dit aux médias: "Nous ne pouvons l'accepter, et
jusqu'au bout, les socialistes seront aux côtés des Français et des
syndicats." C'est pour préserver quelque peu la crédibilité du candidat
probable du PS à la présidentielle de 2012, Dominique Strauss-Kahn,
directeur du FMI, bien que ce dernier ait exprimé son soutien à la réforme
de Sarkozy sur les retraites.
Des équipes de sympathisants du WSWS ont distribué des tracts du WSWS
dans les cortèges de Paris, Nice et Amiens.
Malgré une pluie torrentielle, quelque 80 000 personnes ont défilé à
Paris dans une manifestation conduite par la bureaucratie syndicale soutenue
par le Nouveau parti anticapitaliste dont les membres se sont montrés
hostiles au tract distribué par les sympathisants du WSWS:
Une autre pancarte faite à la main disait: "Démocratie dans la République
française: intolérance, corruption, criminalité des politiciens et des
institutions de l'Etat."
A la manifestation de Nice
A Nice où plus de 5 000 personnes ont manifesté il y avait une très forte
présence policière du fait de la rencontre qui se tenait dans la ville entre
Sarkozy et le président chinois. Bien que la police ait aussi été déployée
pour intimider les manifestants, le temps clément a permis un échange de
vues plus aisé avec les reporters du WSWS qu'à Paris.
De nombreuses personnes se sont montrées réceptives aux analyses et
perspectives du WSWS et satisfaites d'envisager une perspective autre que
celle consistant à voter pour un gouvernement PS en 2012.
La profonde hostilité de ces sections à l'égard de Sarkozy s'est exprimée
dans les propos dun groupe de cheminots, salués par quelque 200 manifestants,
qui ont mis en scène dans la rue un simulacre de procès de Sarkozy pour
crimes contre la classe ouvrière. Dans une scène rappelant la Révolution
française et le renversement de l'Ancien régime, son effigie a été
guillotinée et sa tête paradée sur une pique.
La manifestation de Nice
Un ouvrier non syndiqué a dit: "Il faut continuer la lutte contre la
réforme des retraites et on va le battre aux élections de 2012." Il a dit
qu'il croyait que le PS abrogerait la loi de Sarkozy mais il a reconnu qu'il
devrait revoir sa position quand nous l'avons informé de la politique du
principal candidat PS à l'élection présidentielle.
Deux retraités qui manifestaient indépendamment ont exprimé leur soutien
à la construction de comités d'action indépendants et à la rupture avec les
syndicats et les partis de "gauche" capitalistes. Ils ont exprimé leur
enthousiasme quant à notre politique d'unification de la classe ouvrière en
Europe et internationalement.
Un autre manifestant qui ne vit pas à Nice-même a rejeté les syndicats et
les partis de "gauche", disant qu'il s'opposait à l'ensemble de ce que
Sarkozy fait. "On n'est pas loin d'une guerre. La déportation des Roms c'est
comme celle des juifs" durant la Deuxième guerre mondiale, a-t-il dit.
La manifestation à Amiens. "Solidarité intergénérationnelle"
A Amiens, capitale régionale de Picardie, 3 000 personnes ont manifesté
pour protester contre les coupes, une participation nettement moins
importante que les 10 000 de la semaine précédente pendant les vacances
scolaires. En tête du cortège qui a fait le tour de la ville, se trouvaient
une cinquantaine de jeunes organisés par la CGT sous une banderole appelant
à la "solidarité intergénérationnelle." Les manifestants étaient calmes,
mais bien déterminés à exprimer leur opposition.
David, enseignant stagiaire, a dit: "Même si les syndicats envisagent
d'espacer leurs actions, les jeunes, ils seront là pour combler les trous.
C'est peut-être à notre tour de prendre la relève."
Certains étudiants présents à la manifestation ont fait remarquer au WSWS
que bon nombre d'entre eux n'étaient pas sûrs de vouloir répondre à l'appel
du syndicat étudiant UNEF proche du Parti socialiste, car il avait trahi en
2008 une grève de quatre mois contre la loi d'autonomie des universités.
De plus, de nombreux étudiants se méfient de toute association avec le
Parti socialiste et la campagne qu'il mène, sous couvert de défendre les
retraites, pour prendre la place de Sarkozy à l'élection présidentielle de
2012. Le candidat actuel le plus probable Dominique Strauss-Kahn du Fonds
monétaire international a dit que l'âge de la retraite "n'est pas un dogme."