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EuropeLe syndicat grec annule la grève des cheminots
Par Robert Stevens
6 novembre 2010
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Le 28 octobre, la Fédération panhellénique des cheminots (POS) a annulé la
dernière grève des cheminots grecs. Les travailleurs avaient déjà cessé le
travail pendant trois jours, du lundi au mercredi de la semaine passée, et
devaient poursuivre la grève un jour de plus vendredi dernier (29 octobre).
Cette dernière grève a été annulée.
Ce geste est le dernier acte de sabotage en date de la part des syndicats
qui ont œuvré tout au long de l’année dernière pour s’assurer que le
gouvernement PASOK en place soit en mesure d’appliquer son programme
d’austérité draconien.
La POS avait appelé en premier lieu à la grève pour coïncider avec le
débat parlementaire du projet de loi gouvernemental sur la restructuration
et l’éventuelle privatisation de la compagnie grecque des chemins de fer
l’OSE. Le 26 octobre, la version définitive du projet de loi a été adoptée
après que ses dispositions ont fait l’objet d’un vote du parlement en
assemblée plénière. Sont également prévus dans la loi la liquidation des
propriétés immobilières de l’OSE, la suppression de lignes secondaires non
rentables, la fin des conventions collectives et des échelles de salaire des
salariés.
Cet état de fait laisserait le système ferroviaire entre les mains de
deux entreprises – TrainOSE et Geose – qui deviendraient les propriétaires
des infrastructures ferroviaires. Le projet prévoit la vente de 49 pour cent
de la société d’exploitation ferroviaire TrainOSE à un investisseur privé.
Le gouvernement projette de réduire l’effectif de l’OSE de son niveau
actuel de plus de 6.000 salariés à 3.700. Le ministre du Transport, Dimitris
Reppas, a dit dernièrement que l’abaissement de la masse salariale était une
composante essentielle de la future vente de l’OSE. « Nous ne pouvons
accepter que les revenus de l’OSE soient de 106 millions d’euros et que les
frais de salaires représentent 116 millions d’euros en 2009, » a-t-il dit.
La liquidation de l’OSE/TrainOSE est un maillon essentiel pour la
stratégie de PASOK de se procurer, d’ici 2013, 3 millions d’euros issus de
la privatisation d’entreprises publiques. L’OSE est lourdement endettée avec
un passif total s’élevant à 10,7 milliards d’euros. Sa privatisation avait
été une condition de l’accord que le PASOK avait passé en mai avec le Fonds
monétaire international et l’Union européenne en échange d’un plan de
sauvetage de 110 milliards d’euros.
La vente des biens de l’OSE a déjà démarré. Le groupe chinois du fret
maritime Cosco China qui exploite deux terminaux conteneurs sur le port du
Pirée, projette de construire un centre de services de transport logistique
à Thriassion, à l’ouest d’Athènes. Le site est actuellement propriété de la
compagnie OSE et sera vendu avant la fin de l’année. Le gouvernement chinois
négocie étroitement avec le gouvernement grec depuis un certain temps et
projette d’établir au Pirée son principal centre de transit pour les
marchandises chinoises à destination du marché européen.
En annulant la grève, Nikolaos Kioutsoukis, le secrétaire général du
syndicat a dit, « Les cheminots ont lutté d’une manière honnête, collective
et digne. Nous avons avant toute chose montré que nous luttons pour un
système ferroviaire public, moderne et concurrentiel au service des besoins
de la société. »
Le syndicat a dit vouloir à présent envisager d’autres possibilités, dont
celle d'« épuiser toutes les voies de recours possible devant les tribunaux
grecs et européens ainsi que les organismes internationaux pour empêcher
l’application de cette loi. »
En réalité, la loi a maintenant été votée et le gouvernement est engagé
sur le plan international dans des discussions avancées avec des entreprises
au sujet de la vente de l’OSE. Mercredi dernier le ministre des Transports a
rencontré son homologue français Dominique Bussereau à Paris pour discuter
de l’éventuel rachat de 49 pour cent des parts de la filiale d’exploitation
d’OSE, TrainOSE, par les entreprises françaises, SNCF (Société nationale des
Chemins de Fer français) et Alstom Transport.
A l’issue de la réunion, Reppas a déclaré, « Ce que nous voulons pour
l’heure c’est l’application de la loi sur la base d’un projet opérationnel
qui appuie la loi votée par le parlement grec. Nous ferons tout ce qu’il
faut pour assainir les chemins de fer grecs et les rendre opérationnels. Si
entre-temps des pays crédibles expriment leur intérêt, alors en effet nous
pourrons aller vers un accord. »
En commentant cette tentative de séduction des investisseurs privés, le
quotidien grec Eleftherotypia écrit, « A la base, il s’agit de la récente
tentative de convaincre les Français qu’en plus de la nouvelle loi, la
possibilité d’investir dans les chemins de fer grecs en vaut la peine… Les
Français semblent s'intéresser au réseau ferroviaire de la banlieue ainsi
qu’à une éventuelle extension du réseau entre la Mésogée et Lavrio. »
En brisant la grève à un moment aussi crucial, la POS émet un signal
clair au gouvernement du premier ministre George Papandreou disant qu’il a
le feu vert pour imposer ses projets de privatisation. Les syndicats des
cheminots ont prouvé qu’ils défendaient les intérêts du patronat et du
capital financier international. Le sabotage de la part de la POS des
travailleurs d’une industrie clé revêtant une dimension hautement
stratégique rappelle celui de la Fédération hellénique des Transports
routiers internationaux (OFAE) qui avait annulé en août une grève
conformément aux termes du gouvernement et dans des conditions où le pays
était paralysé et voyait ses réserves de carburant se réduire.
La fédération des chauffeurs routiers, l’OFAE, a joué un rôle crucial
pour mettre fin à la grève après que des sections de camionneurs ont voté
pour sa poursuite en défiant le syndicat. Après l’émission d’un « ordre de
réquisition » d'urgence du gouvernement, le président du syndicat des
camionneurs, George Tzortzatos, a terminé la grève en disant, « Nous sommes
à présent les soldats de l’Etat grec et nous attendons nos ordres. »
Les cheminots ont participé cette année à plusieurs grèves, dont une en
juin durant laquelle des centaines de personnes ont manifesté devant le
ministère de l’Infrastructure à Athènes. A cette occasion, Nikos Koutsoukis
avait employé un verbiage de gauche des plus démagogiques en affirmant,
« Nous ne permettrons pas qu’ils annulent le moindre itinéraire. Nous sommes
ici pour combattre ceux qui s’abreuvent de notre sang et de notre sueur.
Nous ne permettrons pas qu’ils posent une pierre tombale sur la tombe
(d’OSE) qu’ils ont creusée de leurs propres mains. »
C’est précisément ce que la bureaucratie syndicale a fait en l’espace de
quatre mois.
Le 25 octobre, Papandreou a mis en garde par anticipation des élections
locales à venir le 7 novembre que son gouvernement continuerait à imposer
les mesures d’austérité nécessaires exigées par la « troïka » – Commission
européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international.
Le premier ministre a dit, « La Grèce est le pays le plus totalitaire
d’Europe » en raison du « favoritisme à l’emploi dans un système étatique
malade… imprégné de clientélisme » qui a conduit à « la dépendance de
prêteurs internationaux. »
Le « favoritisme » à l’emploi concerne surtout ceux au niveau de
l’encadrement dans le service public. Toutefois, la critique sévère envers
ces couches n’est qu’un moyen de plus de dénoncer les soi-disant
« privilèges » et « avantages en nature » des salariés de l’ensemble du
secteur public.
A partir du 1er janvier le gouvernement projette de réduire de deux-tiers
le millier ou plus de municipalités ainsi que des dizaines de gouvernements
locaux. Ceci sera mis en place en même temps que des contrôles draconiens
des fonds transférés par le gouvernement central aux gouvernements locaux.
Pour l’heure, les subventions du gouvernement central sont de 6 milliards
d’euros par an – environ 8 pour cent de l’ensemble des prêts accordés aux
gouvernements locaux. Ceci correspond à environ 60 pour cent du revenu total
du gouvernement local. Le ministre de l’Intérieur, Giannis Ragkousis, a mis
en garde, « L’ensemble des autorités décentralisées, les préfectures élues,
les municipalités et leurs entreprises locales ne pourront dépenser le
moindre euro sans approbation antérieure. »
6.000 entreprises nationales de plus doivent être réduites pour qu'il
n'en reste que 1.500, entraînant des pertes de milliers d’emplois. Ceci est
imposé dans des conditions de chômage croissant et où plus de 600.000
personnes (12 pour cent) des travailleurs sont au chômage.
En approuvant le « très lourd programme de privatisation », Nick Shrekas
écrivait le 30 septembre dans le Wall Street Journal qu’il est « censé faire
plus que de relancer les recettes ciblées suite au manque à gagner causé par
la récession. Il peut provoquer un changement dans l’engagement des
investisseurs concernant la Grèce en déclenchant un plus grand développement
des secteurs privatisés. »
Le rôle des syndicats a été de faciliter ceci. La POS est affiliée à la
Confédération générale des travailleurs de Grèce (GSEE) qui regroupe des
centaines de milliers de travailleurs. Elle n’a rien fait pour s’opposer à
aucun des projets du gouvernement ; elle n’a lancé qu’un appel à des grèves
symboliques servant de soupape tandis que le gouvernement était en train
d’adopter des mesures d’austérité les unes après les autres. En septembre,
le président de la GSEE, Yannis Panagopoulos, a dit, « Nous avons organisé
tellement de grèves et pourtant la politique de rigueur, celle prescrite par
le mémorandum (UE/FMI), a été appliquée et il n’y a pas de solutions
alternatives évidentes. »
La GSEE a appelé à une prochaine journée d’action symbolique pour le 15
décembre.
Des millions de travailleurs ont manifesté leur opposition aux attaques
énormes imposées par Papandreou mais, jusqu’à ce jour, chaque conflit avec
le gouvernement a débouché sur une défaite. La bureaucratie syndicale joue
le même rôle démobilisateur partout en Europe. La défaite des travailleurs
du secteur pétrolier en France la semaine passée montre que les
travailleurs, y compris ceux qui bénéficient d’un vaste soutien populaire et
qui contrôlent un secteur stratégique de l’économie, ne peuvent remporter de
victoire par le biais des organisations existantes. Dans les luttes à venir,
les travailleurs doivent former des comités d’action des membres de la base
pour retirer la lutte des mains des bureaucrates syndicaux. Ils doivent
organiser leurs luttes selon une perspective totalement différente et basée
sur une lutte politique afin de renverser le régime PASOK et de lutter pour
un gouvernement ouvrier.
(Article original paru le 1er novembre 2010)
A voir aussi:
La
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1er novembre 2010