Retour à Vichy
Par Alex Lantier
27 août 2010
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Il y a un fort relent de fascisme émanant des mesures anti-immigration et
sécuritaires qui sont appliquées par le président français, Nicolas Sarkozy.
La politique et les méthodes que la population avait espéré voir une
fois pour toutes disparaître avec les années 1930 et 1940 sont en train
d'être ravivées par la bourgeoisie européenne qui cherche à gérer les
conséquences de la crise économique mondiale.
Il n’y a pas d’exemple plus évident que la déportation de masse des Roms,
une population jadis ciblée par les nazis pour l’extermination. Les nazis et
leurs collaborateurs tuèrent entre 250.000 et 500.000 Roms. Les autorités
collaborationnistes françaises de Vichy avaient raflé les communautés roms
et enfermé leurs habitants dans des camps d’internement tels Jargeau, près
d’Orléans.
Alors que les gouvernements européens n’encouragent pas encore
l’antisémitisme et ce en partie en raison de la sensibilisation aux
problèmes de l’Holocauste, ils encouragent et exploitent la haine anti-Roms.
D’autres mesures proposées par Sarkozy sont aussi directement empruntées
à l’arsenal juridique fasciste. Après avoir pris la mesure d’interdire la
burqa, le gouvernement cherche à déchoir de la nationalité française des
citoyens naturalisés qui ont eu des démêlés avec la police. Le gouvernement
menace également d’emprisonnement les parents de jeunes délinquants si leurs
enfants violent les interdictions et les obligations auxquelles ils ont été
soumis par le système judiciaire.
La dernière fois que la France a déchu des citoyens de leur nationalité
pour des crimes non capitaux, a eu lieu sous le régime de Vichy qui avait
révoqué 7.000 citoyens juifs de leur nationalité. Le fait de tenir des
familles pour criminellement responsables des actes de leurs membres,
politique nazie de la Sippenhaft, est condamné et qualifié de barbare
depuis l’effondrement du Troisième Reich.
Bien que les femmes Roms et celles portant la burqa sont les premières
dans la ligne de mire du gouvernement, sa cible ultime est l’opposition de
la classe ouvrière tout entière à la politique de rigueur et à la guerre.
Le gouvernement a pillé l’économie dans l’intérêt de l’aristocratie
financière. Après avoir orchestré un cadeau de 360 milliards d’euros aux
banques et avoir, selon des allégations, bénéficié d’un financement pour sa
campagne électorale de la milliardaire Liliane Bettencourt tout en lui
faisant profiter d’abattements d’impôts, Sarkozy poursuit ses coupes
budgétaires et les coupes dans le régime des retraites. Les médias réclament
aussi que la France augmente ses dépenses militaires pour se préparer à des
guerres de plus grande envergure au Moyen-Orient et en Asie.
Les mesures de Sarkozy sont des préparatifs visant à riposter par une
répression violente à la résistance sociale provoquée par cette politique.
Ces mesures sont soutenues par l’ensemble de l’establishment
politique. Les critiques émanant de la « gauche » bourgeoise sont en grande
partie faites d’un point de vue de droite. Le Parti socialiste et ses alliés
se présentent comme des administrateurs de la police plus compétents que
Sarkozy.
Les mesures spéciales que Sarkozy propose donnent à penser qu’il anticipe
une confrontation avec les jeunes des cités de banlieue où vivent en grande
partie des familles immigrées. Le gouvernement s’apprête à réagir par des
emprisonnements et des déportations de masse. Lorsque de telles émeutes
avaient éclaté en 2005, le président de l'époque, Jacques Chirac, avait
décrété l’état d’urgence pour une durée de trois mois. Sarkozy, en tant que
ministre de l’Intérieur, avait exigé que les étrangers ayant participé aux
émeutes soient déportés.
La situation est pratiquement la même dans les autres pays de par le
monde. Les gouvernements européens ont largement attisé des sentiments
antimusulmans, souvent sous le prétexte de défendre les droits de la femme.
Des interdictions nationales du port de la burqa ont été adoptées ou sont
envisagées en Belgique, en France, en Italie et au Danemark, et aussi par
des administrations locales en Espagne. L’année passée, à la suite d’un
référendum, la Suisse interdisait la construction de minarets. Les
implications réactionnaires considérables de telles mesures qui ont ouvert
la voie à l’actuelle campagne droitière en France, apparaissent à présent au
grand jour.
En Italie, qui déporte également les Roms, le ministre de l’Intérieur,
Roberto Maroni, a salué les mesures de Sarkozy et reitéré une proposition
d’expulsion de citoyens d’autres pays de l’Union européenne ne pouvant
subvenir à leurs besoins. Cette politique a précédemment été refusée par la
Commission européenne (CE). Toutefois, la CE accepte à présent les mesures
ultra droitières de Sarkozy. Le porte-parole de la CE, Matthew Newman a
déclaré que la commission considérait que les expulsions de grande envergure
de Roms entreprises par le gouvernement français, ne correspondaient pas aux
critères d’« expulsion de masse. »
Aux Etats-Unis, une bataille juridique est en cours au sujet d’une loi de
l’Etat d’Arizona permettant à la police d’interpeller toute personne qui
n’est pas en mesure de fournir des documents prouvant qu’il ou elle n’est
pas un immigrant « sans papiers. » Cette loi, qui ouvrirait la voie aux
déportations de masse, y compris d’immigrants en règle, est le résultat
d’une campagne xénophobe et chauvine qui dure depuis des décennies et qui
est organisée par certaines forces du Parti démocrate, tout comme du Parti
républicain ainsi que de la bureaucratie syndicale.
A présent, le projet de construction d’un centre culturel musulman à deux
blocs des tours du World Trade Center, détruites lors des attentats du 11
septembre, est devenu l’occasion de procéder au lancement d’une campagne
fasciste contre les Musulmans.
Le fait que la bourgeoisie se dirige vers un régime d’Etat policier est
un avertissement sérieux à la classe ouvrière. La défense des droits
démocratiques ainsi que du niveau de vie de la classe ouvrière n’est
possible que par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière dans une
lutte pour le pouvoir ouvrier et le socialisme.
A cet égard, l’intervention du Comité international de la Quatrième
Internationale (CIQI) lors des élections présidentielles en France en 2002
est une expérience cruciale. Contrairement à la Ligue communiste
révolutionnaire (LCR) pabliste qui avait orienté sa politique sur une
section de la classe dirigeante, le CIQI a vu ses positions entièrement
confirmées.
Les élections présidentielles de 2002 en France avaient conduit à un
deuxième tour entre Chirac et le candidat néo-fasciste du Front National,
Jean-Marie Le Pen. Alors que des manifestations de masse se répandaient à
travers la France entière, le CIQI avait appelé la classe ouvrière au
boycott des élections comme meilleur moyen de lutter pour une rupture avec
tous les partis bourgeois et pour le développement d’un mouvement politique
indépendant, de la classe ouvrière. La LCR, au contraire, avait
officiellement soutenu Chirac en appelant à voter « contre Le Pen », comme
unique moyen d’arrêter la descente vers le fascisme.
Cette perspective d’une alliance avec une section de la classe dirigeante
contre le néo-fascisme s’est révélée être une faillite complète. Le soutien
de la LCR a contribué à donner au parti gaulliste de Chirac un vernis
progressiste, ouvrant ainsi la voie à Chirac puis à Sarkozy et leur
permettant d’imposer une série de coupes sociales contre les travailleurs
tout en comptant sur le soutien tacite des syndicats et de la « gauche »
bourgeoise. A présent, au moment où il cherche à intensifier ses attaques,
Sarkozy est précisément en train d'adopter la politique préconisée par Le
Pen, une politique que d'après la LCR, un vote pour les Gaullistes aurait
empêchée.
(Article original paru le 25 août 2010)