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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Sarkozy fait la chasse aux Roms

Par Françoise Thull et Marianne Arens
10 août 2010

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Juste avant de partir en vacances, le gouvernement Sarkozy-Fillon a opéré un nouveau virage à droite en liant le thème de la sécurité intérieure aux attaques racistes contre les Roms et les immigrés en adoptant ainsi la ligne du parti d’extrême-droite Front national (FN). Marine Le Pen, la vice-présidente du FN jubile en remarquant que le président de la République vient de confirmer officiellement les thèses que le Front national défend depuis trente ans.

Dans le discours qu’il a prononcé le 30 juillet lors de son déplacement pour l’installation officielle du nouveau préfet de l’Isère, Sarkozy a détaillé les grandes lignes de sa nouvelle orientation politique et qui avait été adoptée par l’ensemble du gouvernement deux jours plus tôt. En conséquence, l’ensemble des camps de Roms devra être démantelé, la Sippenhaft (la répression qui s’étend à la famille) devra être mise en place et la nationalité française retirée aux Français d’origine étrangère ou issue des flux migratoires.

Le prétexte immédiat qui avait servi à Sarkozy furent les émeutes qui avaient éclaté deux semaines plus tôt dans le quartier de Villeneuve à Grenoble (Isère) et à Saint-Aignan (Loir et Cher) après que la police ait tué par balle deux jeunes hommes. Ces nouvelles mesures s’alignent néanmoins parfaitement sur les provocations perpétrées jusque-là et par lesquelles le gouvernement attise les tensions racistes pour renforcer l’appareil de répression de l’Etat. C’est ainsi qu’il y a un mois, l’Assemblée nationale avait voté une loi sanctionnant sévèrement les femmes islamistes portant le voile intégral une violation flagrante des droits démocratiques fondamentaux.

Certains commentaires critiques considèrent que les agissements du gouvernement sont surtout motivés par les difficultés politiques que connaît Sarkozy. Le président de la République est englué dans l’affaire financière Woerth-Bettencourt et tente de faire diversion de la suspicion de financement illégal de parti politique. Parallèlement, il pêche en eaux troubles pour améliorer ses chances de succès aux élections présidentielles de 2012. Sarkozy pour ce faire recourt à son expérience de ministre de l’Intérieur durant les années 2002-2004. A l’époque déjà, il avait fait de la minorité rom et des gens du voyage des boucs émissaires en adoptant la Loi pour la sécurité intérieur (LSI).

Ce nouveau virage à droite est en réalité plus qu’une simple tentative d’améliorer ses propres chances de réussite électorale en lançant des appels aux électeurs du Front national. Au vu d’une situation sociale catastrophique dans les banlieues et des mesures d’austérité prévues qui vont coûter des milliers d’emplois publics, des réductions de la retraite et d’autres prestations sociales, le gouvernement s’attend à de violents conflits sociaux. Avec le renforcement de l’appareil d’Etat, le gouvernement se prépare pour la mise en œuvre de mesures de répression visant non seulement les Roms, les musulmans et autres minorités, mais la classe ouvrière en général.

Le discours de Sarkozy à Grenoble affichait de toute évidence un caractère martial. Le président a annoncé qu’il « avait décidé d’engager [une guerre] contre les trafiquants et les délinquants. » A l’adresse du nouveau préfet, Eric Le Douaron, il a précisé : « Aucune cité, aucune rue, aucune cage d’escalier, aucune barre d’immeubles ne doit échapper dans ce département et dans cette ville [Grenoble] à l’ordre républicain. C’est votre devoir. » Il a aussi annoncé qu’une expérience serait tentée dans le département de l’Isère « en dotant un certain nombre de véhicules de police et de gendarmerie de nuit, de caméras embarquées… 60.000 caméras seront installées d’ici 2012. »

Dès la rentrée, le parlement s’occuperait de l’instauration de sanctions plus lourdes pour toutes les formes de violences aggravées, « c’est-à-dire notamment les violences sur des personnes dépositaires d’une autorité publique, » a promis le président. « Je souhaite notamment que les magistrats puissent condamner automatiquement les multirécidivistes au port du bracelet électronique pendant quelques années après l’exécution de leur peine. »

De plus, il veillera personnellement à ce que la nationalité française demeure propre. « La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique. La nationalité française se mérite et il faut pouvoir s’en montrer digne. »

Dans une interview accordée récemment au journal Le Parisien, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux (UMP), s’était également déclaré en faveur de la déchéance de la nationalité française dans le cas de certains délits par exemple en cas d’excision « ou d’actes de délinquance grave ».

Dans une interview accordée dernièrement au Figaro, le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, Eric Besson qui est chargé de l’élaboration du projet de loi, a déclaré vouloir empêcher les jeunes délinquants multirécidivistes nés en France de parents étrangers, d’acquérir automatiquement la nationalité française et avoir déjà plusieurs fois depuis qu’il est ministre « interdit l’accès à la nationalité française de ressortissants étrangers qui n’avaient pas respecté un certain nombre de nos valeurs républicaines fondamentales… des étrangers qui imposaient le voile intégral à leurs femmes, des étrangers qui refusaient de serrer la main de femmes fonctionnaires, des étrangers qui refusaient le principe de la laïcité. »

La pratique de déchéance de la nationalité française remonte au régime de Vichy qui avait gouverné la France durant l’occupation nazie. A l’époque, c’étaient avant tout les Français de croyance juive naturalisés qui en étaient touchés – ce fut le cas du peintre Marc Chagall et de la famille de l’auteur-compositeur et chanteur, Serge Gainsbourg. Depuis, les cas de déchéance de nationalité avaient été extrêmement rares. Selon le ministère de l’Immigration, en tout cinq cas avaient été répertoriés avant 2006 et que deux raisons seulement, la trahison et le terrorisme, avaient pu justifier.

Dans son discours, Sarkozy a aussi propagé un genre de Sippenhaft. « La question de la responsabilité des parents est clairement posée, » a-t-il dit en menaçant de punir les parents d’enfants qui ne vont pas à l’école en les privant des allocations familiales.

Le député UMP, Eric Ciotti prépare actuellement une nouvelle loi qui punit « de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende un père ou une mère qui laisse son enfant mineur, lorsque celui-ci a été poursuivi ou condamné pour infraction, violer les interdictions et les obligations auxquelles ils sont soumis. » De telles méthodes rappellent fortement la « Sippenhaft » du régime national-socialiste qui consistait à faire payer l’ensemble de la famille pour des faits imputés à l’un de ses membres.

Les enfants aussi devraient être plus fréquemment placés dans des établissements pénitentiaires. A cette fin, le gouvernement tient à réformer l’ordonnance 45-174 de 1945 relative à l’enfance délinquante. Aux dires de Sarkozy, celle-ci n’est « plus adaptée aux mineurs d’aujourd’hui. » Cette ordonnance qui avait longtemps proclamé la prééminence de l’éducatif sur le répressif avait fait l’objet d’une série d’assouplissements et avait connu en 2002, avec l’instauration des centres éducatifs fermés, un durcissement sensible à l’encontre des mineurs délinquants.

Sarkozy avait annoncé à Grenoble qu’« une vingtaine d’établissements » seraient ouverts à la rentrée et qui « disposeront d’un encadrement renforcé et adapté » qu’il a qualifié de « réinsertion scolaire ». En ajoutant qu’on ne pouvait « plus tolérer le comportement de certains jeunes qui empêchent les autres d’étudier ».

Une partie spéciale du discours de Sarkozy visait les Roms, les gens du voyage et les immigrés dont les opinions et les us et coutumes sont considérés indésirables. En les faisant passer pour la principale source des problèmes économiques et sociaux du pays, il a menacé de leur retirer les prestations sociales et de les expulser.

« Nous allons donc évaluer les droits et les prestations auxquelles ont aujourd’hui accès les étrangers en situation irrégulière…La règle générale est claire : les clandestins doivent être reconduits dans leur pays, » a dit Sarkozy. Le ministre de l’Intérieur a déjà été chargé de « mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms. Ce sont des zones de non-droit qu’on ne peut pas tolérer en France ».

Sarkozy a promis que, là où une décision de justice avait déjà été prise, le gouvernement procèderait d’ici fin septembre au démantèlement de l’ensemble des camps. Là où la décision de justice n’avait pas encore été prise, des démarches seraient engagées le plus rapidement possible pour que cela intervienne. « Dans les trois mois, la moitié de ces implantations sauvages auront disparu du territoire français, » a-t-il précisé.

C’est ainsi que le gouvernement français contribue à ce que la population rom d’Europe, à qui l’on fait porter tous les torts, devienne à nouveau le bouc-émissaire après avoir subie les persécutions nazies et payé un lourd tribut durant la Deuxième Guerre mondiale.

Selon Le Monde, plus de 400.000 gens du voyage sont recensés en France. En 1990, 95 pour cent d’entre eux étaient des citoyens français et seul un tiers des nomades. A ce jour, les Roms, qui sont originaires d’Europe de l’Est, forment une minorité. De nombreux Roms de Roumanie, de Bulgarie et d’autres pays d’Europe centrale sont arrivés à l’Ouest suite à l’élargissement de l’UE.

Selon le même article du Monde, en 2009, plus de 10.000 Roms avaient été expulsés de France, dont 8.000 vers la Roumanie, et ce malgré le fait qu’en tant que citoyens européens ils devraient pouvoir circuler librement au sein de l’Europe.

Le Monde cite aussi le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Pierre Lellouche (UMP), qui a indiqué que l’Europe élargie avait découvert « en son sein un quart-monde » de 9 à 12 millions de personnes discriminées vivant « dans des conditions abominables. » L’article poursuit en précisant qu’« à plus de 90 pour cent sédentaires, les Roms sont toujours souvent indésirables en Europe, alternant entre l’entassement dans des bidonvilles et des expulsions… L’an dernier, 25 pour cent des Roms ont subi agressions, menaces ou harcèlement. »

Les attaques de Nicolas Sarkozy contre des familles roms et d’immigrés font partie d’une manœuvre bien réfléchie pour attiser des sentiments racistes dans le but de « diviser pour mieux régner. » Pour pouvoir rejeter le coût de la crise économique sur les travailleurs, il compte mobiliser les préjugés les plus arriérés. Dans le même temps, il prépare un Etat policier en le justifiant dans l’opinion publique par le mot d’ordre de « la lutte contre l’insécurité intérieure. »

Ce faisant, Sarkozy peut être sûr qu’aucune opposition sérieuse ne viendra ni des partis d’opposition ni des syndicats. La loi sur la burqa qui interdit le port du voile intégral dans les espaces public avait déjà été adoptée il y a deux semaines à l’Assemblée nationale avec une seule voix contre (celle d’un député ex-UMP). L’ensemble de la soi-disant « opposition » avait voté pour ou s’était abstenue.

Voir aussi :

Le Nouveau Parti anticapitaliste envisage de jouer un rôle au sein du gouvernement [2 août 2010]

France : les Roms dans la ligne de mire du ministre de l'intérieur, Sarkozy [28 janvier 2003]

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