Voici la deuxième partie d’une série consacrée aux
événements de mai et juin 1968 en France. La première partie a été consacrée à
l’évolution de la révolte des étudiants et à la grève générale jusqu’à leur
apogée fin mai. La deuxième partie examine comment le Parti communiste et la
CGT ont permis à De Gaulle de reprendre la situation en main. La troisième
partie étudiera le rôle joué par les pablistes et la quatrième partie celui de
l’Organisation communiste internationaliste (OCI) de Pierre Lambert.
A partir du 20 mai, l’ensemble du pays est arrêté. Deux
tiers des salariés sont en grève, les étudiants occupent les universités. Le
sort de De Gaulle et de son gouvernement repose à ce moment précis entre les
mains du Parti communiste et de la CGT que ce dernier contrôle. Ils assurent la
survie politique de De Gaulle et sauvent la Cinquième République. Le PCF
représente encore en 1968 une force politique considérable. Il compte 350 000
membres et rassemble derrière lui 22,5 pour cent des électeurs (1967). Certes,
le nombre d’adhérents de la CGT a chuté de 4 millions en 1948 à 2,3 millions,
mais les secteurs clés de l’économie restent dominés par ce syndicat. Son
secrétaire général, Georges Séguy, est membre du bureau politique du PCF.
Comme nous l’avons déjà vu, le PC et la CGT réagissent avec
une hostilité à peine déguisée aux protestations des étudiants. L’article
notoire dans lequel Georges Marchais insulte les étudiants le 3 mai, les
qualifiant de provocateurs et d’agents gaullistes n’est pas une exception, mais
la règle. L’Humanité ne se lasse pas de pester contre les
« gauchistes ». Le journal y inclut sous ce label, tous ceux qui
s’opposent à la ligne droitière du PCF. La CGT refuse toute manifestation
commune des travailleurs et des étudiants et donne à ses membres l’instruction
d’écarter des entreprises les étudiants qui cherchent à prendre contact avec
les ouvriers.
Les occupations d’usine et la grève générale se sont
développées contre la volonté et en dehors du contrôle de la CGT. L’occupation
de Sud-Aviation, qui deviendra un modèle pour toutes les autres, se fera à
l’initiative du syndicat Force ouvrière qui, dans l’entreprise, a du crédit
auprès des travailleurs à bas salaire et qui sont rémunérés à l’heure. A
Nantes, celui-ci est mené par un trotskyste, Yves Rocton, un membre de l’OCI.
La CGT certes, n’empêche pas les occupations d’usines, mais cherche à en garder
le contrôle en maintenant strictement les revendications au niveau de
l’entreprise. Elle s’oppose à la création d’un comité de grève central ainsi
qu’à la coopération avec des forces extérieures à l’entreprise. Elle s’oppose
avec véhémence à la séquestration des directions.
Le 16 mai, la direction du syndicat concurrent, la CFDT,
essaie au moyen d’une déclaration d’influencer la vague d’occupations.
Contrairement à la CGT, elle traite positivement la révolte des étudiants.
Celle-ci vise selon elle « les structures sclérosantes, étouffantes et de
classes d’une société où ils ne peuvent exercer leurs responsabilités ».
En ce qui concerne les entreprises, la CFDT lance le mot d’ordre de
« l’autogestion » : « à la monarchie industrielle et
administrative, il faut substituer des structures administratives à base
d’autogestion ».
Séguy, le patron de la CGT, réagit par un accès de colère et
attaque la CFDT publiquement. Il rejette toute tentative de donner une
orientation commune au mouvement croissant, aussi limitée soit-elle. De fait,
la revendication de la CFDT, qui à l’époque se trouvait sous l’influence du PSU
(Parti socialiste unifié) de Michel Rocard, mène à une impasse. Elle ne met en
cause ni le pouvoir capitaliste ni la domination des marchés capitalistes.
Le 25 mai, la CGT se précipite finalement directement au
secours du gouvernement acculé. Les représentants des syndicats, des
organisations patronales et le gouvernement se rencontrent vers quinze heures
au ministère du Travail situé rue de Grenelle. Leur objectif : rétablir aussi
vite que possible le calme dans les entreprises ! Bien que tous les
syndicats soient représentés, les négociations se déroulent exclusivement entre
deux hommes : le chef du gouvernement, Georges Pompidou et le patron de la
CGT, Georges Séguy.
Séguy veut une augmentation de salaire au pourcentage, et ce,
sans réduire l’écart entre les différentes catégories de salaires, comme
l’exigeaient les travailleurs dans de nombreuses entreprises. De plus, la
position des syndicats doit être renforcée. A cet égard, il bénéficie du
soutien de Pompidou contre les organisations patronales. « Le gouvernement
est convaincu qu’un encadrement de la classe ouvrière par les syndicats
possédant une formation et une influence nécessaire est utile à la bonne marche
d’une entreprise », peut-on lire dans le protocole d’accord de la réunion.
Côté gouvernement siège à la table de négociation, outre
Georges Pompidou, un autre futur président : Jacques Chirac. Et un futur
premier ministre : Edouard Balladur. Tous, à l’image de l’actuel titulaire
de la fonction, Nicolas Sarkozy, ont respecté les accords conclus à l’époque et
se sont servi des syndicats pour que la classe ouvrière soit
« associée ». Le terme « Grenelle » est entré dans le
vocabulaire français comme synonyme de négociations avec le gouvernement.
Après deux jours à peine, les partenaires aux négociations
se sont mis d’accord. Tôt le lundi 27 mai, ils signaient les Accords de
Grenelle qui prévoient une augmentation de sept pour cent des salaires, un
relèvement du SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) de 2,22 à 3
francs ainsi que la reconnaissance du syndicat d’entreprise en tant que
personne juridique et morale. La CGT a abandonné sa revendication initiale
d’une échelle mobile des salaires, du paiement des jours de grève et du retrait
des ordonnances sur la Sécurité sociale. Après avoir appris que le PSU de
Rocard, la CFDT et le syndicat étudiant UNEF projetaient une manifestation sans
concertation préalable avec le PCF et la CGT, Séguy insiste sur la conclusion d’un
accord immédiat et se met d’accord avec Jacques Chirac au petit jour dans un
entretien en aparté.
Vers sept heures trente du matin, Séguy et Pompidou
présentent à la presse les Accords de Grenelle. Séguy déclare : « La
reprise du travail ne saurait tarder. » Il se rend personnellement à
Billancourt pour rendre les accords attrayants aux travailleurs de l’usine
Renault. Mais ceux-ci considèrent les accords comme une provocation et n’ont
nullement l’intention de se laisser acheter pour quelques francs. Séguy est
conspué et hué. La nouvelle se répand dans le pays entier comme une traînée de
poudre et personne ne pense à interrompre la lutte. Le journal Le Monde
titre le lendemain : « La CGT n’a pu convaincre les grévistes de
reprendre le travail. »
La question du
pouvoir se pose
La crise politique atteint à présent son apogée. Le pays
entier est en émoi. Le gouvernement a perdu toute autorité et la CGT, elle, le
contrôle des travailleurs. La question du pouvoir se pose, personne ne peut en
douter.
Les sociaux-démocrates qui jusque-là étaient restés à
l’arrière-plan, se manifestent. Comme il n’est pas sûr que De Gaulle se
maintienne au pouvoir, ils font des préparatifs pour la constitution d’un
gouvernement bourgeois d’alternative. François Mitterrand organise une
conférence de presse le 28 mai et qui est très largement commentée à la
télévision. Il se prononce en faveur d’un gouvernement transitoire et de
l’élection d’un nouveau président, à laquelle il se présentera lui-même.
Mitterrand se trouve à la tête de la Fédération de la Gauche
démocrate et socialiste (FGDS) qui s’est discréditée durant la 4e République et
qui ne dispose pas d’une base populaire. En 1965, il s’était présenté en
challenger de De Gaulle lors des élections présidentielles et avait été soutenu
par le PCF.
Le PSU, la CFDT et l’UNEF misaient par contre sur Pierre
Mendès-France. Cet adhérent du Parti radical socialiste, un parti purement
bourgeois, avait été un membre du gouvernement de Front populaire de Léon Blum.
Il avait rejoint le général de Gaulle durant la guerre. Durant la 4e République,
il avait organisé, en tant que chef d’Etat, le retrait des troupes françaises
du Viêt Nam, ce qui avait suscité l’hostilité de la droite. En 1968, il est
proche du PSU.
Pour le PCF, Mendès-France est un ennemi intime en raison de
ses vues pro-occidentales. Quand le 27 mai sa présence est remarquée au
rassemblement du PSU, de la CFDT et de l’UNEF au stade Charléty, toutes les
sirènes d’alerte retentissent au quartier général du PCF. Le parti redoute que
Mitterrand et Mendès-France ne forment un nouveau gouvernement sans qu’il
puisse l’influencer.
Le 29 mai, le PCF et la CGT organisent une manifestation
commune à Paris. Sous le mot d’ordre de « gouvernement populaire »,
une foule impressionnante de plusieurs centaines de milliers de personnes
défile dans la capitale. Le PCF ne pense pas une minute à la conquête du
pouvoir révolutionnaire. Avec sa revendication d’un « gouvernement
populaire », il répondait au climat révolutionnaire qui s’était instauré
dans les usines et ce sans mettre en cause les institutions de la Cinquième
République. La CGT souligne le refus d’un processus révolutionnaire en mettant
l’accent sur un « changement démocratique du pays ».
Le préfet de police de Paris rapportera plus tard qu’il ne
s’était pas fait de soucis outre mesure pour ce qui était de la manifestation
CGT-PCF. Il s’était attendu à une manifestation syndicale classique et
disciplinée, tout comme celle qui s’est d’ailleurs déroulée. Le gouvernement
quant à lui n’était pas sûr de ce que les organisateurs avaient la situation
bien en mains. Il avait ordonné la mise en alerte de régiments de parachutistes
et par précaution, le stationnement de chars dans les banlieues parisiennes.
Le 30 mai, le comité central du PCF se réunit pour discuter
de la situation. L’enregistrement de cette réunion confirme que le parti refuse
une prise du pouvoir et s’efforce de maintenir l’ordre existant. Six mois plus
tard, une déclaration du comité central justifie cette position dans les termes
suivants : « Le rapport des forces ne permettait pas à la classe
ouvrière et à ses alliés de prendre le pouvoir politique en mai dernier. »
Le secrétaire général, Emile Waldeck-Rochet, déclare lors de
cette réunion du 30 mai sa volonté de participer à un gouvernement transitoire
sous François Mitterrand au cas où celui-ci lui permettrait d’exercer
suffisamment d’influence. Un tel gouvernement devait selon lui réaliser trois
objectifs : remettre l’Etat en marche, répondre aux justes revendications
des grévistes et organiser l’élection présidentielle.
L’option privilégiée du PCF est cependant des élections
législatives immédiates. « Nous avons tout à gagner à des élections
générales », tel est le résumé d’un porte-parole de l’opinion qui prévaut
au PCF.
Ce jour-là, la situation ne tient qu’à un fil. Le général de
Gaulle avait disparu la veille sans laisser de traces. Il était parti à
Baden-Baden pour se concerter avec le général Massu, commandant en chef des
Forces françaises en Allemagne. Massu est notoire pour le rôle qu’il a joué
pendant la guerre d’Algérie. Jusqu'à ce jour, il n’est pas clair s’il
s’agissait d’un projet de fuite de Gaulle ou seulement d’une demande
d’assistance. Massu a affirmé plus tard dans ses mémoires qu’il lui avait
conseillé de rentrer à Paris et de s’adresser au peuple français.
Dans l’après-midi du 30 mai, de Gaulle est effectivement de
retour et prononce une allocution radiodiffusée. La République est en danger
dit-il en promettant solennellement qu’elle doit être défendue et qu’elle le sera.
Il annonce la dissolution de l’Assemblée nationale et l’organisation
d’élections législatives pour les 23 et 30 juin. Au même moment, plusieurs
centaines de milliers de partisans du général manifestent sur les
Champs-Elysées en arborant le drapeau national.
Le PCF soutient la décision de De Gaulle le soir même, la
présentant comme une réussite de sa propre politique. Il accepte le cadre
juridique de la Cinquième République et essaie de se faire bien voir des
gaullistes en prônant une unité du « drapeau rouge et du drapeau
tricolore » Le 31 mai, Georges Séguy, le patron de la CGT se
prononce également en faveur des élections. « La CGT ne gênera pas le bon
déroulement des élections. C’est l’intérêt des travailleurs d’exprimer une
volonté de changement. »
La CGT mobilise à présent toute son énergie pour mettre fin
aux grèves et aux occupations d’usine avant la date des élections. Elle n’y
parvient qu’à grand-peine. Mais peu à peu, le front des grèves s’effrite, les
effectifs reprennent le travail après la conclusion des accords d’entreprise,
les sections les plus militantes sont isolées, la police commence à évacuer les
universités. Le 16 juin, une semaine avant la date des élections, les
travailleurs de Renault-Billancourt reprennent le travail, la Sorbonne est
évacuée le même jour.
Il faudra de nombreuses semaines avant que toutes les grèves
et les occupations d’usine se terminent et le pays ne retrouvera son calme ni
dans les semaines ni dans les années à venir. Mais la classe ouvrière n’a pas
saisi l’occasion qui s’offrait de prendre le pouvoir. « La CGT a
délibérément repoussé l’affrontement avec l’Etat en mai 1968 au moment où le
rapport de force semblait pouvoir pencher en sa faveur », écrit Michel
Dreyfus, auteur d’une « Histoire de la CGT », en résumant la position
des syndicats les plus influents à l’apogée de la grève générale.
La
contre-offensive de la droite
Durant les premières semaines de mai, le camp de la droite
avait été complètement paralysé et isolé. A présent, il regagne l’initiative et
reprend petit à petit confiance en soi, grâce à l’aide du PCF et de la CGT.
Avec le démarrage de la campagne électorale, le débat a été transféré de la rue
et des entreprises vers les urnes, ce qui profite à De Gaulle et à ses
partisans. Ils sont à présent en mesure de faire entrer en jeu les sections
passives et arriérées de la société, la « majorité silencieuse » en
attisant leurs craintes.
Les premiers efforts dans ce sens existaient déjà en mai. Le
gouvernement soumet les médias d’Etat à une stricte censure (les radios privées
n’existaient pas encore à cette époque). Le 19 mai, il interdit à la télévision
la diffusion d’informations susceptibles de bénéficier à l’opposition. Le 23
mai, il coupe les fréquences des radiotéléphones des voitures de reportages utilisées
par les journalistes des stations étrangères qui commentent en direct les
manifestations, et qui peuvent être captées en France.
Le 22 mai, le gouvernement décrète une mesure d’interdiction
de séjour contre Cohn-Bendit. Le dirigeant étudiant qui a un passeport allemand
est né de parents juifs qui pour fuir les nazis se sont réfugiés en France.
Depuis la fin du régime nazi, 23 ans seulement se sont écoulés et la symbolique
de cette mesure n’échappe à personne. L’indignation est grande.
Les manifestations des étudiants se radicalisent. De violentes batailles
de rue ont lieu. Comme la CGT continue d’isoler les étudiants en refusant toute
action commune avec eux, ceux-ci agissent souvent seuls et sans la protection
des travailleurs, contribuant ainsi à une escalade de la situation.
Le 24 mai, des heurts brutaux font deux morts. A Lyon un
policier meurt et à Paris un jeune manifestant. L’émoi est grand. Les médias
entament une campagne assourdissante contre les « auteurs de cette
violence ».
Quelques gaullistes créent un comité de défense de la
République (CDR) qui collabore avec des éléments d’extrême droite issus des
milieux pieds-noirs. Ces derniers considèrent De Gaulle comme un traître, mais,
en raison du danger révolutionnaire, le camp de droite resserre les rangs. Le
30 mai, les cris d’« Algérie française » se mêlent sur les Champs
Elysées aux symboles du gaullisme. La première grande manifestation de soutien
à De Gaulle a été préparée en commun. Le 17 juin, de Gaulle renvoie l’ascenseur
en amnistiant le général Salan ainsi que dix autres membres de l’organisation
terroriste OAS qui, en 1961, avaient préparé un putsch contre lui.
L’appareil de répression de l’Etat intervient également avec
plus d’assurance dès le démarrage de la campagne électorale. Le 31 mai, le
ministre de l’Intérieur, Christian Fouchet est remplacé par Raymond Marcellin.
Il est accueilli par De Gaulle avec les paroles : « Enfin Fouché, le
vrai ». Joseph Fouché avait, après la révolution française, en tant que
ministre de la Police sous le Directoire et sous Napoléon, mis sur pied un
redoutable appareil de répression.
Marcellin procède avec une extrême dureté. Le jour même de
sa nomination, les piquets de grève aux dépôts de carburant sont évacués afin
d’assurer la distribution de l’essence et de relancer le trafic. Le 12 juin, il
interdit toute manifestation de rue durant la campagne électorale. Le même
jour, il dissout par décret toutes les organisations révolutionnaires et
expulse deux cents « étrangers suspects ». Sont concernés par cette
interdiction l’OCI trotskyste, son organisation de jeunesse, la JCR d’Alain
Krivine, le mouvement anarchiste « Mouvement du 22 mars » de Daniel
Cohn-Bendit ainsi que des organisations maoïstes. Les Renseignements généraux
(DCRG) reçoivent l’ordre de surveiller et de collecter des données sur chaque
membre de ces organisations.
Marcellin occupe ce poste pendant six ans. Durant ce temps,
il élargit les pouvoirs de la police, des services secrets et de la police
anti-émeute, les CRS, pour en faire un appareil de guerre civile très bien
équipé. Il double le budget de la police, l’équipe de technologie moderne et
d’armes et crée 20.000 nouveaux emplois dans la police.
Les gaullistes mènent une campagne électorale de la crainte.
Ils font entrevoir l’ombre de la guerre civile et mettent en garde contre une
prise du pouvoir totalitaire et communiste en invoquant l’unité de la
République et de la nation. Les partis d’opposition et les syndicats
s’associent à cette rengaine. La campagne de calomnie du PC continue contre les
« gauchistes » et apporte de l’eau au moulin de la propagande de
droite. François Mitterrand a déclaré la veille des élections à la
télévision : « Depuis le premier jour et en dépit des attaques nous
n’avons songé qu’à l’unité de la patrie et au maintien de la paix
civile. »
Les élections seront un désastre pour la gauche. Les
gaullistes et leurs alliés obtiennent 46 pour cent des voix, le PCF en tant que
principal parti d’opposition seulement 20 pour cent, nettement moins que
l’année précédente. Quant à la répartition des sièges, le résultat est encore
plus désastreux en raison du scrutin majoritaire. Quatre cinquièmes des mandats
allaient échoir à des partis purement bourgeois, à raison de 59 pour cent pour
les gaullistes, 13 pour cent pour les libéraux et 7 pour cent pour les
centristes. La FGDS de Mitterrand recueille 12 pour cent et le PCF à peine 7
pour cent. C’est avant tout la conservatrice campagne qui a voté à une grande
majorité pour la droite. De nombreux éléments militants, lycéens, étudiants,
jeunes ouvriers et immigrés, n’avaient par contre pas le droit de vote. L’âge
électoral était officiellement de 21 ans et les listes électorales n’avaient
pas été mises à jour avant l’échéance électorale imminente.
Deux mois après le début de la crise révolutionnaire, la
bourgeoisie avait fermement repris le pouvoir en main. Elle dispose à présent
de tout son temps pour remplacer De Gaulle et pour mettre au point un nouveau
mécanisme grâce auquel elle contrôlera la classe ouvrière et sauvegardera son
régime durant les décennies à venir : le Parti socialiste de Mitterrand.
Elle devra pour cela payer un prix économique. Les accords de Grenelle
entreront finalement en vigueur et la population laborieuse connaîtra dans les
années qui suivent une nette amélioration de son niveau de vie. Mais ces
améliorations seront de courte durée. Entre-temps, elles ont été en grande
partie annulées.