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L’armée allemande prend le commandement de la troupe d’intervention rapide dans le nord de l’Afghanistan

Par Ludwig Niethammer
11 juillet 2008

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Le 1er juillet, l’Allemagne prenait le commandement de la troupe d’intervention rapide de l’OTAN dans la région nord de l’Afghanistan, envoyant ainsi pour la première fois une unité de combat dans la région.

La troupe d’intervention rapide (QRF) comptant 200 soldats allemands bien équipés est stationnée à Mazar-e-Sharif et sera surtout déployée dans le nord de l’Afghanistan pour assurer des missions de combat. Des déploiements dans les régions du sud du pays ravagées par la guerre ne sont pas exclus. La durée de la mission QRF n’est pas limitée dans le temps, mais sa durée de planification militaire est évaluée entre 10 et 15 ans. Jusque-là, le rôle de la QRF avait été assumé par une unité norvégienne qui se trouvait déjà, depuis 2006, dans la zone de compétence allemande.

Le ministre allemand de la Défense Franz Josef Jung (Union chrétienne-démocrate, CDU) a souligné qu’il fallait que la population allemande comprenne bien que le déploiement de nouvelles troupes était à haut risque.

Les circonstances du transfert de commandement, lundi dernier, montrent clairement à quel point l’armée allemande est déjà impliquée dans une guerre qui ne cesse de s’intensifier. Au moment même où avait lieu la cérémonie militaire en l’honneur du départ des nouvelles troupes allemandes, des soldats allemands stationnés en Afghanistan étaient victimes d’une attaque à quinze kilomètres de Koundouz. Deux soldats furent blessés lors d’une attaque à la bombe. Selon un rapport de l’armée, leurs blessures ne sont pas mortelles.

Mercredi dernier, des unités de talibans employèrent un missile antichar pour abattre un hélicoptère qui amenait des troupes de la coalition dans la zone de Kaboul et lundi dernier un attentat suicide perpétré devant l’ambassade de l’Inde dans la capitale afghane tuait une quarantaine de personnes.

La résistance contre les troupes d’occupation croît nettement. Les attaques se multiplient non seulement contre les troupes engagées dans la coalition internationale Operation Enduring Freedrom (OEF) commandée par les Etats-Unis, et qui a à maintes reprises perpétré des massacres contre la population civile dans le sud et dans l’est du pays, mais aussi contre la force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) et que la propagande allemande aime bien à présenter comme oeuvrant pour la reconstruction et la paix. Le nombre d’attaques faisant des morts et des blessés a considérablement augmenté ces derniers mois.

Mercredi dernier, le commandant en chef des forces de l’OTAN, le général américain John Craddock, a divulgué des informations concernant la détérioration de la situation en Afghanistan. Selon son rapport, le nombre d’affrontements entre les troupes de l’ISAF et les talibans a augmenté de 41 pour cent depuis le printemps. Le site internet icasualties.org rapporte qu’au mois de juin plus de soldats alliés ont été tués en Afghanistan (45) qu’en Irak (30). C’est le taux le plus élevé enregistré depuis la chute du régime taliban à la fin de 2001. Dans les deux pays, la plupart des victimes militaires sont américaines.

Le général Craddock qui avait supervisé la prison de Guantanamo, a profité de ces chiffres pour réclamer que l’Europe renforce ces efforts militaires. Il a expliqué que les troupes de l’OTAN avaient besoin d’un meilleur équipement militaire pour rejoindre plus rapidement les zones de combat et d’un assouplissement des nombreuses restrictions imposées aux troupes par les gouvernements nationaux.

Un rapport de 72 pages publié la semaine dernière par le ministère américain de la Défense expose également l’ampleur de la résistance contre les troupes d’occupation alliées des Etats-Unis, de l’OTAN, de l’ONU et de l’Union européenne.

Le rapport décrit la résistance talibane en Afghanistan comme un « soulèvement indestructible » et pronostique que les talibans maintiendront ou augmenteront leur présent taux d’attaques d’ici la fin de 2008. Le rapport affirme aussi que les troupes occidentales risquent d’être engagées sur deux fronts de lutte consistant en talibans dans le sud du pays et en une coalition de divers groupes d’insurgés dans l’est de l’Afghanistan.

En mai dernier avait eu lieu la deuxième plus grande intervention militaire avec participation allemande dans le nord de l’Afghanistan. Quelque 60 soldats allemands avaient été impliqués dans la soi-disant « Opération Karez ». L’offensive fut menée par le général de brigade Dieter Dammjacob, le chef du commandement régional nord de l’ISAF.

Selon le site internet German-Foreign.Policy.com, le but de l’offensive avait été de reprendre le contrôle d’un territoire perdu l’année dernière par l’OTAN au profit des insurgés. A l’époque, au cours de sa première intervention armée sous commandement allemand (« Operation Harekate Yolo »), l’ISAF avait organisé une répression sanglante contre les insurgés de la région. Les deux missions furent effectuées par l’unité norvégienne de la Quick Reaction Force (QRF) avec le soutien de l’armée afghane.

Selon des articles de journaux, la dernière offensive militaire en date eut lieu en dehors de la zone de compétence allemande et, selon toute probabilité, en violant les directives prévues par le mandat obtenu du parlement allemand pour un déploiement de troupes allemandes en Afghanistan.

Lors du transfert de commandement, Dammjacob a remercié la QRF norvégienne et son commandant Kjell Inge Baekken. La QRF avait participé à la récente opération « Karez » contre les talibans « avec une force militaire décisive », a-t-il déclaré. Baekken a répliqué en disant qu’il était très difficile de prédire ce à quoi les Allemands pourraient s’attendre dans les prochains mois : « Mais, il y a des dangers là-bas. »

Il ne fait pas de doute que le récent transfert de commandement entraînera les troupes allemandes dans des confrontations sanglantes. Il représente une nouvelle étape dans le renouveau du militarisme allemand qui pour une grande partie de la période d’après-guerre avait été strictement limité par la constitution allemande.

L’expansion des activités militaires allemandes

Dans le même temps, l’armée allemande veut renforcer les troupes en Afghanistan d’un millier de soldats supplémentaires. C’est ce qu’a annoncé la semaine dernière le ministre allemand de la Défense. A l’avenir, 1000 soldats allemands supplémentaires rejoindront les 3500 hommes déjà en poste en Afghanistan « pour avoir une réaction rapide et plus flexible en cas de détérioration de la situation, » a précisé Jung. L’augmentation prévue du contingent à 4500 soldats correspond effectivement au quadruplement des effectifs allemands dans ce pays depuis que l’armée allemande a débuté sa mission, il y a sept ans.

Le Bundestag décidera cet automne s’il augmente ou non l’envoi de troupes, mais il est d’ores et déjà clair qu’une grande majorité de députés existe en sa faveur, au sein de la coalition dirigeante (SPD et CDU-CSU) ainsi qu’au sein de l’opposition des Verts et du Parti pro patronal FDP (Parti libéral démocrate). Le seul parti à rejeter le déploiement de troupes est La Gauche. Il existe toutefois des signes selon lesquels La Gauche est prête à se servir du déploiement de troupes en Afghanistan comme d’un instrument de marchandage pour s’assurer de sa participation dans un avenir proche à une coalition gouvernementale.

Le mandat actuel accordé par le parlement au contingent allemand en Afghanistan expire le 13 octobre prochain et Jung projette de le proroger jusqu’en décembre 2009. Une prolongation de 14 mois au lieu des 12 mois usuels est censée empêcher que le déploiement allemand ne devienne un sujet de débat lors des élections parlementaires prévues pour l’automne de l’année prochaine.

L’augmentation prévue des troupes a été accueillie favorablement quasiment à l’unanimité par le CDU-CSU et le SPD. Pour Niels Annen, le vice-président de la gauche parlementaire du SPD, « c’est ok » et n’implique pas de changement fondamental de la nature du déploiement. Certains Verts par contre ont exprimé des inquiétudes. La direction du parti accepte en fait l’augmentation comme étant « compréhensible d’un point de vue militaire. »

De nombreux commentateurs ont essayé d’expliquer l’intensification des activités militaires allemandes comme étant une réaction à la pression exercée à la fois par les Etats-Unis et l’OTAN. Ceci n’est pourtant qu’une partie de l’explication. En réalité, l’actuelle grande coalition ne fait qu’intensifier la politique militaire allemande commencée par son prédécesseur en l’occurrence le gouvernement de coalition entre le SPD et les Verts.

C’était le ministre des Affaires étrangères des Verts, Joschka Fischer, qui avait insisté pour envoyer des troupes allemandes en Yougoslavie en 1998 et qui avait aussi joué un rôle primordial dans l’envoi de troupes allemandes en Afghanistan. En 2001, il avait présidé la conférence de Petersbourg qui avait placé Hamid Karzaï, un laquais complètement lié aux Etats-Unis, à la tête du gouvernement intérimaire.

Depuis des mois, en jouant le rôle de commentateur politique, Fischer ne cesse de plaider pour que l’Allemagne intensifie son rôle politique et militaire au niveau européen et mondial dans le but de défendre les intérêts économiques des patrons allemands. A bien des égards, il incarne et exprime le plus clairement les intérêts de l’élite dirigeante allemande.

A maintes reprises Fischer a appelé à une coopération plus étroite entre les puissances européennes (avant tout de l’Allemagne et de la France), y compris une armée européenne d’intervention plus autosuffisante, avec l’Allemagne occupant le siège du conducteur, bien entendu.

(Article original paru le 8 juillet 2008)

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