L’ensemble des partis participant au
gouvernement tant au plan national que régional : le Parti de la
Gauche.PDS (Linkspartei.PDS), le Parti social-démocrate allemand (SPD) et le Parti
chrétien-démocrate allemand (CDU) ont subi de lourdes pertes lors des élections
régionales du 17 septembre en Allemagne.
A Berlin, le Parti de la Gauche.PDS qui a
gouverné la ville durant ces cinq dernières années en alliance avec le SPD, a
perdu la moitié de ces électeurs. Par rapport aux élections de 2001, ce parti a
perdu 181.000 « deuxièmes voix » (« Zweitstimme », vote
pour la liste d’un parti – suffrage proportionnel) en obtenant tout juste
185.000 voix. Les pertes ont été particulièrement lourdes à l’est de la ville
dans les bastions où le PDS (Parti du socialisme démocratique, issu de l’ancien
parti dirigeant de l’Allemagne de l’Est) jouissait autrefois d’un vaste
soutien. La Gauche.PDS enregistrait dans certaines circonscriptions des pertes
dépassant les 20 pour cent.
Le Parti de la Gauche.PDS devint la cible de
la colère qu’a déclenchée dans de vastes couches d’électeurs la politique de
coupes budgétaires pratiquée par la coalition SPD-Parti de la Gauche.PDS à
Berlin. Alors même qu’il se présentait dans sa propagande électorale comme un
parti de gauche défendant les acquis sociaux, le Parti de la Gauche.PDS a en
fait soutenu toutes les attaques perpétrées contre l’éducation, la culture
ainsi que les emplois et les salaires dans le service public par le parlement
régional de Berlin. Au dire du candidat tête de liste à Berlin, Harald Wolf, le
parti avait pris des « décisions difficiles » qui n’avaient pas « suscité
des cris d’enthousiasme de la part de nos [ses] partisans ».
Les électeurs en ont eu de toute évidence
assez de la langue de bois et ont rendu leur propre verdict sur le Parti de la
Gauche.PDS.
Le SPD de Berlin s’en est sorti avec un œil au
beurre noir en perdant quelque 60.000 électeurs. Le parti a seulement été en
mesure d’accroître que faiblement le nombre de voix en raison du faible taux de
participation. Avec 30,8 pour cent, il passe pour le parti le plus fort. Le
Parti de la Gauche.PDS et les Verts étant sortis ex-aequo avec 13 pour cent des
voix, le SPD pourra donc choisir son prochain partenaire de coalition.
Les deux choix possibles, à savoir une
coalition entre SPD et Parti de la Gauche.PDS ou SPD et Verts, ne disposeraient
que d’une majorité d’un siège par rapport à l’ensemble de l’opposition. Le taux
de participation n’ayant été que de 58 pour cent à Berlin, les deux choix
possibles ne jouiraient du soutien que d’un quart des électeurs.
En Mecklenbourg-Poméranie occidentale qui,
avec Berlin, est le seul Land à être gouverné par une coalition du SPD et du
Parti de la Gauche.PDS, le SPD a été confronté au mécontentement des électeurs
en colère contre la politique gouvernementale. Il a perdu 160.000 voix sur les
400.000 voix obtenues en 2002. Ceci correspond à 10 pour cent du score. Le
Parti de la Gauche.PDS tout en perdant 22.000 voix a également été en mesure
d’améliorer son score en raison de la faible participation.
Le gouvernement sortant de Schwerin (capitale
du Mecklembourg-Poméranie occidentale) est en position de garder le pouvoir en
détenant tout juste un siège de majorité à moins que le SPD ne se décide à former
une grande coalition avec le CDU, ce que préconise la direction nationale du
SPD.
Bien que le CDU se trouve dans l’opposition
dans les deux Länder, il ne fut pas en mesure de mettre à profit l’hostilité envers
les partis gouvernementaux et a également perdu un nombre substantiel de voix.
A Berlin il a réalisé avec 21,3 pour cent des suffrages le plus mauvais score
de son histoire. Par rapport aux élections de 2001 qui étaient placées sous le
signe du scandale financier dans lequel il était impliqué, il a encore perdu
90.000 voix.
Le CDU a également subi des pertes en Mecklembourg-Poméranie
occidentale, le fief de la chancelière Angela Merkel. Le CDU a obtenu 28,8 pour
cent des votes, se situant tout juste derrière le SPD (30,2 pour cent). Ce vote
montre clairement que les électeurs ont réagi négativement à la visite que Bush
a rendue cet été à la circonscription électorale de la chancelière.
Le Parti libéral démocrate allemand (FDP),
partisan du libre-échange, fut en mesure de profiter des pertes subies par les
autres partis en Mecklembourg-Poméranie occidentale. Jusqu’à la date de cette
élection, ce parti qui ne disposait d’aucun siège au parlement régional fut en
mesure de doubler son score en obtenant 9,6 pour cent de voix. Le principal
gagnant des élections a cependant été le parti de l’extrême droite, le Parti
national démocrate allemand (NPD) qui a remporté 7,3 pour cent des suffrages et
siège à présent dans deux parlements régionaux en Allemagne, le NPD étant déjà
représenté au parlement du Land de Saxe depuis 2004.
Bien que le NPD n’ait que deux cents membres en
Mecklembourg-Poméranie occidentale, il a été capable d’accroître son influence
en tant qu’organisation en incorporant des groupes néo-nazis militants de la
région et en collaborant avec eux. Dans les régions rurales au chômage
particulièrement élevé, le NPD était le parti politique le plus actif.
La démoralisation sociale d’une part et une agitation délibérée
contre les musulmans et les immigrés de la part des principaux partis
politiques du pays d’autre part ont créé le terreau sur lequel un tel rebut
droitier a pu s’implanter. Le NPD a enregistré un soutien particulièrement
élevé (15 pour cent) de la part de jeunes gens entre 18 et 24 ans et de
chômeurs. Le WSWS traitera du résultat électoral du NPD plus en détail
dans un article à part.
A Berlin, le NPD a obtenu des sièges dans quatre parlements
locaux pour lesquels il n’est pas nécessaire d’obtenir le seuil électoral de 5
pour cent de voix requis pour être représenté dans les autres parlements. Une
autre officine d’extrême droite, les « Républicains » réussit à
obtenir un siège dans un parlement local différent. Sur l’ensemble du Land de
Berlin, toutefois, les deux partis d’extrême droite ne purent dépasser le seuil
des cinq pour cent (le NPD obtenant 2,6 pour cent et les Républicains 0,9 pour
cent.). D’autre part, un certain nombre de partis, qui avaient inscrit sur leur
programme des questions sociales furent capables d’obtenir un nombre important
de voix.
Le parti des retraités, les « Gris », un parti
relativement obscur, obtint 3,8 pour cent des voix et obtint par là le meilleur
score de tous les partis qui ne purent obtenir des sièges au parlement des
Länder. Les Gris sont issus d’une organisation, les « Panthères
grises », fondée en 1975. D’autres partis protestataires comme le Parti
des parents, le Parti de l’éducation et le Parti des chômeurs, purent gagner
plusieurs milliers de voix. Si on excepte les partis d’extrême droite, quelque
140.000 personnes votèrent pour des petits partis protestataires parmi lesquels
aucun ne parvint à dépasser la barre des cinq pour cent. Cela représente près
de 10 pour cent du nombre total de votes émis.
La branche berlinoise de l’Alternative électorale travail et
justice sociale (WASG) manqua son objectif malgré une campagne électorale
d’envergure et une vaste couverture de ses activités par les médias. La
direction nationale du WASG s’était vivement opposée à la campagne séparée du
WASG berlinois. Néanmoins, celui-ci n’obtint que 2,9 pour cent des voix à
Berlin et fut incapable d’entrer au parlement du Land. Il est clair que les
électeurs n’ont pas placé leur confiance dans une organisation qui, à Berlin, s’oppose
au parti de La Gauche.PDS, mais cherche à fusionner avec lui au niveau
national.
L’électorat le plus important dans les deux Länder fut les abstentionnistes.
La participation y fut de moins de 60 pour cent, une chute de dix pour cent par
rapport aux élections précédentes. A Berlin, le pourcentage de votants atteint
presque le double de celui des voix obtenues par les partis des coalitions
gouvernantes le SPD et le Parti de la Gauche.PDS.
Cette participation extrêmement basse (à Berlin des taux de
participation de 80 pour cent étaient normaux jusque dans les années 1990 et
depuis, des taux de l’ordre de 70 pour cent étaient courants) est une
manifestation de l’opposition et de l’aliénation croissante de la population
vis-à-vis des partis bourgeois officiels dans tout le pays. La grande coalition
du SPD et du CDU/CSU a monté une attaque après l’autre, entraînant une
situation où de larges portions de la population sont convaincues que le
bulletin de vote n’est pas un moyen adéquat pour obtenir un changement
politique. Cette conviction ne fut que renforcée par le cynisme avec lequel le
Parti de la gauche.PDS a soutenu les attaques contre les acquis sociaux à
Berlin et dans le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale.
Un certain nombre de commentaires parus dans la presse
allemande ont repris ce thème. La Berliner Zeitung intitula son
commentaire « Le peuple fuit les partis du peuple » et ajouta « Les
experts politiques mettent en garde contre une perte d’importance du SPD et de
la CDU ». Le magazine Der Spiegel écrit « le système des
partis populaires » est depuis longtemps une chose du passé et exprime son
inquiétude sur la « disparition du consensus social ».
Cette récente crise n’a fait qu’intensifier le débat sur
l’avenir du gouvernement de coalition. En plus du commentaire de l’hebdomadaire
allemand DerSpiegel un certain nombre d’autres commentaires
montrent le gouvernement Merkel du doigt et concluent que la grande coalition
cause plus de problèmes que de solutions.
De plus, les Verts et le FDP brûlent de retourner au pouvoir à
la suite de l’accroissement du vote du FDP en Mecklembourg-Poméranie
occidentale et de celui des Verts à Berlin. A cette fin, ils sont prêts à tout
- y compris à former une coalition entre le CDU, le FDP et les Verts. Tout changement
de gouvernement tel que celui qui fut opéré l’an dernier dans le dos de la
population par l’ex-chancelier Schröder (SPD) s’accompagnerait inévitablement
d’un autre tournant à droite.
Le PSG (Partei für Soziale Gleichheit - Parti de l’égalité
socialiste) participa à l’élection parlementaire du Land de Berlin afin de
donner une orientation socialiste et révolutionnaire à cette large opposition
populaire et obtint 573 votes. Etant donné la multitude des partis ayant
participé à l’élection et articulant, sous une forme ou sous une autre, une
protestation sociale, les voix obtenues par le PSG doivent être considérées
comme une décision consciente en faveur d’une orientation internationale et
socialiste.