Des manifestations ont eu lieu le samedi 28
octobre dans 37 villes du Canada pour demander le retrait immédiat de tous les
soldats de l’Afghanistan.
Deux mille trois cents soldats des Forces
armées canadiennes (FAC) sont actuellement déployés au sud de l’Afghanistan, où
ils mènent une brutale campagne de contre-insurrection aux côtés d’autres
forces de l’OTAN. En mai dernier, le Parlement a approuvé une motion présentée
par le gouvernement minoritaire conservateur de prolonger le déploiement
canadien au sud de l’Afghanistan pour au moins deux années, jusqu’en février
2009 au moins.
Les supporteurs du World Socialist Web
Site et du Parti de l’égalité socialiste sont intervenus dans les
manifestations dans au moins cinq villes. Ils ont distribué des centaines de
copies d’une déclaration accueillant les manifestations et expliquant que l’unique
voie pour avancer la lutte contre l’impérialisme est la mobilisation politique indépendante
de la classe ouvrière sur un programme internationaliste et socialiste (Voir Les
questions politiques de la lutte contre la guerre).
A Toronto, plus de mille personnes se sont
ralliées devant le consulat américain sur l’avenue Université, et ensuite ont
marché dans le centre-ville jusqu’à Moss Park. Adjacent un magasin d’armes des FAC,
Moss Park avait été choisi comme destination de la marche parce qu’il y a un
an, un réserviste des FAC revenant d’une simulation de guerre y avait battu à
mort Stanley Croutch, un sans-abri.
Les organisateurs de la marche de Toronto
ont donné la place d’honneur à Jack Layton, le chef du Nouveau Parti démocratique
(NPD) fédéral. A la fin d’août, le NPD a retiré son soutien au déploiement des
soldats canadiens au sud de l’Afghanistan et a lancé un appel pour le retrait
des troupes. La position du NPD n’a rien à voir avec une opposition de principes
à l’impérialisme canadien. Plutôt, il cherche à profiter du sentiment
anti-guerre grandissant et de la colère envers le rapprochement du gouvernement
conservateur d’avec l’administration Bush pour les prochaines élections
fédérales.
Que le NPD soit fondamentalement orienté
vers l’élite dirigeante canadienne a été bien montré dans le discours de
Layton. Il l’a commencé avec des critiques du « rôle combattant »
assigné aux soldats canadiens — comme si l’armée avait un autre rôle. Layton a
conclu en disant que le retrait des troupes serait « un pas important vers
la construction d’une politique étrangère réellement indépendante et qui ne
serait pas importée de Washington ».
En substance, le NPD et les syndicats — le
Congrès du travail du Canada a endossé les manifestations contre la guerre —
appellent pour la résurrection de la « politique étrangère indépendante »
des gouvernements libéraux des années 1960 et 1970.
Mais comme la déclaration du PES qui fut
distribuée aux manifestations l’explique, « La réalité est que le Canada
durant la guerre froide était un partenaire de l’OTAN et de NORAD. “Le
maintien de la paix” était une façon pour la classe dirigeante de gagner une
certaine influence dans l’arène mondiale dans la poursuite des intérêts du
Capital canadien et, tout aussi important, était un moyen de redéfinir le
nationalisme canadien pour en faire un instrument plus efficace pour arçonner
la classe ouvrière aux objectifs de la classe dirigeante canadienne. »
Après Layton, le podium fut laissé à des personnalités associées
à la campagne d’appui aux soldats américains qui ont fui au Canada car ils s’opposent
aux invasions et occupations américaines de l’Afghanistan et de l’Irak. Lee
Zaslofsky, de la Campagne d’appui aux objecteurs de conscience, a affirmé que
leur campagne visait essentiellement à exiger du gouvernement canadien qu’il
prévoit une « clause spéciale » pour les objecteurs de conscience
américains, comme cela avait était fait « à l’époque du Viêt-Nam ».
Le premier soldat canadien à avoir refusé d’être déployé en
Afghanistan, Fransisco Juarez, a aussi parlé brièvement lors de l’événement.
« On nous dit de garder le cap, par une métaphore nautique douteuse, alors
qu’il serait mieux de ramener le bateau chez lui et de réparer son
gouvernail », a déclaré Juarez. Il a exigé un « débat plus
complet » sur la mission des FAC en Afghanistan à la Chambre des communes.
À Montréal, environ trois cents personnes ont bravé une
pluie battante afin de prendre part à une manifestation organisée par le
Collectif Échec à la guerre. Bien que la majorité des manifestants étaient des
partisans des groupes de pression formant le Collectif, l’équipe de reportage
du WSWS a tout de même rencontré un grand nombre de travailleurs et de jeunes
qui étaient venus à la manifestation de leur propre initiative, à cause de leur
dégoût pour les crimes commis par les troupes d’occupation contre le peuple
afghan.
Les organisateurs de la manifestation ont souligné la
présence de Québec solidaire. Créé plus tôt cette année en tant que solution de
remplacement « de gauche » au Parti québécois indépendantiste, Québec
solidaire appelle au retrait des troupes canadiennes de l’Afghanistan, tout en
appelant au même moment à une nouvelle intervention en Afghanistan sous les
auspices de cet instrument malléable de l’impérialisme que sont les Nations
unies.
Le Bloc québécois, le parti frère du PQ au niveau fédéral,
brillait par son absence. Le BQ a cherché à s’adresser aux sentiments anti-guerre
en critiquant la façon dont avait été menée l’intervention militaire
canadienne. Mais il a aussi condamné l’appel du NPD à abandonner l’actuelle
mission des FAC en le qualifiant « d’irresponsable ».
Dans un bref discours à la fin de la manifestation, Raymond
Legault, un porte-parole pour le Collectif Échec à la guerre, a dénoncé la
guerre en Afghanistan, la comparant à la guerre en Irak et la décrivant comme
une « guerre pour des intérêts stratégiques et économiques complètement
étrangers aux intérêts de la majorité de la population et complètement
étrangers aux intérêts du Québec et des populations canadiennes ». Legault
a dénoncé les atrocités commises au nom de la chasse aux terroristes et aux
talibans et l’utilisation d’adolescents afghans comme boucliers humains pour
les soldats canadiens.
À Montréal, comme à Toronto, il n’y avait pratiquement
aucun syndicaliste à la manifestation anti-guerre. Bien que le CTC et d’autres
syndicats appuient apparemment la demande de retrait des troupes des FAC de
l’Afghanistan, ils n’ont clairement pas bougé le petit doigt pour mobiliser
leurs membres.
A Kingston un groupe d’approximativement 60
personnes se sont rassemblé aux coins des rues Union et University pour unir
leur voix en opposition aux activités impérialistes du Canada en Afghanistan.
Dans une ville abritant l’Université Queens
et près de 14 000 étudiants, la faible présence des étudiants à la
manifestation est significative. Plusieurs étudiants ont rapporté n’avoir vu
que très peu de pamphlets annonçant la manifestation les jours précédents
l’événement. Par contre, la présence des supporteurs du Canadian Action Party
(CAP), un parti nationaliste canadien formé par un ancien ministre de la Défense
du Parti libéral, Paul Hellyer, était évidente.
Dans un discours avant la marche vers l’Hôtel
de Ville, un supporteur du CAP déplorait la perte par le Canada de son rôle
traditionnel de « maintien de la paix », disant « nous perdons l’avantage
moral » que nous avions sur les États-Unis. Dans un discours à la fin de
la marche, un porte-parole pour le CTC arguait que le Canada devait développer
une identité indépendante dans les affaires internationales, c.-à-d., indépendante
des États-Unis. Les questions sensibles qui découlent de la guerre et qui
concernent les travailleurs ont été prudemment ignorées par les différents
orateurs. Dans tous les cas, l’opposition à la guerre était uniquement dirigée
contre le gouvernement conservateur, sans une mention des politiques pro-guerre
des libéraux et du NPD. (Jusqu’à cet été, le NPD a ouvertement appuyé la
mission afghane et continue de promouvoir l’intervention militaire canadienne
dans la région du Darfour au Soudan).
Plusieurs des personnes présentes à la
manifestation de Kingston se sont empressées de prendre le tract du PES et
notre équipe de reporters a discuté avec certains de l’histoire de la Quatrième
internationale et des implications environnementales du marxisme.
Entre 2500 et 3000 personnes ont participé
à la manifestation à Vancouver. Comme à Toronto, les organisateurs de la marche
ont décidé de donner le plus d’espace aux représentants du NPD, dans ce cas à
Libby Davis, la députée du NPD pour la circonscription de Vancouver Est au
Parlement.
Les slogans affichés sur les pancartes
disaient entre autres « De l’argent pour la santé, pas pour la guerre »,
« Est-ce vraiment une mission pour la paix ? », « Arrêtez
les attaques au pays et à l’étranger », « Laisser tomber les frais de
scolarité, pas les bombes », « L’agression menée par l’OTAN est
vouée à l’échec », « Arrêtez la machine de guerre canadienne »
et « Chaque soldat mort est une autre contribution à la collecte qu’organise
Harper pour devenir membre du club des vrais hommes ».
Lorsque questionnée sur le conflit afghan
et l’implication du gouvernement canadien, une jeune marcheuse, Alicia, offrait
le commentaire suivant,
« Ce que je n’apprécie pas c’est de
voir nos troupes là-bas. Notre argent est utilisé pour une chose pour laquelle
il ne devrait pas être utilisé. Il a d’autres personnes qui en ont besoin. Il y
a des gens qui vivent dans la rue aujourd’hui, aujourd’hui même à Vancouver et
cet argent devrait être utilisé pour ça. Alors, je veux que notre gouvernement se
sensibilise et commence à donner cet argent à ceux qui en ont besoin, offre
plus de logement et aide les gens à se sortir de la rue. Et qu’il retire nos
troupes d’Afghanistan et qu’il ne les déploie pas en Corée. »
La déclaration du PES a également été
distribuée à la manifestation contre la guerre à Fredericton au Nouveau-Brunswick.
(Article original anglais paru le 30
octobre 2006)