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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Demandes plus pressantes pour un changement de cap de Washington en Irak

Par James Cogan
24 octobre 2006

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Les demandes pour un changement de cap deviennent plus pressantes à Washington

Par James Cogan
23 octobre 2006

L’extraordinaire crise politique et militaire dans laquelle se trouve l’occupation américaine de l’Irak a plongé l’élite dirigeante américaine dans la perplexité et même la panique. Un large consensus se développe à Washington que les politiques de l’administration Bush depuis mars 2003 ont produit une débâcle et que des mesures désespérées doivent être prises pour protéger les intérêts américains.

Les événements de vendredi dernier à Amarah, une ville du sud de l’Irak, que l’armée britannique venait de remettre aux nouvelles forces de sécurité irakiennes, ne peuvent qu’avoir approfondi le désespoir des cercles dirigeants américains. Des centaines de miliciens de l’armée du Mahdi, des chiites plus ou moins associés avec le mouvement dirigé par l’imam Moqtada al-Sadr, ont attaqué des postes de police après que des policiers liés à un parti chiite rival eurent arrêté le frère d’un dirigeant local. En quelques heures seulement, la milice a pris le contrôle de toute la ville. Si cela s’est terminé sans confrontation militaire majeure, c’est parce que des émissaires de Sadr ont réussi à convaincre les miliciens de remettre le contrôle de la ville aux unités de l’armée irakienne.

L’incident est une preuve supplémentaire de l’absurdité des affirmations répétées de l’administration Bush selon lesquelles il y a du progrès dans la consolidation du gouvernement marionnette pro-américain de Bagdad. Après trois ans et demi de carnage, l’Irak est en ruines, tant économiques que sociales, et 140 000 soldats américains y sont toujours embourbés dans une guérilla sanglante, alors que diverses milices ethniques ou religieuses exercent le véritable pouvoir sur de larges pans du territoire irakien. Les pertes américaines ce mois atteignent un sommet pour l’année, ce qui alimente le sentiment anti-guerre de masse au sein de la population américaine.

Les appels que l’on attend à Washington pour un changement de la politique américaine en Irak qui résultera en plus de « stabilité » deviennent de plus en plus pressants. Le 22 octobre le Washington Post a écrit un éditorial qui disait que « le temps est venu », ajoutant, avec plus qu’un soupçon de panique :

« Le gouvernement de coalition irakien sur lequel M. Bush comptait pour forger des compromis politiques et pour désarmer les milices sectaires ne semble pas avoir la force pour mener à bien l’une ou l’autre de ces deux missions. La tentative américaine de pacifier Bagdad en concentrant ses forces dans la capitale a échoué et a contribué à une augmentation accablante des pertes américaines. Le soutien à la guerre diminue rapidement, aussi bien au pays qu’au Congrès; une commission mandatée par le Congrès va probablement recommander un changement de cap après les élections du mois prochain. Il serait sage pour M. Bush d’agir avant cette échéance : la situation qui se détériore rapidement en Irak exige que l’on s’en occupe de façon urgente. »

Le « changement de cap » porte sur la demande que le gouvernement dominé par les chiites du premier ministre Nouri al-Maliki donne sa sanction à une opération de désarmement de l’armée du Mahdi et d’autres milices chiites, systématiquement diabolisées en tant que principal obstacle au programme américain. Les soi-disant éléments « voyous » de l’armée du Mahdi sont blâmés tant pour le grand nombre de morts à travers le pays résultant des tensions sectaires que pour la croissance du nombre des attaques sur les troupes américaines.

Il ne passe pratiquement pas un jour sans qu’un article ne soit publié dans le New York Times ou le Washington Post qui fasse référence à « l’exaspération », au « doute » ou à la « frustration » de l’armée américaine envers le gouvernement chiite. Le New York Times du 20 octobre en est un bon exemple. Le correspondant John F. Burns a écrit « Au cours des dernières semaines, quelques officiers de haut rang ont exprimé une exaspération croissante lors de point de presse sur la situation en Irak, particulièrement lorsqu’ils discutent de l’inefficacité, de l’indécision et de la corruption, dans leurs mots, du gouvernement du premier ministre Nouri al-Maliki ainsi que de l’échec du premier ministre à agir de façon efficace pour réaliser sa promesse de retenir les milices chiites que les commandants américains considèrent maintenant comme la principale source d’instabilité. »

Derrière toutes les récriminations envers les « milices chiites » se trouve un consensus parmi les cercles dirigeants américains que le gouvernement Maliki n’est pas un moyen viable pour satisfaire leurs intérêts en Irak. Le principal représentant de cette analyse est le Groupe d’étude sur l’Irak, la commission mandatée par le Congrès et dirigée par un loyaliste de la famille Bush et ancien secrétaire d’Etat James Baker.

Les propositions du Groupe d’étude sur l’Irak, révélées lors d’entrevues et à travers des fuites que l’on a soigneusement laissé échapper, renient les politiques de base des stratèges de l’administration Bush comme le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfelsd.

Sous la direction de Cheney et Rumsfeld, l’occupation américaine de l’Irak a entrepris de faire éclater les institutions et le personnel de la dictature baasiste de Saddam Hussein, qui reposaient sur la répression par un Etat policier, sur une couche relativement privilégiée d’Arabes sunnites et sur des appels au nationalisme irakien et panarabe. A sa place, les fondamentalistes chiites et les séparatistes kurdes, des ennemis jurés des baasistes, furent installés à des positions clés du pouvoir politique.

La population arabe sunnite a été aliénée et paupérisée. Le Parti baasiste a été fait illégal et l’armée irakienne, l’une des principales sources d’emploi et de prestige pour la classe moyenne sunnite, a été dissoute. Des milliers de figures baasistes importantes ont été tuées ou capturées pour être torturées et humiliées dans des prisons comme Abou Graib.

Les tactiques américaines de « shock and awe » (choc et stupeur) et de « diviser pour régner » ne pouvaient que produire une insurrection anti-occupation insoluble et soutenue par la population sunnite, et une guerre civile contre le gouvernement chiite. Les organisations extrémistes comme al-Qaïda ont trouvé un terreau fertile pour cultiver leur idéologie wahhabite de vengeance contre les occupants étrangers et les chiites.

Certaines sections des fondamentalistes chiites ont répondu aux atrocités perpétrées contre les civils chiites par leur propre campagne de tuerie. Des escadrons de la mort chiites tentent d’éliminer leurs ennemis et de terroriser la population sunnite pour qu’elle se plie devant son pouvoir. On ne peut rejeter la possibilité que les Etats-Unis participent directement à la fomentation de cette violence. Les idéologues de l’administration Bush ont à plusieurs reprises utilisé ce carnage pour faire taire les opposants à la guerre en affirmant que les troupes américaines devaient rester en Irak afin d’empêcher une guerre civile encore plus sanglante.

Les conséquences, toutefois, sont désastreuses. Jusqu’à 100 Irakiens sont maintenant tués chaque jour dans des attaques sectaires. Les Nations unies évaluent que près d’un million de personnes ont été déplacées et que plus de 360 000, principalement des sunnites, ont dû fuir leurs demeures au cours des huit mois qui ont suivi l’attentat contre une mosquée vénérée en février. Il est présumé que cette explosion était l’acte d’extrémistes sunnites. L’état catastrophique du pays a empêché tout progrès visant à rendre accessibles les réserves de pétrole du pays aux entreprises américaines, le motif non déclaré mais véritable de cette invasion.

La solution à ce chaos apportée par le Groupe d’étude sur l’Irak est une realpolitik sous sa forme la plus crue et la plus impitoyable. Avec l’appui bipartisan d’importants démocrates, Baker prépare un rapport qui suggère que les Etats-Unis peuvent stabiliser l’Irak en faisant des avances à la population sunnite, celle-là même qu’ils ont soumise à la répression durant les trois dernières années et demie. L’une des principales propositions du groupe est l’amnistie pour l’insurrection sunnite. Selon des sources du Times de Londres, des « discussions pour tâter le terrain » se sont déroulées durant le week-end en Jordanie entre des représentants des Etats-Unis et de l’Armée islamique, l’un des principaux groupes des insurgés sunnites.

Il y a de nombreux points d’interrogation sur la viabilité du soi-disant « plan Baker ». Cela exigerait pour la faction Cheney-Rumsfeld au sein de la Maison-Blanche, d’abandonner — bien que temporairement — la position qu’il faut une confrontation contre l’Iran et la Syrie. Les Etats-Unis ont besoin des régimes de Téhéran et de Damas pour qu’ils usent de leur influence sur les factions irakiennes. Une entente avec l’Iran soulèverait inévitablement des questions complexes concernant la politique américaine envers Israël et provoquerait une crise hystérique parmi les sionistes les plus fanatiques.

L’obstacle immédiat, cependant, est la résistance parmi les partis chiites, particulièrement les éléments au sein du mouvement de Sadr, à toute entente avec l’élite sunnite. La base sociale du mouvement sadriste est composée de millions de travailleurs chiites qui sont vigoureusement opposés à la présence américaine dans le pays et qui se rappellent amèrement du régime baasiste. L’appui dont jouit Sadr vient du fait qu’il exprime, bien que d’une manière limitée, les demandes populaires pour la fin de l’occupation militaire, pour le droit démocratique des Irakiens à décider eux même de leur propre futur et pour que l’Etat continue à contrôler les ressources pétrolières.

Les masses chiites ne vont pas accepter pacifiquement le « changement de cap » qui est formulé par des gens comme Baker. Alors que Sadr a démontré qu’il pouvait lui-même très bien vivre avec la domination américaine en Irak, il a été incapable de démanteler l’armée du Mahdi. Ses supporteurs chiites, gardant en mémoire les massacres perpétrés par le régime baasiste, considèrent essentiel le maintien d’une forme armée indépendante de tout gouvernement à Bagdad. Maliki semble également être en dette envers les masses chiites.

Le 22 août, le World Socialist Web Site attirait l’attention sur les premiers signes que l’administration Bush complotait pour déloger le gouvernement Maliki s’il refusait de se plier à l’agenda américain. (Voir Les Etats-Unis planifient-ils un coup d'Etat en Irak ?). Une bataille contre la milice chiite pourrait devenir le prélude à l’imposition de la loi martiale et à l’établissement d’une forme ou une autre de dictature militaire directe.

Une confrontation entre les militaires américains et la milice chiite est clairement en préparation. Lundi dernier, Maliki a lancé l’avertissement lors d’une entrevue avec USA Today que les Etats-Unis préparent « la destruction d’un quartier complet » — Sadr City à Bagdad, où Sadr a un appui de masse dans la banlieue de 2 millions d’habitants à prédominance chiite et où l’armée du Mahdi a un nombre estimé de 10 000 combattants. Bien qu’il n’y a pratiquement pas de reportage provenant du bastion de la milice, il est inconcevable que des milliers de jeunes miliciens de Bagdad, Basra, Najaf, Karbala et de douzaines d’autres villes et villages à travers le sud de l’Irak, ne sont pas préparés pour la bataille.

Des centaines de milliers d’Irakiens ont déjà été tués pour le contrôle du pétrole par les grandes puissances. Une attaque contre Sadr va en faire des milliers d’autres qui viendront ajouter à l’horreur. Cependant, en pleine campagne électorale américaine, dans laquelle la guerre est une question centrale, aucune voix ne s’élève de l’opposition politique officielle à la perspective d’une escalade de la violence en Irak. Au lieu de cela, les démocrates collaborent au Groupe d’étude sur l’Irak et offrent une entente bipartie à la conception qu’un « changement de cap » en Irak nécessite la répudiation de même la prétention que les Etats-Unis sont en train d’établir une « démocratie » au Moyen-Orient.

(Article original anglais paru le 23 octobre 2006)

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