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Le gouvernement Bush en quête d'argent pour financer un changement de régime en IranPar Peter Symonds Utilisez cette version pour imprimer Le gouvernement Bush a pris mercredi des mesures supplémentaires dans sa campagne contre l'Iran en demandant une augmentation substantielle du financement destiné à déstabiliser politiquement le régime de Téhéran. S'adressant à la Commission des affaires étrangères du Sénat, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, déclara que les Etats-Unis « confronteraient activement » l'Iran en appelant à un versement supplémentaire de 75 millions de dollars pour le financement d'une propagande anti-Téhéran et pour le soutien de groupes d'opposition à l'intérieur et hors du pays. L'année dernière, seuls 10 millions de dollars furent alloués à de telles activités. Rice évita prudemment l'emploi du terme « changement de régime » et ses connotations évidentes avec la campagne américaine qui aboutit à l'invasion illégale de l'Iraq. Mais il ne fait pas de doute que l'intention du gouvernement Bush est de miner et de renverser l'actuel régime iranien. L'absurdité des affirmations de Rice de vouloir promouvoir la démocratie en Iran est soulignée par les activités des Etats-Unis dans le pays voisin, en Iraq. Alors que les troupes américaines sont engagées dans la suppression sans merci de l'opposition iraquienne, l'ambassadeur américain, Zalmay Khalilzad, s'efforce frénétiquement, en coulisses, à fabriquer un nouveau régime fantoche qui obéisse aux diktats américains. Le soutien du gouvernement Bush à la « démocratie » en Iran, tout comme son opposition au programme nucléaire de Téhéran, n'est simplement qu'un prétexte pour avancer les ambitions américaines pour une prédominance économique et stratégique dans la région riche en ressources naturelles. En ce qui concerne Washington, « un gouvernement démocratique » à Téhéran est synonyme de régime pro-américain qui ouvre les vastes réserves en pétrole et en gaz aux entreprises américaines, qui mette en oeuvre les réformes de marché dictées par le FMI (Fonds monétaire international) et qui soutienne servilement la politique étrangère des Etats-Unis dans la région. L'appel de Rice pour plus de moyens financiers n'est pas sans rappeler le soutien que Washington a prodigué aux groupes iraquiens en exil tout au long des années 1990. La CIA finança et travailla en étroite collaboration avec Ahmed Chalabi, condamné pour détournement de fonds, et avec Iyad Allawi, ancienne brute du Parti Baath dans le but de fomenter une opposition et un coup d'Etat manqué en Iraq. A présent, Khalilzad essaie de s'assurer que les deux hommes occupent des positions influentes au sein du prochain gouvernement iraquien, bien qu'ils ne jouissent d'aucun soutien populaire significatif. Les alliés iraniens potentiels de Washington ont à leur actif un bilan tout aussi sordide. Ils comprennent des groupes monarchistes liés à la famille de l'ancien dictateur, le Shah Reza Pahlavi, et les Moudjahedins du peuple d'Iran (MEK). Le MEK, formation petite-bourgeoise nationaliste soutint le régime islamiste mis en place en Iran après l'expulsion du Shah en 1979, mais ses dirigeants se réfugièrent en Iraq après que la nouvelle théocratie conservatrice s'attaqua à l'organisation. Tout en pratiquant des attaques coups de point en Iran, le MEK cherchait également le soutien des Etats-Unis et de l'Europe, se faisant passer pour un mouvement pro-occidental favorable à la politique de libre marché. A présent, le MEK est placé sur la liste des groupes terroristes internationaux du Département d'Etat des Etats-Unis et le mois dernier, Rice rappela que la politique des Etats-Unis consistait à ne pas travailler avec cette organisation. Au Congrès cependant, des projets se trament déjà pour transformer le MEK de « terroriste » en « combattant pour la liberté ». Tom Tancredo, parlementaire américain, déclara mercredi lors d'une réunion du Congrès que la décision de placer le MEK sur la liste des groupes terroristes avait été « une faveur accordée aux mullahs » par le gouvernement de Clinton, indiquant ainsi qu'il fallait revenir sur cette décision. Le gouvernement Bush cherche également à nouer des liens avec l'opposition syndicale en Iran. La confédération syndicale américaine, AFL-CIO, qui est un bras notoire de la politique étrangère américaine et de la CIA, a récemment saisi l'occasion d'une lutte de chauffeurs de bus de Téhéran réclamant la reconnaissance de leur syndicat et de meilleures conditions de travail. Cette bureaucratie syndicale de droite qui, durant des décennies, a supervisé la destruction des emplois et des conditions de travail de ses propres membres et qui ne se soucie guère de la souffrance des travailleurs de par le monde, décida subitement d'organiser mercredi dernier une manifestation commune avec des syndicats de 17 autres pays contre la répression du syndicat des chauffeurs de bus de Téhéran. Ces tentatives pourraient facilement échouer. L'hostilité contre le régime théocratique ressentie à l'intérieur de l'Iran ne se traduit pas immédiatement en un soutien pour les projets prédateurs de l'impérialisme américain. Raymond Tanter, un ancien conseiller à la sécurité de la Maison Blanche sous la présidence de George Bush père avertit que les groupes commandités par les Etats-Unis « seront logés à la même enseigne ». «Si le gouvernement emprunte la voie du financement de groupes oppositionnels de manière publique, cela ne fera que renforcer le dirigeant suprême de l'Iran [l'Ayatollah Ail Khamenei] et son président choisi, Mr Ahmadinejad», dit-il. La principale critique à l'égard de la politique iranienne du gouvernement Bush émane de l'extrême droite, spécialement des soi-disant néoconservateurs qui soutinrent l'invasion de l'Iraq. Ces couches néofascistes ridiculisent les efforts diplomatiques de Rice et critiquent les projets du Pentagone prévoyant des frappes aériennes contre les installations nucléaires, ce qu'ils jugent inefficaces et inadéquats. L'appel lancé par Rice pour que le Congrès débloque des fonds visait en quelque sorte à calmer ces détracteurs de droite. Sam Brownback, sénateur républicain influent, avait efficacement laissé entrevoir ce fait dans un discours tenu le 2 février au néoconservateur American enterprise institute. Il dit à l'auditoire que le Congrès devrait augmenter le financement pour « la promotion de la démocratie en Iran » de 10 millions de dollars à 100 millions de dollars tout en insistant sur la suspension de l'aide de la Banque mondiale à l'Iran. Brownback fut fortement critiqué pour n'être pas allé plus loin. Michael Ledeen, chercheur à l'American enterprise Institute, déclara : « Ce que j'ai retenu de son discours est que Brownback veut un changement de régime, qu'il le souhaite, alors pourquoi ne le dit-il pas clairement. Pourquoi ne souscrit-il pas à la loi Santorum » ? La Loi de soutien à la liberté en Iran (Iran Freedom Support Act) proposée l'année dernière par le sénateur Rick Santorum engagerait le gouvernement Bush à un programme de « changement de régime » en Iran. La Loi Santorum est similaire à l'Iraq Liberation Act (loi de libération de l'Irak) adoptée par le Congrès en 1998 qui intégra le renversement du régime de Saddam Hussein dans la politique étrangère des Etats-Unis et mit 97 millions de dollars à la disposition des groupes oppositionnels iraquiens reconnus, y compris une aide militaire. Selon ses partisans, cette loi de soutien à la liberté en Iran serait actuellement soutenue par 42 sénateurs et 333 députés. L'appel lancé par Rice pour des fonds supplémentaires en vue d'un changement de régime en Iran a été en général bien accueilli par les néoconservateurs. Ledeen remarqua vendredi : « Après des années d'atermoiements, nous enregistrons à présent les premiers signes encourageants montrant que ce gouvernement est prêt à soutenir une révolution en Iran. La secrétaire d'Etat, Rice, après sa réforme louable du Foreign Service, a à présent demandé au Congrès une rallonge de 75 millions de dollars au profit de la liberté en Iran. Ceci est en effet une bonne nouvelle, et ce d'autant plus que le témoignage qu'elle fit mercredi devant la Commission des affaires étrangères du Sénat renfermait des indices selon lesquels nous aurions déjà commencé à soutenir les syndicats iraniens et que nous formons même déjà quelques-uns de leurs dirigeants. » Il est évident que, si le projet d'instiguer un simulacre de révolution en Iran échouait, ces cercles réclameront davantage d'action militaire directe. Dans une interview publiée le 10 février sur le site internet conservateur Human Events, l'ancien porte-parole républicain Newt Gingrich, déclara son soutien à une invasion militaire au cas où d'autres alternatives viendraient à échouer. A la question de savoir si le recours à la force était justifié il répondit : « Je crois que c'est [l'Iran] un danger tellement grand qu'il est absolument irrationnel de notre part de ne pas avoir de stratégie qui dise que dans les deux ou trois années à venir ce régime sera changé. » La dernière demande de financement a pour but d'accroître les tensions juste avant une réunion cruciale de l'Agence internationale pour l'énergie nucléaire (IAEA) devant avoir lieu début mars. Conformément à une résolution de l'IAEA votée le 4 février, si l'Iran refuse de suspendre son programme d'enrichissement d'uranium et de coopérer pleinement avec l'IAEA, son dossier sera transmis au Conseil de sécurité de l'ONU avec le risque d'éventuelles actions punitives. Tout comme dans le cas de la fuite délibérée la semaine dernière des projets du Pentagone pour des frappes militaires contre l'Iran, l'annonce faite par Rice vise également à exercer une pression sur les alliés de Washington en Europe et en Asie pour qu'ils soutiennent une action dure à l'encontre de Téhéran au Conseil de sécurité de l'ONU. La menace évidente est que, avec ou sans le soutien international, le gouvernement Bush fera tout ce qu'il jugera nécessaire en vue de poursuivre les intérêts américains au Moyen Orient. Les déclarations de Gingrich, comme celles des autres, montrent clairement que les actions de Washington conduisent, avec une logique inexorable, à une nouvelle guerre d'agression illégale.
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