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Le Pentagone prépare des frappes militaires contre l'IranPar Peter Symonds Utilisez cette version pour imprimer Un article publié en Grande-Bretagne dans l'édition du week-end dernier du Sunday Telegraph confirme que les Etats-Unis élaborent des plans de frappes aériennes et à l'aide de missiles contres les sites nucléaires iraniens. Des bombardiers B2 à long rayon d'action et transportant chacun jusqu'à 20 tonnes de bombes « intelligentes » et basés aux Etats-Unis seraient « très vraisemblablement » utilisés. « Le Sunday Telegrah a appris que des planificateurs du commandement central des Etats-Unis (Central Command and Strategic Command) identifiaient des objectifs, évaluaient les cargaisons d'armes et travaillaient à la logistique requise par une telle opération. Les planificateurs communiquent à ce sujet avec le bureau de Donald Rumsfeld, le ministre de la Défense, alors que les Etats-Unis mettent à jour leurs plans d'action au cas où l'offensive diplomatique manquerait de contrecarrer l'ambition de la République Islamique à produire une bombe nucléaire» précisa l'article. Selon le conseiller principal du Pentagone qui parla au journal, les frappes seraient « une solution de dernier recours » pour empêcher Téhéran de poursuivre son programme nucléaire. Il fit remarquer clairement que les projets militaires n'étaient pas simplement une question de routine. « C'est plus qu'une évaluation militaire de routine en situation d'urgence. Ceci a beaucoup gagné en urgence ces derniers mois », dit-il. L'article du Sunday Telegraph ne fut pas démenti par la Maison Blanche ce qui laisse prévoir que l'information fut vraisemblablement divulguée délibérément. Questionné au sujet de l'article par la chaîne américaine d'information ABC News, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice indiqua une fois de plus que: « Le président ne revient jamais sur aucune de ces opinions Mais il existe une solution diplomatique. A présent nous sommes au Conseil de sécurité [de l'ONU], il y a de nombreuses mesures que le Conseil de sécurité peut prendre pour faire appliquer les exigences de l'IAEA [Agence internationale de l'Energie atomique] à l'Iran. » Le conseil exécutif de l'IAEA vota le 4 février de notifier le cas de l'Iran au Conseil de sécurité de l'ONU en vue de prendre éventuellement des sanctions pour ses prétendues infractions au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Toutefois, toute discussion avec le Conseil de sécurité fut reportée à début mars pour permettre à d'autres négociations d'avoir lieu avec Téhéran. L'effet immédiat de la divulgation provocatrice du Pentagon sera d'attiser davantage encore les tensions existant en Iran en rendant une fin négociée du conflit encore moins probable. Le régime de Téhéran a qualifié la décision de l'IAEA d'illégale et a déclaré vouloir reprendre ses activités de recherche liées à l'enrichissement d'uranium. Téhéran dit avec insistance que son programme nucléaire est à but entièrement pacifique et réaffirma ses droits à développer tous les aspects du cycle du combustible nucléaire, selon les termes du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, y compris l'enrichissement d'uranium. Mais, comme l'indiquent les commentaires de Rice, l'objectif de l'article du Sunday Times est d'exercer tout autant de pression sur les autres membres permanents du Conseil de sécurité, la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine, que sur l'Iran. Ce message sans grande subtilité est : au cas où le Conseil de sécurité de l'ONU manquerait de prendre des mesures suffisamment dures contre Téhéran, Washington est prêt à lancer une attaque contre l'Iran, unilatéralement s'il le faut. La position agressive prise par Washington n'est pas en premier lieu motivée par le programme nucléaire de l'Iran, mais par la volonté d'imposer la prédominance américaine à ses rivaux européens et asiatiques dans la région riche en ressources énergétiques. Des sanctions économiques ou des frappes militaires contre Téhéran ne toucheraient pas directement les intérêts de Washington étant donné que les Etats-Unis ont déjà imposé un blocus économique depuis la chute du Shah d'Iran, Reza Pahlavi, en 1979. Mais l'Union européenne, la Russie, la Chine et le Japon qui ont tous développé des relations économiques considérables avec l'Iran, seraient sérieusement touchés. Toute action militaire américaine ne mènerait pas seulement au massacre des Iraniens innocents mais déstabiliserait encore davantage un Moyen Orient déjà volatile. Une étude publiée hier par l'Oxford Research Group, un « laboratoire d'idées » sis en Grande-Bretagne, estime que des centaines de civils seraient tués dès la première vague de bombardements des installations nucléaires iraniennes. Elle suggère que le Pentagon chercherait délibérément « à tuer autant de personnel technique compétent que possible et, ce faisant, causant les plus gros dégâts à des projets [nucléaires] à long terme. » Cette étude intitulée « Iran : Conséquences de la guerre » fait remarquer cette évidence que toute attaque américaine ne se limiterait pas aux installations nucléaires iraniennes mais inclurait aussi des centres de défense aérienne, de commandement et de contrôle ainsi que d'autres cibles militaires de façon à affaiblir la capacité de contre-attaquer de l'Iran. L'étude prédit que des milliers de membres du personnel militaire seraient tués lors des premières vagues d'une attaque. D'ailleurs on n'en restera pas là. Au cas où l'Iran chercherait à reconstruire ses installations nucléaires, les Etats-Unis seraient forcés d'attaquer à nouveau, ce qui mènerait à « un cycle de violence extrêmement dangereux » et qui pourrait s'étendre à l'ensemble de la région. L'étude qui s'oppose à une frappe militaire américaine, mis en garde contre « un conflit militaire prolongé qui impliquerait vraisemblablement l'Iraq, Israël et le Liban au même titre que les Etats-Unis et l'Iran et peut-être aussi les Etats de l'Ouest du Golfe persique. » Les planificateurs du Pentagone sont tout aussi conscients de ces conséquences que le sont les membres du « laboratoire d'idées » britannique. Et pourtant, cela n'a pas dissuadé Washington de divulguer les projets d'une attaque militaire contre l'Iran qui serait tout aussi téméraire et criminelle que l'avait été l'invasion par les Etats-Unis du pays voisin, l'Iraq en 2003. Bien sûr, une telle attaque n'est en rien certaine, mais les événements se produisent selon une certaine logique politique. Le régime théocratique de Téhéran qui est en train d'attiser les passions nationales en vue de renforcer sa propre position qui est faible n'a donné aucune indication de vouloir céder. Samedi, lors d'un vaste rallye à Téhéran, le président Mahmoud Ahmadinejad laissa entrevoir que l'Iran pourrait se retirer tout à fait du Traité de non-prolifération nucléaire. Téhéran a également reporté indéfiniment des pourparlers avec Moscou sur un compromis prévoyant des installations communes d'enrichissement de l'uranium sur le sol russe, torpillant ainsi effectivement les efforts entrepris par la Russie pour désamorcer la situation. La conséquence en est que le dossier de l'Iran sera probablement transmis au Conseil de sécurité de l'ONU lors de la prochaine session du conseil des gouverneurs de l'AIEA, le 6 mars. Pendant qu'une action militaire n'est pas à l'ordre du jour, les Etats-Unis préconisent la mise en place de sanctions économiques punitives. La Chine, la Russie et les autres pays européens essaieront sans doute de les bloquer, mais comme dans le passé, il est peu probable que ces pays prennent le risque d'une confrontation avec les Etats-Unis. Le gouvernement Bush, d'ailleurs, n'a pas de scrupule à proférer des menaces et même si besoin est, d'engager les actions les plus irresponsables pour parvenir à ses fins. A Washington, la nouvelle selon laquelle le Pentagon élabore présentement des projets de frappes militaires contre l'Iran ne donna lieu à aucun commentaire critique de la part du Parti démocrate, signalant son acceptation tacite de la position prise par Bush que toutes les options sont ouvertes, y compris l'option militaire. La seule critique émise contre la position du gouvernement Bush vient de l'extrême-droite, des soi-disant néoconservateurs qui rejettent avec méchanceté les efforts diplomatiques de Rice, et qui appellent à mener une croisade démocratique pour un « changement de régime » en Iran, tout comme en Iraq. Dans un commentaire du Washington Post du 30 janvier, intitulé : « Mais qu'est-ce qu'il est bête, le problème, c'est le régime », l'ultra conservateur, Robert Kagan, rejeta les frappes aériennes contre les installations nucléaires de l'Iran comme étant inefficaces. Quant au danger de représailles iraniennes, il déclara : « A moins d'être prêts à une escalade du conflit, aboutissant finalement à renverser le régime, nous pourrions finir à l'arrivée dans des conditions pires qu'au départ. » La solution de Kagan fut d'appuyer de façon dissimulée le renversement du régime, une version iranienne des révolutions « colorées » commanditées par les Etats-Unis, soi-disant orange pour l'Ukraine, la révolution des roses en Géorgie et du cèdre au Liban. Mais, comme il précisa : « Au cas où l'actuel gouvernement, ou le prochain, décidait qu'il était trop dangereux d'attendre un changement politique, alors la réponse devra être une invasion, pas seulement une frappe aérienne et par missile, de manière à mettre fin à la fois au programme nucléaire de l'Iran et à son régime. » En dépit du bourbier que les militaires américains
ont créé en Iraq, il existe indubitablement un
soutien au sein de l'élite politique américaine
pour une nouvelle aventure américaine irresponsable dans
un pays avoisinant, à savoir en Iran. L'article du Sunday
Telegraph montre que les préparatifs en sont déjà
bien engagés.
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