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Il n’y a sans doute aucun État moderne qui utilise la technique de propagande du «Gros Mensonge» de manière aussi éhontée que ne le fait Israël. Depuis le 6 juillet, Israël a déployé ses forces militaires dans une opération pour réoccuper le nord de Gaza, tuant ainsi des dizaines de Palestiniens, incluant des civils, et en blessant beaucoup d’autres.
Des chars d’assaut ont avancé dans la ville de Beit Lahiya, située au nord, ravageant la terre, les arbres et les maisons. Certains résidents locaux ont fui. D’autres se cachent, apeurés. Une personne a déclaré à la BBC, «Nous vivons en pleine guerre. L’armée prend tout pour cible... À cause des chars d’assaut, il est trop dangereux de se déplacer. Je ne suis pas allé travailler aujourd’hui. J’ai compté 30 chars, séparés en deux groupes, qui avançaient durant la nuit. Des hélicoptères les couvraient. Ils ont tué deux civils ce matin.»
Israël a tenté de justifier la dernière escalade de son assaut sur Gaza comme une mesure nécessaire pour créer une «zone tampon», à la suite d’une attaque à la roquette Qassam, le 5 juillet, sur la ville de Ashkelon, au sud d’Israël.
La roquette a frappé le stationnement d’une école secondaire, qui était vide au moment de l’impact, causant ainsi de légers dégâts mais pas de blessés. Le gouvernement israélien et les médias ont aussitôt présenté cet événement comme un acte majeur d’agression de la part des Palestiniens.
La roquette a explosé à 10 kilomètres de la frontière de la Bande de Gaza, la plus grande distance d’une attaque jusqu’à maintenant, et a montré que les vies de dizaines de citoyens israéliens étaient alors menacées, a-t-on soutenu. Le scandale a pris de l’ampleur après qu’une deuxième roquette eut frappé un terrain de sport.
Le premier ministre israélien Ehoud Olmert a ensuite émis une série de menaces apocalyptiques. L’attaque à la roquette, a-t-il déclaré, était «une escalade sans précédent», «une importante escalade dans la guerre au terrorisme dont l’organisation du Hamas est responsable», et une «tentative pour faire du mal à des civils israéliens qui vivent à l’intérieur des frontières souveraines d’Israël» qui aura «des conséquences très importantes». Israël «ne se retiendra pas» dans ses représailles.
Une réunion d’urgence du cabinet fut convoquée, autorisant ainsi Olmert et le ministre de la Défense et chef du Parti travailliste Amir Peretz à «poursuivre [leurs] préparatifs en vue de prolonger et faire progresser leur activité de sécurité... en mettant l’accent sur les frappes des institutions et des infrastructures qui servent le terrorisme» et «en réduisant la liberté de mouvement des terroristes en continuant d’isoler la Bande de Gaza».
Zeev Boim, vice-ministre à la Défense, a lancé cette menace: «Pour ma part, les gens de Beit Hanoun et Beit Lahiya, peuvent commencer à faire leurs valises.»
Le ton pris par un grand nombre de commentateurs des médias était tout aussi belliqueux. Le pire fut Zeev Schiff, analyste militaire pour Hareetz, partisan du Parti travailliste, qui a décrit l’attaque à la roquette comme «une invitation sans équivoque du Hamas à la guerre».
Comme l’a affirmé de façon célèbre Goebbels, l’art de la propagande consiste à «mentir gros» et à «s’y tenir». Il n’y a pas de plus grand mensonge que de présenter la réalité à l’envers. Affirmer qu’Israël ne fait que réagir à une agression palestinienne nécessiterait plus qu’une grossière exagération de la menace posée par les roquettes rudimentaires du Hamas. Cela voudrait dire ignorer tout ce qui s’est passé avant le 4 juillet.
Israël mène une campagne inégale et de plus en plus sanglante contre les Palestiniens depuis qu’il a envahit le sud de Gaza le 28 juin, sous prétexte d’obtenir la libération du caporal Shalit. L’attaque à la roquette sur Ashkalon est survenue une semaine après qu’Israël eut affirmé clairement son intention de provoquer la chute de l’Autorité palestinienne, dirigée par le Hama, et d’infliger un châtiment collectif aux Palestiniens afin de mettre un terme à toute résistance au plan d’Olmert d’annexer près de la moitié de la rive ouest.
Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont rassemblé huit ministres du Hamas, au moins un tiers du conseil des ministres palestinien, et près de deux douzaines de législateurs sur la rive ouest. Le vice-premier ministre Shimon Peres a affirmé qu’ils seraient jugés pour terrorisme.
Les FDI ont bombardé à deux reprises les bureaux du premier ministre Ismail Haniya et ont menacé d’assassiner le chef politique du Hamas, Khaled Meshaal, ainsi que d’autres exilés à Damas. Voilà deux semaines, des chasseurs israéliens ont volé tout près du palais du président Bashar Al-Assad à Damas et Olmert a menacé la Syrie de représailles militaires.
Des milliers soldats bien armés ont été massés contre un peuple vivant dans la misère et des militants possédant à peine plus que des carabines, réduits à menacer de se faire exploser contre des chars d’assaut.
Israël conduit des attaques aériennes quotidiennes sur les infrastructures déjà délabrées de Gaza, détruisant les routes, les ponts, et sa seule centrale énergétique. Avec l’aide de l’Égypte, Israël a fermé toutes les frontières afin d’empêcher quiconque de trouver répit face au châtiment collectif subi par la population civile.
S’adressant à la BBC, un résident du camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de la Bande de Gaza, a parlé de la catastrophe humanitaire qui pointait à l’horizon. Mahmoud Mughari, 40 ans, a déclaré: «La semaine dernière, nous avions de l’électricité tout le temps, maintenant, seulement huit heures par jour. Avant, nous avions de l’eau deux jours sur trois, maintenant, nous en avons que pour quatre heures à chaque trois jours... Je m’inquiète pour les enfants, je suis inquiet à propos des maladies.»
Parlant de l’utilisation par Israël de chasseurs volant à basse altitude pour causer des bangs supersoniques, il ajouta: «Les plus jeunes enfants ne comprennent pas que les bangs supersoniques ne sont que du bruit. Ma fille de quatre ans, Mai, pense que c’est une explosion et se réveille en criant, et me rejoint dans ma chambre.»
Ces actions-ci constituent véritablement une «invitation sans équivoque à la guerre»: une guerre d’agression illégale menée par un régime qui se présente cyniquement en tant que victime.
Israël a un avantage que n’avaient pas les régimes précédents, comme les Nazis, qui ont utilisé le Gros Mensonge comme pièce maîtresse de leur politique étrangère: ses mensonges sont acceptés par les États-Unis et les puissances européennes. Washington fut en mesure, comme à l’habitude, de bloquer une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU condamnant l’incursion d’Israël dans Gaza, en usant de son veto. Mais Washington n’a pu annuler la proposition d’une résolution condamnant le châtiment collectif des Palestiniens au Conseil des droits humains des Nations unies, récemment constitué.
La résolution, qui fut proposée par les États islamiques, a exprimé «la grande inquiétude à propos des violations des droits humains du peuple palestinien causées par l’occupation israélienne, y compris les opérations militaire israéliennes actuelles de grande envergure.»
Elle a recommandé vivement à «Israël, force occupante, de libérer immédiatement les ministres palestiniens arrêtés... et tous les autres civils palestiniens qui ont été arrêtés» et a exigé «des négociations pour résoudre la présente crise».
29 des 47 États membres du conseil ont appuyé la résolution, 11 ont voté contre, 5 se sont abstenus et 2 étaient absents. Parmi ceux qui se sont opposés à la résolution se trouvaient la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne.
Le représentant des États-Unis à l’ONU à Genève, Warren Tichenor, a qualifié la résolution «d’effort exagéré pour cibler et s’en prendre uniquement à Israël».
Les États européens ont justifié leur opposition à la résolution par des affirmations du même type qu’elle ne faisait pas la part des choses. Et ce, malgré des amendements exigeant que «toutes les parties concernées respectent les règles du droit international humanitaire et s’abstiennent de violence contre des civils» et que les deux parties «traitent, en toute circonstance, tous les combattants et civils détenus en respectant les Conventions de Genève».
L’Union européenne a émis une déclaration condamnant «le pertes de vies humaines causées par une utilisation de la force disproportionnée des Forces de défense israéliennes et la crise humanitaire qu’elle a aggravée». Mais leur comportement aux Nations unies montre clairement que, lorsque survient le moment crucial, aucune des puissances européennes ne va risquer de se mettre à dos Washington, le véritable parrain des crimes de guerre d’Israël.
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