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La réoccupation
de Gaza: Israël et le «Gros Mensonge»
Par Chris Marsden
12 juillet 2006
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Il n’y a sans doute aucun État moderne qui utilise la
technique de propagande du «Gros Mensonge» de manière aussi éhontée que ne le
fait Israël. Depuis le 6 juillet, Israël a déployé ses forces militaires dans
une opération pour réoccuper le nord de Gaza, tuant ainsi des dizaines de
Palestiniens, incluant des civils, et en blessant beaucoup d’autres.
Des chars d’assaut ont avancé dans la ville de Beit Lahiya,
située au nord, ravageant la terre, les arbres et les maisons. Certains résidents
locaux ont fui. D’autres se cachent, apeurés. Une personne a déclaré à la BBC,
«Nous vivons en pleine guerre. L’armée prend tout pour cible... À cause des
chars d’assaut, il est trop dangereux de se déplacer. Je ne suis pas allé
travailler aujourd’hui. J’ai compté 30 chars, séparés en deux groupes, qui
avançaient durant la nuit. Des hélicoptères les couvraient. Ils ont tué deux
civils ce matin.»
Israël a tenté de justifier la dernière escalade de son
assaut sur Gaza comme une mesure nécessaire pour créer une «zone tampon», à la
suite d’une attaque à la roquette Qassam, le 5 juillet, sur la ville de
Ashkelon, au sud d’Israël.
La roquette a frappé le stationnement d’une école
secondaire, qui était vide au moment de l’impact, causant ainsi de légers dégâts
mais pas de blessés. Le gouvernement israélien et les médias ont aussitôt
présenté cet événement comme un acte majeur d’agression de la part des
Palestiniens.
La roquette a explosé à 10 kilomètres de la frontière de la
Bande de Gaza, la plus grande distance d’une attaque jusqu’à maintenant, et a
montré que les vies de dizaines de citoyens israéliens étaient alors menacées,
a-t-on soutenu. Le scandale a pris de l’ampleur après qu’une deuxième roquette
eut frappé un terrain de sport.
Le premier ministre israélien Ehoud Olmert a ensuite émis
une série de menaces apocalyptiques. L’attaque à la roquette, a-t-il déclaré,
était «une escalade sans précédent», «une importante escalade dans la guerre au
terrorisme dont l’organisation du Hamas est responsable», et une «tentative
pour faire du mal à des civils israéliens qui vivent à l’intérieur des
frontières souveraines d’Israël» qui aura «des conséquences très importantes».
Israël «ne se retiendra pas» dans ses représailles.
Une réunion d’urgence du cabinet fut convoquée, autorisant
ainsi Olmert et le ministre de la Défense et chef du Parti travailliste Amir
Peretz à «poursuivre [leurs] préparatifs en vue de prolonger et faire
progresser leur activité de sécurité... en mettant l’accent sur les frappes des
institutions et des infrastructures qui servent le terrorisme» et «en réduisant
la liberté de mouvement des terroristes en continuant d’isoler la Bande de Gaza».
Zeev Boim, vice-ministre à la Défense, a lancé cette
menace: «Pour ma part, les gens de Beit Hanoun et Beit Lahiya, peuvent
commencer à faire leurs valises.»
Le ton pris par un grand nombre de commentateurs des médias
était tout aussi belliqueux. Le pire fut Zeev Schiff, analyste militaire pour Hareetz,
partisan du Parti travailliste, qui a décrit l’attaque à la roquette comme «une
invitation sans équivoque du Hamas à la guerre».
Comme l’a affirmé de façon célèbre Goebbels, l’art de la
propagande consiste à «mentir gros» et à «s’y tenir». Il n’y a pas de plus
grand mensonge que de présenter la réalité à l’envers. Affirmer qu’Israël ne
fait que réagir à une agression palestinienne nécessiterait plus qu’une
grossière exagération de la menace posée par les roquettes rudimentaires du
Hamas. Cela voudrait dire ignorer tout ce qui s’est passé avant le 4 juillet.
Israël mène une campagne inégale et de plus en plus
sanglante contre les Palestiniens depuis qu’il a envahit le sud de Gaza le 28
juin, sous prétexte d’obtenir la libération du caporal Shalit. L’attaque à la
roquette sur Ashkalon est survenue une semaine après qu’Israël eut affirmé
clairement son intention de provoquer la chute de l’Autorité palestinienne,
dirigée par le Hama, et d’infliger un châtiment collectif aux Palestiniens afin
de mettre un terme à toute résistance au plan d’Olmert d’annexer près de la
moitié de la rive ouest.
Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont rassemblé huit
ministres du Hamas, au moins un tiers du conseil des ministres palestinien, et
près de deux douzaines de législateurs sur la rive ouest. Le vice-premier
ministre Shimon Peres a affirmé qu’ils seraient jugés pour terrorisme.
Les FDI ont bombardé à deux reprises les bureaux du premier
ministre Ismail Haniya et ont menacé d’assassiner le chef politique du Hamas,
Khaled Meshaal, ainsi que d’autres exilés à Damas. Voilà deux semaines, des
chasseurs israéliens ont volé tout près du palais du président Bashar Al-Assad
à Damas et Olmert a menacé la Syrie de représailles militaires.
Des milliers soldats bien armés ont été massés contre un
peuple vivant dans la misère et des militants possédant à peine plus que des
carabines, réduits à menacer de se faire exploser contre des chars d’assaut.
Israël conduit des attaques aériennes quotidiennes sur les
infrastructures déjà délabrées de Gaza, détruisant les routes, les ponts, et sa
seule centrale énergétique. Avec l’aide de l’Égypte, Israël a fermé toutes les
frontières afin d’empêcher quiconque de trouver répit face au châtiment
collectif subi par la population civile.
S’adressant à la BBC, un résident du camp de réfugiés de
Nuseirat, dans le centre de la Bande de Gaza, a parlé de la catastrophe
humanitaire qui pointait à l’horizon. Mahmoud Mughari, 40 ans, a déclaré: «La
semaine dernière, nous avions de l’électricité tout le temps, maintenant,
seulement huit heures par jour. Avant, nous avions de l’eau deux jours sur
trois, maintenant, nous en avons que pour quatre heures à chaque trois jours...
Je m’inquiète pour les enfants, je suis inquiet à propos des maladies.»
Parlant de l’utilisation par Israël de chasseurs volant à
basse altitude pour causer des bangs supersoniques, il ajouta: «Les plus jeunes
enfants ne comprennent pas que les bangs supersoniques ne sont que du bruit. Ma
fille de quatre ans, Mai, pense que c’est une explosion et se réveille en
criant, et me rejoint dans ma chambre.»
Ces actions-ci constituent véritablement une «invitation
sans équivoque à la guerre»: une guerre d’agression illégale menée par un
régime qui se présente cyniquement en tant que victime.
Israël a un avantage que n’avaient pas les régimes
précédents, comme les Nazis, qui ont utilisé le Gros Mensonge comme pièce
maîtresse de leur politique étrangère: ses mensonges sont acceptés par les
États-Unis et les puissances européennes. Washington fut en mesure, comme à
l’habitude, de bloquer une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU
condamnant l’incursion d’Israël dans Gaza, en usant de son veto. Mais
Washington n’a pu annuler la proposition d’une résolution condamnant le
châtiment collectif des Palestiniens au Conseil des droits humains des Nations
unies, récemment constitué.
La résolution, qui fut proposée par les États islamiques, a
exprimé «la grande inquiétude à propos des violations des droits humains du
peuple palestinien causées par l’occupation israélienne, y compris les
opérations militaire israéliennes actuelles de grande envergure.»
Elle a recommandé vivement à «Israël, force occupante, de
libérer immédiatement les ministres palestiniens arrêtés... et tous les autres
civils palestiniens qui ont été arrêtés» et a exigé «des négociations pour
résoudre la présente crise».
29 des 47 États membres du conseil ont appuyé la
résolution, 11 ont voté contre, 5 se sont abstenus et 2 étaient absents. Parmi
ceux qui se sont opposés à la résolution se trouvaient la Grande-Bretagne, la
France et l’Allemagne.
Le représentant des États-Unis à l’ONU à Genève, Warren
Tichenor, a qualifié la résolution «d’effort exagéré pour cibler et s’en
prendre uniquement à Israël».
Les États européens ont justifié leur opposition à la
résolution par des affirmations du même type qu’elle ne faisait pas la part des
choses. Et ce, malgré des amendements exigeant que «toutes les parties
concernées respectent les règles du droit international humanitaire et
s’abstiennent de violence contre des civils» et que les deux parties «traitent,
en toute circonstance, tous les combattants et civils détenus en respectant les
Conventions de Genève».
L’Union européenne a émis une déclaration condamnant «le
pertes de vies humaines causées par une utilisation de la force
disproportionnée des Forces de défense israéliennes et la crise humanitaire
qu’elle a aggravée». Mais leur comportement aux Nations unies montre clairement
que, lorsque survient le moment crucial, aucune des puissances européennes ne
va risquer de se mettre à dos Washington, le véritable parrain des crimes de
guerre d’Israël.
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