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Le 29 juin, 10.000 étudiants, enseignants, lycéens et parents venants des quatre coins du Land de Hesse ont manifesté à Wiesbaden contre le projet du gouvernement régional chrétien-démocrate (Union chrétienne démocrate - CDU) d’introduire des frais d’études s’élevant à 500 euros par semestre. Un montant de 1.500 euros par semestre est prévu pour les études de doctorat, une deuxième filière d’études ou pour les étudiants étrangers hors Union européenne. La loi devrait être soumise au parlement régional de Hesse en juillet.
La manifestation de Wiesbaden avait lieu dans le cadre d’une journée d’action nationale organisée contre les études payantes. A Hambourg, 3.500 étudiants protestaient également contre la municipalité CDU qui avait décidé le même jour d’introduire des frais d’études de 500 euros par semestre.
Jusque-là, cela avait été la Bavière, le Bade-Wurtemberg, la Rhénanie-du-Nord/Westphalie et la Basse-Saxe, tous des Länder gouvernés par la CDU, qui avaient introduit ou décidé d’introduire des frais d’études.
La journée d’action de Wiesbaden était le point culminant d’une campagne menée par les étudiants depuis près de deux mois dans l’ensemble des universités de Hesse. La campagne avait débuté après que le gouvernement régional de Hesse se soit décidé, le 5 mai, à introduire les frais d’études en dépit du fait que la constitution du Land de Hesse garantisse une éducation scolaire et universitaire gratuite.
Il ne s’est pas passé de journée depuis sans que des assemblées générales comptant des milliers d’étudiants et que des protestations n’aient lieu quelque part en Hesse. A Marburg, les bureaux administratifs de l’université furent occupés durant plusieurs jours et, à Francfort et à Marburg, des autoroutes, des lignes de tramway et des carrefours importants furent bloqués.
Le ministre des Sciences et des Arts du Land de Hesse, Udo Corts, a déclaré que l’introduction de frais d’études pour les étudiants était « raisonnable » car la nouvelle législation permettait à ces derniers de contracter des emprunts destinés à financer leurs études et remboursables une fois les études terminées.
Le financement des frais d’étude par un emprunt servit également de justificatif au gouvernement du Land de Hesse pour l’introduction de ces frais alors que la constitution de Hesse stipule le contraire. Le gouvernement régional avait obtenu à cet effet un rapport d’expert d’un spécialiste en droit public de Berlin, Christian Comte Pestalozzo. Le porte-parole de l’Education du SPD (Parti social-démocrate), Michael Siebel, a commenté ainsi la procédure suivie par le gouvernement régional CDU: « un rapport d’expert commandé qui a mené à un résultat commandé ».
Les étudiants du CROUS local et les opposants aux études payantes rejettent le principe les frais d’études comme étant antisocial et discriminatoire et menant à une sélection sociale, à un prolongement de la durée des études et à ce que les jeunes, notamment ceux issus de couches sociales défavorisées se découragent de faire des études par peur de s’endetter.
Le CROUS local conclut en dernière analyse qu’il « devient de plus en plus cher et de plus en plus compliqué » de poursuivre des études en Allemagne. Plus d’un quart des étudiants doit survivre avec moins de 600 euros par mois, a déclaré Hans-Dieter Rinkens, le président du CROUS. « C’est pourquoi, une dépense de 500 euros de plus par mois représente pour les étudiants plus qu’une simple bagatelle. »
De nombreux participants à la manifestation de Wiesbaden proclamaient sur leurs pancartes et leurs banderoles que l’éducation était un droit fondamental. Une banderole disait : « Contre les frais d’études – pour l’éducation comme droit de l’homme ». Sur une autre banderole on pouvait lire : « Cherche parents adoptifs riches ». Une autre encore qualifiait Roland Koch, le ministre-président de la Hesse, de « Bourreau au pays des poètes et des penseurs ».
L’orateur principal de la manifestation, le président de l’association nationale des étudiants allemands (ASTA) de l’université de Giessen, Umut Sönmez, décrivit les projets du gouvernement régional comme un « défi » et qui devait être traité conformément. Il accusa le gouvernement régional et le ministre-président Koch de vouloir détruire l’égalité des chances en appelant à lutter contre l’ensemble de l’orientation politique du gouvernement. « C’est pourquoi nous ne devons pas seulement empêcher l’introduction des frais d’études, non, nous devons étendre davantage l’égalité des chances. »
En Autriche, les expériences faites par les étudiants ont montré que les inscriptions des étudiants en université ont immédiatement baissé de 15 pour cent et que moins d’étudiants issus de familles modestes s’étaient inscrits.
Sönmez rejeta l’argument des partisans des frais d’études selon lequel l’argent reviendrait aux universités et aux étudiants et amélioreraient les conditions des études. Ceci ne pourrait être le cas que pendant une courte durée, dit-il. A long terme, en raison des difficultés budgétaires des Länder, le financement public serait obligatoirement réduit.
Selon le Frankfurter Zeitung, des exemples en provenance d’autres pays, montrent certes, qu’à court terme, l’introduction de frais d’études pourrait améliorer la situation financière des universités, à long terme cependant, elle occasionne un véritable changement de paradigme, délaissant le financement public en faveur du financement privé.
Bien que les milieux politiques affirment qu’une bonne éducation est la clé de tout développement futur, les chiffres de l’Institut national de la Statistique montrent que le financement public de l’éducation n’a cessé de baisser depuis 2002.
Dans la nuit du 22 juin, la police de Hesse a monté une provocation massive contre les manifestations étudiantes. Au début des manifestations elle avait fait preuve d’une certaine retenue. Avec le démarrage de la Coupe du monde de football elle chercha à intimider de plus en plus le mouvement de protestation. Le président de la police de Francfort menaça ouvertement de traiter les manifestants comme des criminels.
Après que des manifestations eurent lieu à nouveau après le 21 juin, deux escadrons de police dispersèrent violemment une fête de la solidarité qui avait lieu dans la Maison des étudiants sur le campus de l’université de Francfort. Ils interpellèrent 47 personnes, y compris le concierge de la Maison des étudiants, leur passant des menottes en plastique, les retenant au poste de police pendant dix heures et en prélevant leurs empreintes digitales.
Le prétexte avancé par la police était que deux vitres d’une librairie et d’une agence de voyages avaient été brisées dans le voisinage et qu’elle devait procéder à un contrôle d’identité des participants à la fête.
La police accorda tout d’abord au président de l’association nationale des étudiants allemands, Amin Benaissa, qui fut immédiatement alerté, un ultimatum de cinq minutes pour arrêter la fête. Alors que les pourparlers étaient encore en cours, la police donna l’ordre d’évacuer les lieux. Elle n’était nullement intéressée à une solution négociée déclara Benaissa. Il qualifia l’intervention de la police d’« attaque délibérée contre le mouvement » et de « provocation ». De nombreux étudiants partagent cet avis.
Des reporters du World Socialist Web Site parlèrent à des étudiants lors de la manifestation de Wiesbaden :
Andreas, est étudiant en sociologie à Mayence et habite à Francfort.
« Je suis au courant des manifestations qui se sont passées la semaine passée à Francfort. Je dois dire, que la façon de plus en plus répressive avec laquelle la police applique, à la veille de la Coupe du monde de football, les soi-disant précautions sécuritaires, l’intensification de ses menaces et la prise d’assaut du Café des étudiants dans la Maison des étudiants de Francfort n’est, d’après moi, pas digne de la démocratie que nous sommes supposés avoir ici.
Ceci n’a plus rien à voir avec le fait de maintenir un consensus social de base. Lorsque je vois comment, au mépris de la constitution en vigueur en Hesse, des frais d’études sont introduits, lorsque je vois comment le droit fondamental de la liberté de manifester est foulé aux pieds par le président de la police et le ministre de l’Intérieur, je me demande vraiment, qui met en question le consensus social de base. Ce ne sont pas les étudiants, mais le gouvernement régional et le chef de la police.
J’avoue que cela me chagrine profondément. L’on fait tout simplement comme si les étudiants étaient les méchants qui veulent faire du mal. En réalité c’est le contraire. »
Manuel est étudiant en chimie et Daniel en sciences politiques à Francfort
« Si lesdits frais d’études étaient introduits, cela allongerait considérablement la durée de nos études, vu que nous devons tout financer au moyen de petits boulots. Et cela va aux dépens des études. Un prêt social à un taux d’intérêt de 7,5 pour cent est tout à fait éhonté alors qu’il est tout à fait possible de se procurer un financement bien plus avantageux pour l’achat d’une voiture. C’est une option tout à fait inacceptable, ce n’est pas social, comme l’exige d’ailleurs la constitution du Land de Hesse. Dans cette optique, ceci représente même à mon avis une violation de la constitution.
Je vois un lien avec la France ou bien avec la situation dans le monde en ce que tout est de plus en plus intensément soumis aux lois du marché, que tout est orienté vers le marché. On oublie souvent que l’économie est là pour les hommes et pas le contraire. Je vois tout simplement un lien dans les agissements des politiciens. Je ne discerne pas encore d’unité par-dessus les frontières, mais j’espère que cela viendra. »
Hannes étudie le journalisme, les sciences de l’éducation et des sports à Leipzig
« Nous sommes venus de Leipzig avec un groupe d’environ 60 personnes. Nous manifestons pour une éducation gratuite et pour dire non aux frais d’études.
Les étudiants de Leipzig déclarent leur solidarité avec les étudiants qui sont pour l’instant touchés ou risquent d’être touchés par les frais d’études. Et nous sommes même convenus d’aller plus loin, de non seulement déclarer notre solidarité de façon symbolique, mais de participer activement aux manifestations. Il est tout à fait prévisible qu’au fur et à mesure que les frais d’études seront introduits dans les Länder environnants, la pression augmentera au sein du gouvernement de Saxe d’en faire de même. De ce fait, nous sommes tributaires d’une interconnexion des manifestations étudiantes au niveau fédéral.
Il existe certainement des similarités avec la France pour ce qui est des formes de protestation et de leur organisation. En principe, la structure française est telle qu’il est possible de manifester plus rapidement et plus spontanément. La vague de protestation en France a déferlé par-dessus la frontière, on a pu s’en apercevoir, notamment en Rhénanie-du-Nord/Westphalie et en Hesse. Des manifestations massives s’y sont produites mais il fut relativement difficile d’organiser une mobilisation au niveau national. C’est pourquoi j’espère que la manifestation de Wiesbaden et aussi celle de Hambourg auront un très grand succès et que dans cette perspective la manifestation du 6 juillet à Francfort sera un grand succès. »
Konstantin, étudiant en sociologie à Mayence
« Nous venons tout juste de franchir le pont Theodor Heuss. Je viens d’être stoppé par la police qui m’a obligé à décliner mon identité et, pour la simple raison que j’avais un mégaphone en main, je fus tout de suite traité de meneur.
Ensuite, alors que je tenais mon téléphone mobile envoyer un court message, il me fut confisqué par la police qui invoqua, pour se protéger, le « droit à sa propre photo » [droit de la personnalité]. Après que la police n’ait trouvé aucune trace de photo, elle me restitua mon téléphone en me présentant des excuses. Je crois que les forces de l’ordre sont très, très nerveuses. Elles ont peur et elles sont incertaines.
Nous espérons que la police restera calme aujourd’hui. Nous sommes des étudiants qui veulent simplement ne pas à avoir à payer pour nos études et pour notre éducation en général. Telles sont nos revendications. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui et recourons à notre droit fondamental qui est la liberté de manifester. Nous ne pouvons pas comprendre pourquoi l’on traite des manifestants pacifiques avec une telle dureté. »
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