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L’état de l’économie mondiale laisse perplexe la banque des banquiers Par Nick Beams 1er juillet 2006 Utilisez
cette version pour imprimer Dans un courriel envoyé récemment au WSWS,
une lectrice a tracé un contraste entre ce qu’elle a qualifié de «situation
explosive» en Chine, «économie non réglementée à l’intérieur d’une
dictature», et les États-Unis, où l’économie est «réglementée, libre et gérée
par les meilleurs cerveaux». Même si ce n’est pas toujours affirmé aussi
abruptement, le point de vue exprimé ici est assez répandu; à savoir que bien
qu’il puisse y avoir des problèmes dans ce que l’on pourrait appeler les franges
de l’économie mondiale, le coeur est essentiellement en santé et fonctionne
sous l’oeil attentif des banquiers centraux et des régulateur financiers, prêts
à intervenir si nécessaire. Quiconque souscrit à un tel point de vue
ferait bien d’examiner le rapport annuel de la Banque des règlements
internationaux (BRI) publié cette semaine. Mise sur pied à la fin des années 20
pour organiser les paiements de réparation de l’Allemagne à la suite de la première
Guerre mondiale, la BRI est unique dans le monde de la finance. N’étant rattachée
à aucune autorité banquière nationale en particulier et fonctionnant comme une
sorte de «banque des banquiers centraux», elle fournit souvent des analyses de
l’économie mondiale que l’on ne peut retrouver nulle part ailleurs. Les principaux commentaires de presse sur
le rapport de la BRI de cette année ont mis l’accent sur les remarques du
directeur général Malcolm Knight que les taux d’intérêts devront être resserrés
davantage. «Il serait imprudent», a-t-il soutenu, «de compter sur une
joyeuse combinaison de forte croissance et de faible inflation qui durerait
indéfiniment. À un certain point, les banques centrales pourraient avoir à agir
plus fermement sur les taux directeurs qu’elles ne l’ont fait ces dernières
années.» Un des principaux thèmes du rapport était
que, même si la récente période de faible inflation résultant de la
mondialisation a été bénéfique, le régime de faibles taux d’intérêt qui a suivi
pourrait avoir créé d’autres problèmes comme l’inflation du prix des actifs et
des déséquilibres commerciaux mondiaux. Ces problèmes sont abordés de manière assez
détaillée dans la conclusion du rapport. Et ce qui est clair est que, loin de
fonctionner sous l’œil régulateur des «meilleurs cerveaux», les marchés
financiers sont tourmentés par une série de contradictions que les banquiers
centraux ne comprennent pas vraiment et savent encore moins contrôler. Par exemple, le rapport note que la
réduction de l’écart entre les taux d’intérêt sur les actifs sûrs et sur les actifs
plus risqués «demeure un casse-tête», que la montée soudaine des prix des
actions et des maisons à l’échelle mondiale «semble difficile à concilier avec
les grandes différences dans les perspectives de croissance interne», et que
«l’explosion de fusions et d’acquisitions, particulièrement en Europe, semble
aussi difficile à comprendre». Comme beaucoup d’autres institutions
financières, la BRI insiste que les déséquilibres mondiaux actuels, par dessus
tout le déficit croissant du compte courant des États-Unis et l’accumulation
prolongée de devises étrangères par la Chine et les économies de l’Asie de
l’Est, ne peuvent être maintenus à long terme. Toutefois, «étant donné la
complexité de la situation et les connaissances limitées que nous an avons, il
est extrêmement difficile de prédire ce qui pourrait arriver». Un scénario possible est celui d’un «boum»
de turbulence sur les marchés. Un autre serait celui d’un «gémissement» sur une
longue période de faible croissance. Il y a un certain nombre de possibilités qui
pourraient déclencher un « bang » sur le marché, y compris le
resserrement des taux d’intérêt, une loi protectionniste ayant trait à la Chine
ou aux exportateurs de pétrole du Moyen-Orient ou l’effondrement soudain d’une
grande firme avec d’importants intérêts financiers. Mais ce pourrait être
quelque chose qui serait entièrement différent puisque, comme le rapport le
souligne, «les éléments déclencheurs de la plupart des crises financières que
nous avons connues dans les dernières dizaines d’années ont presque toujours
été inattendues». Un des principaux problèmes posés à ceux
qui aimeraient plus de régulation est l’expansion exponentielle des marchés
financiers au cours des dernières années, particulièrement parce que les opérations
des fonds spéculatifs (Hedge Funds) et l’utilisation encore plus courante des
produits dérivés. Ce sont des contrats qui par leur nature impliquent la
spéculation sur le mouvement des taux d’intérêt, des taux de change, du prix
des actions et les cotes de crédit entre autres indices. Il s’en suit qu’il y a
«plusieurs raisons» d’inquiétude quant au marché. «Dans les pays les plus
industrialisés, il y a plusieurs nouveaux participants sur les marchés
financiers et plusieurs nouveaux produits financiers, de plus en plus complexes
et opaques. La liquidité du marché dans ce nouvel environnement n’a toujours
pas été testée.» En d’autres mots, alors que l’utilisation
de produits dérivés complexes est supposée amoindrir les perturbations
financières en répartissant le risque, personne ne sait vraiment si tel est le
cas. En fait, des liens financiers complexes et mondiaux signifient que les
problèmes dans un secteur peuvent s’amplifier, plutôt que diminuer, alors que
les échanges se développent à travers le monde. Aussi, «il existe une
probabilité raisonnable que si un marché devait être particulièrement éprouvé,
alors les problèmes se répandent aux autres». Se tournant spécifiquement vers la Chine,
la BRI note que «la principale
inquiétude est que du capital mal alloué doive à la longue se manifester par
une diminution des profits et que ceci ait un impact sur le système bancaire,
les autorités fiscales et les perspectives de croissance de façon plus
générale. Après une longue période d’expansion alimentée par le crédit, ce
serait là un dénouement classique.» Un tel résultat, continue la BRI, «pourrait avoir des effets encore plus
importants sur les pays industrialisés qu’il est présentement admis» et
pourrait présenter «un grand défi tant pour le secteur public que le secteur
privé». La BRI conclut que l’économie mondiale ne
fait pas seulement face à des «incertitudes normales» associées à la réponse
aux pressions inflationistes, mais aussi à des problèmes hérités des
circonstances de la dernière décennie. La hausse de l’offre mondiale (une
production élargie en Chine et l’intégration des anciennes «économies fermées»
au marché mondial), associée à une demande traînant de la patte dans toutes les
grandes économies, sauf aux États-Unis, ont mené à une dépendance excessive sur
une politique d’assouplissement monétaire pour chercher à combler cet écart. De plus, toute menace planant sur les taux
de croissance mondiale durant cette période a été contrée par une baisse des
taux d’intérêt. Ceci a mené à une accumulation progressive de la dette au
niveau de l’entreprise et des ménages, ce qui signifie qu’un resserrement des
taux d’intérêt est maintenant plus risqué, tandis que tout assouplissement a
moins de chance de faire effet. La BRI préconise un «plus grand esprit de
coopération» entre les gros joueurs de l’économie mondiale, ce qui, «avec un
peu de chance, pourrait suffire à nous faire éviter les écueils qui sont
toujours en avant de nous». Bien que l’on reconnaisse le besoin d’une
coopération accrue, c’est toutefois une autre histoire de la mettre en place. Les
problèmes peuvent être de nature globale, mais les intérêts nationaux
conflictuels des grandes puissances capitalistes demeurent décisifs. «Les lois nationales qui gênent le partage
international d’informations critiques dans le temps demeurent un important
obstacle à la gestion de crise. Et, fait peut-être plus important, il n’y a
aucun accord sur un partage international du fardeau en cas de problème. Que ce
soit la garantie sur les dépôts, les mécanismes d’urgence pour accroître les
liquidités, ou la restructuration d’un banque active à l’échelle
internationale, les coûts résultants seraient substantiels. Sans un accord
préalable sur la répartition de tels coûts, une gestion de crise efficace
pourrait être facilement gênée par des autorités nationales agissant
conformément à ce qu’elles considèrent comme leurs propres intérêts nationaux.» Autrement dit, loin de voir les «meilleurs
cerveaux» travailler ensemble pour diriger l’économie mondiale vers des eaux
plus calmes, une crise économique mondiale pourrait mener à un effondrement de
toute collaboration et à un conflit de chacun contre tous.
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