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La tournée de Blair au Moyen-Orient : Vive la guerre!

Par Chris Marsden et Julie Hyland
22 décembre 2006

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La tournée du premier ministre britannique Tony Blair au Moyen-Orient lui a offert l’occasion d’appuyer un putsch constitutionnel par le président Mahmoud Abbas au risque d’une guerre civile en Palestine, de présenter des plans pour une augmentation importante du nombre des soldats en Irak et d’ouvrir la voie aux hostilités contre l’Iran.

Blair a fait la preuve qu’il s’est aligné avec les néo-conservateurs de l’administration Bush pour rejeter les propositions du Groupe d’étude sur l’Irak (GEI) de réduire la présence militaire américaine en Irak et pour obtenir la coopération de l’Iran et de la Syrie.

Les porte-parole et les apologistes de Blair ont fait grand cas du fait que le GEI a repris à son compte les déclarations souvent répétées par le premier ministre britannique que la résolution pacifique du conflit israélo-palestinien était essentielle à la stabilisation du Moyen-Orient. Parfois, ils attiraient aussi l’attention sur les déclarations indiquant des différences entre Blair et l’administration Bush sur la possibilité d’un dialogue avec la Syrie et possiblement l’Iran.

Encore une fois, toutefois, lorsqu’il s’agit de passer aux actes, la politique étrangère de Blair est dictée par les sections le plus à droite de l’élite dirigeante américaine. Et ce n’est pas la recherche de la « paix » en Palestine qui détermine la politique au Moyen-Orient, c’est plutôt la politique de la conquête et de la subjugation impérialiste de toute la région qui dictent ce qui se passe dans les territoires occupés.

Même avant son départ pour la capitale turque d’Ankara, Blair insistait déjà qu’il agissait de facto en tant qu’envoyé de Bush. Durant une conférence de presse à Downing Street, Blair a explicitement rejeté toute possibilité de pourparlers avec l’Iran et toute suggestion que son attitude envers Téhéran différait de celle de l’administration Bush.

« L’Iran cause délibérément le maximum de problèmes pour les gouvernements modérés et pour nous dans la région — en Palestine, au Liban et en Irak » a dit Blair. De plus, a-t-il continué, « ce serait une perte de temps » que d’essayer d’impliquer l’Iran ou la Syrie « à moins qu’ils soient prêts à être constructifs ».

« Je ne crois qu’il y ait rien à gagner à cacher le fait que l’Iran est une menace stratégique majeure à la cohésion de la région dans son ensemble », a-t-il dit.

Plus tard, dans une conférence de presse dans la capitale égyptienne du Caire, il a dit qu’il croyait « que les gens avaient monté cette question [le dialogue avec l’Iran et la Syrie] en épingle ». Il y a, dit-il, un « point de vue courant » selon lequel « que ce soit en Irak avec les milices, ou bien le Liban tentant de miner le gouvernement de Siniora ou encore les éléments les plus extrêmes du Hamas en Palestine, alors l’Iran semble considérer que son but est de faire dérailler les chances de stabilité, de paix et de démocratie ».

Même si Blair a réitéré sa position qu’il ne croyait pas « que vous pouvez traiter l’Iran et la Syrie comme étant exactement les mêmes », c’est pourtant bien ce qu’il a fait en pratique. Dans sa tournée, il a résolument évité Damas.

Blair a endossé l’appel du premier ministre turc Tayyip Erdogan pour ce qu’il a nommé « une alliance des civilisations, en d’autres mots, une sorte d’alliance de la modération contre les extrémistes ». Une fois encore, Blair a seulement inventé un nouveau sophisme pour décrire ce que Bush a exprimé plus crûment en terme de lutte entre « le bien et le mal ».

L’alliance dont il parle est en une entre les impérialismes américain et britannique ainsi que tous ceux qui sont prêts à être leur mandataire dans la région. Blair sait que les Etats-Unis peuvent compter sur Israël et espère que la Turquie et l’Egypte peuvent apporter un soutien solide. Toutefois, ses discussions avec Ankara, Le Caire et Israël ont été en grande partie réalisées derrière des portes closes.

Il a le plus ouvertement embrassé Abbas en tant que supposé partenaire de son « alliance de la modération ». Blair était aux côtés du président palestinien pour endosser son appel pour des élections précipitées de l’Autorité palestinienne visant à renverser le gouvernement dirigé par le Hamas qui a obtenu le pouvoir en janvier avec un fort mandat populaire.

Blair a appelé la « communauté internationale » à soutenir Abbas. « Personne ne doit avoir un droit de veto sur le progrès », a-t-il déclaré en faisant référence au Hamas. Se tournant vers Abbas, il a ajouté : « Votre peuple souffre. Nous ne voulons pas que quoi que ce soit empêche que le peuple palestinien soit aidé. »

Difficile d’imaginer une déclaration plus cynique. Durant des mois, la Grande-Bretagne a appuyé les efforts des Etats-Unis, qui ont aussi été appuyés par l’Union européenne (UE), visant à imposer des sanctions globales aux Palestiniens pour qu’ils se soumettent et à fomenter la guerre civile. Cela est en particulier réalisé par Israël et son refus de payer les taxes qu’il doit à l’Autorité palestinienne et qui sont essentielles pour payer les salaires de ses employés du secteur public.

Maintenant, Blair tente d’exploiter la situation qu’il a aidé à créer pour justifier une abrogation de la démocratie par décret présidentiel. Il appuie un homme qui est correctement perçu, de la même façon que lui, comme étant à peine plus qu’un pantin de Washington, et il appuie aussi une action à laquelle s’opposent non seulement le Hamas mais aussi la plupart des autres factions palestiniennes et une section significative des membres du Fatah lui-même.

Farouk al-Qaddoumi, qui dirige le département politique de l’Organisation de libération de la Palestine, a déclaré que « tenir des élections anticipées en Palestine est impossible car cela augmenterait les tensions parmi les Palestiniens et servirait les intérêts d’Israël ».

Dirigeant du Fatah, Moustafa Barghouti, a qualifié d’« erreur » la proposition d’élections anticipées, ajoutant qu’« il ne peut y avoir d’élection si le peuple n’accepte pas cette élection ». Parlant de Blair, « Il se range déjà d’un côté. Il est du côté d’Abou Mazen [Abbas]. » Barghouti a été l’un des principaux auteurs des efforts politiques visant à défendre un accord entre le Fatah et le Hamas qui a été saboté par Israël de façon opportune en lançant une série d’attaques militaires, qui ont culminé par l’opération « Pluie d’été ».

Blair n’a pas besoin de se faire dire que les propositions d’Abbas n’ont rien à voir avec une résolution démocratique du conflit au sein de l’Autorité palestinienne. Il se prépare sciemment pour la guerre civile.

A cette fin, Blair a suggéré une série de mesures pour canaliser de l’argent vers les coffres d’Abbas afin de financer les milices sous son contrôle. Le Guardian a mentionné qu’un montant de l’ordre de 26 millions $US serait nécessaire pour développer la garde de sécurité d’Abbas. Blair demande l’aide de l’UE mais il a aussi soulevé la question durant ses pourparlers avec le premier ministre israélien Ehoud Olmert. Il a insisté pour que le gouvernement d’Olmert redonne les 65 millions $US par mois qu’il a retenus pendant 10 mois en trouvant le moyen de contourner le gouvernement dirigé par le Hamas.

L’Economist a rapporté le 4 novembre que les Etats-Unis finançaient un « camp d’entraînement » près de la ville de Jéricho en Cisjordanie pour les nouvelles recrues de la garde présidentielle d’Abbas dans le but de développer cette dernière pour qu’elle devienne possiblement une force de dizaines de milliers de combattants qui pourraient attaquer le Hamas.

Blair prête aussi main-forte aux préparatifs d’un massacre en Irak. Durant une visite à Bagdad, en plus d’un arrêt à Basra, Blair a rencontré le premier ministre Nouri al-Maliki. Lors d’une autre conférence de presse, Blair a publiquement rassuré Maliki que la Grande-Bretagne, qui a 8000 troupes déployées au pays, demeurait « fermement » derrière son gouvernement et n’envisageait pas « un changement de notre politique ».

 « Soyez sans crainte, les troupes britanniques vont rester tant que la tâche n’est pas terminée », a-t-il affirmé.

Précédemment, le gouvernement avait indiqué qu’il prévoyait retirer graduellement ses troupes d’Irak à partir du printemps prochain. L’affirmation de Blair que la politique britannique « demeure inchangée » veut dire plus que seulement revenir sur cet engagement. Le gouvernement considère au contraire envoyer plus de soldats en Irak.

Les reportages dans la presse britannique notent que l’administration Bush est peut-être en train d’endosser la proposition du général Jack Keane, un ancien vice-chef de l’état-major de l’armée, et de Frederick Kagan, de l’Institut américain de l’entreprise, de déployer 50 000 soldats additionnels en Irak. Le plan débuterait par la déclaration, « La victoire est toujours une option. »

Commentant les discussions de Blair avec Maliki, l’édition du 18 décembre du Daily Mirror britannique citait la « taupe No 10 » : « Si les Etats-Unis y mettent le paquet et déploient beaucoup plus de troupes, alors nous serons peut-être bien obligés de suivre. Ce n’est pas ce que à quoi tout le monde s’attendait ou voulait, mais la situation ne s’améliore pas comme nous l’espérions. »

La visite de Blair en Turquie et ses tentatives d’obtenir l’allégeance d’Ankara dans la lutte contre « l’extrémisme » doivent être considérées comme un signal d’avertissement de l’ampleur de la conflagration qui se prépare.

La Turquie est courtisée par les deux factions en lutte à Washington pour déterminer la politique étrangère américaine et par les diverses puissances européennes. Blair tentait de rallier Ankara au plan de l’administration Bush visant à relancer l’offensive militaire contre l’Irak.

Mais la préoccupation principale de la Turquie est le possible éclatement de l’Irak et les tentatives d’accorder aux Kurdes irakiens plus d’autonomie qui pourrait mener à l’établissement d’un Etat kurde. Particulièrement préoccupant pour Ankara est l’avenir de la région de Kirkouk, riche en pétrole, et qui pourrait fournir le financement nécessaire à l’insurrection kurde qui traversait inévitablement la frontière turque. La Turquie a récemment massé un quart de million de soldats le long de sa frontière avec l’Irak et a multiplié les avertissements contre toutes mesures qui renforceraient les Kurdes irakiens, et menacé sa propre population kurde de 15 à 20 millions de personnes. Si de telles hostilités devaient éclater, cela pourrait être pire que le bain de sang irakien.

Blair affronte également de graves difficultés pour son gouvernement au pays. Comme sa tournée du Moyen-Orient se terminait, l’influent groupe de réflexion Chatham House publiait un rapport déclarant que le « désastre » irakien et la « débâcle » d’après-guerre ont endommagé l’influence globale de la Grande-Bretagne. Il déclare que le successeur de Blair aura à revoir le rôle de la Grande-Bretagne au sein de l’UE afin de se distancer des Etats-Unis.

Il existe une insatisfaction inassouvie qui se concentre sur la politique étrangère de Blair et son alliance avec les Etats-Unis. Dans ces conditions, considérer engager plus de troupes britanniques en Irak, s’aligner sur Abbas et de faire des menaces belliqueuses contre l’Iran est dangereux à l’extrême.

L’Independent décrivait les commentaires de Blair sur l’existence de la démocratie en Irak de « Stupéfiante indifférence pour la vérité.... Ce qui a été créé en Irak est un état d'anarchie meurtrière. »

En fait, il n’y a pas de véritable gouvernement en Irak derrière lequel la Grande-Bretagne peut se tenir « fermement debout » et la situation n’était « guère mieux dans le reste de la région ».

« La mission hautaine de Blair de remettre de l’ordre dans le monde, en se superposant à la puissance militaire américaine, a provoqué plus de misère pour la population du Moyen-Orient, ternie la réputation internationale de la Grande-Bretagne et augmenté la menace islamiste contre chacun de nous », avertissait-il.

(Article original anglais publié le 20 décembre 2006)

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