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Les ouvriers de Volkswagen-Wolfsburg solidaires de leurs collègues de Bruxelles

Par Marianne Arens
8 décembre 2006

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La grève menée par les travailleurs de Volkswagen à Bruxelles-Forest contre la destruction de 4.000 emplois et la menace de fermeture totale de l’usine entre dans sa troisième semaine. Avec l’arrêt de la production de la Golf dans cette usine située dans le sud-ouest de Bruxelles et ses répercussions sur les entreprises sous-traitantes c’est l’existence de 13.000 familles qui est en jeu. Aujourd’hui samedi a eu lieu une manifestation de travailleurs de Volkswagen venus aussi d’autres pays européens.

Le conseil général d’entreprise de Volkswagen s’est donné pour mission d’imposer la décision de la direction et d’isoler la résistance des ouvriers. Depuis que Klaus Volkert, l’ancien dirigeant du conseil général d’entreprise de la société est en garde a vue pour corruption et « risque d’entrave à l’action de la justice » et que dix autres membres du même conseil d’entreprise ont été mis en examen, il n’y a plus de doute possible quant au fait que cet organisme s’est littéralement « vendu » à la direction. Volkert avait à lui seul encaissé près de 700.000 euros en 2002.

Le nouveau chef du conseil général d’entreprise, Bernd Osterloh et Michael Riffel, le secrétaire général du conseil européen d’entreprise discutent depuis des jours avec la direction de Volkswagen, le gouvernement belge de Guy Verhofstadt et les dirigeants syndicaux de Bruxelles. Ils essaient de faire accepter aux travailleurs des projets d’«emplois de remplacement », de « retraites anticipées » ou de licenciements « socialement acceptables » afin de les détourner d’une lutte de principe pour la défense de tous les emplois.

La proposition de construire à Bruxelles dans un avenir lointain une voiture Audi au lieu de la Golf ne fait que montrer que, pour les membres des conseils d’entreprise, le transfert de production de la Golf est une chose décidée depuis longtemps. Une telle proposition signifie aussi que des emplois seront détruits dans d’autres usines, par exemple en Espagne. Elle doit être fermement rejetée.

La décision de transférer la production de la Golf dans les usines allemandes de Wolfsburg et de Mosel est directement liée à l’approbation par les conseils d’entreprise de Volkswagen en Allemagne d’une forte augmentation, non rémunérée, du temps de travail. Depuis le mois de novembre, les ouvriers de Volkswagen en Allemagne doivent travailler plus de quatre heures supplémentaires par semaine sans recevoir un centime de plus.

Le syndicat allemand de la métallurgie (IG Metall) camoufle ce bradage cynique par des déclarations hypocrites de solidarité. « L’IG Metall de Wolfsburg est aux côtés des travailleurs de Volkswagen à Bruxelles. Nous ne permettons pas que les différentes usines de Volkswagen soient montées les unes contre les autres », lit-on dans une déclaration à la presse d’IG Metall de Wolfsburg, datée du 30 novembre. Il est significatif que la déclaration ne contienne aucun engagement de la part de ce syndicat et du conseil d’entreprise d’un refus de principe de licenciements collectifs.

Ce bradage des syndicats contraste fortement avec la réaction des ouvriers de Volkswagen que la possibilité d’une fermeture de l’usine de Bruxelles choque et indigne. Des membres de la rédaction du WSWS purent le constater mercredi dernier lorsqu’ils distribuèrent une déclaration de soutien à la lutte des ouvriers de Volkswagen à Bruxelles devant l’usine de Wolfsburg. Wolfsburg est l’usine mère de Volkswagen en Allemagne et emploie près de 50.000 ouvriers.

La déclaration du WSWS appelle à la construction de comités de défense indépendants des conseils d’entreprise et des syndicats. Elle explique qu’une défense de principe de tous les emplois dans toutes les usines n’est possible que sur la base d’une perspective internationaliste et socialiste et qu’à la place de la cogestion et du partenariat social il faut mettre l’unité internationale des travailleurs.

Presque tous les ouvriers prirent le tract à part quelques rares ouvriers conservateurs qui disaient ouvertement : « mieux vaut eux que nous », ne réalisant pas qu’une défaite des ouvriers de Bruxelles renforcerait aussi la pression sur les ouvriers de Wolfsburg.

Plusieurs ouvriers exprimèrent des illusions dans le groupe, comme ce travailleur qui dit : « Je n’arrive pas à imaginer qu’ils peuvent simplement fermer l’usine de Bruxelles comme ça. Ici, ils ont à chaque fois trouvé une solution, comme ces dernières années. Finalement ils sont toujours arrivé à négocier une solution, même si souvent c’en était une mauvaise ».

Nombreux cependant étaient ceux qui se disaient inquiets : « Si c’est possible de fermer une usine en Belgique, alors ils peuvent commencer à fermer ici aussi ».

Beaucoup se dirent déçus et sceptiques vis-à-vis du conseil d’entreprise. L’un d’entre eux dit à ce sujet: « Le conseil d’entreprise est bon à rien. Ils s’occupent avant tout d’eux-mêmes. »

Volker Kaczmarek travaille depuis 25 ans chez Volkswagen. Il dit : « dans l’usine il y a une mauvaise ambiance, on ne se parle presque plus, on se casse du sucre sur le dos. Ce n’est plus une vraie collaboration. Ces derniers temps ils ont chamboulé quatre ou cinq fois le système de travail.

J’ai appris à la télévision qu’en Belgique on démolit 4.000 emplois. Il faut que quelque chose se passe ! Jusqu’à maintenant j’avais espoir qu’on allait créer de nouveaux emplois pour eux. On crée et on développe constamment de nouveaux matériaux.

Volkswagen est en tête dans tous les domaines, c’est la plus grande entreprise dans tout le Land de Basse-Saxe, une des plus grandes entreprises dans le monde. Mais partout on licencie, plus rien n’est sûr. Ils ont construit de nouvelles usines en Chine et en Inde, en ce moment ils en construisent une en Russie – quelles en seront les conséquences ? Pour l’instant on est encore en sûreté ici, mais quand on lit toutes ces nouvelles, on s’inquiète.

Maintenant il faut que nous travaillions plus longtemps sans recevoir plus de salaire. On va à l’usine tous les vendredis, ce qui fait quatre heures et demie de travail en plus sans salaire ; on travaille pour rien, c'est-à-dire strictement pour le bénéfice de l’entreprise. Mais ces messieurs de la direction croient toujours qu’ils doivent se remplir les poches. Un jour ou l’autre, cela devra avoir une fin. Tôt ou tard Volkswagen aura à payer l’addition pour tout cela. »

A la question de ce qu’il pensait du conseil d’entreprise et de l’arrestation de Klaus Volkert, Volker Kaczmarek dit : « C’est pareil pour ce qui est du conseil d’entreprise. Parfois je pense que ce ne sont pas du tout des représentants du peuple ou des ouvriers, comme cela se devrait, mais qu’ils font partie de la direction de Volkswagen. Le membre du conseil d’entreprise responsable de mon secteur m’a parlé il y a quelque temps et m’a dit : ‘si tu as besoin d’une discussion, appelle-moi ou fait un tour au conseil d’entreprise’ – mais depuis que je suis dans cette partie de l’usine, je ne l’ai vu en tout et pour tout qu’une seule fois. »

Manfred H. dit : « Je crois bien qu’il y a un tas de gens corrompus ici. La question c’est de le prouver. Je suis bien sûr déçu par Klaus Volkert. Je savais bien qu’il s’entendait bien avec la direction. Ça se voyait. Mais qu’il se faisait payer autant, ça je ne le savais pas. Il prenait toujours la parole dans les réunions d’entreprise. Il savait bien parler, avait une apparence bon enfant, un peu du genre ‘pour vous, je ferai tout’.

L’IG Metall est fortement représentée dans l’usine et obtient toujours quatre-vingt à quatre vingt dix pour cent des voix aux élections syndicales. On demande dès le premier jour à chaque ouvrier qui commence ici s’il veut entrer à l’IG Metall. Il y a encore le CMV, le petit syndicat chrétien, mais on n’a pas confiance en lui. Il demande moins de cotisation, c’est tout. »

Pour ce qui est de la proposition de construire des comités ouvriers indépendamment des conseils d’entreprise et des syndicats, Manfred dit : « Oui, c’est une chose à laquelle il faut réfléchir. Mais qui devra le faire ? Les membres du conseil d’entreprise peuvent faire ces choses-là à plein temps. Nous, nous aurions à le faire durant nos loisirs »

Massimo Palumbo, un ouvrier italien qui travaille depuis presque dix ans dans l’entreprise : nous dit : « Partout, pas seulement à Bruxelles et en Allemagne, on démolit à présent des emplois. Je ne suis pas égoïste au point de dire, je préfère garder mon emploi et j’abandonne les ouvriers de Bruxelles à leur sort. J’espère qu’on va trouver une véritable solution pour les collègues de Bruxelles !

A mon avis, les emplois sont plus importants que les profits. Le conseil d’entreprise devrait vraiment exercer plus de pression sur la direction. Je souhaite que le syndicat redevienne un véritable syndicat – cela ce serait bien ! »

A la question de ce qu’il pensait de la corruption dans la direction du conseil d’entreprise il dit : « Je n’en ai entendu parler qu’en termes généraux, je ne connais pas les détails. C’est bien sûr très dommage. Ils ont fait du tort à Volkswagen et Volkswagen c’est aussi une marque. Ce qu’ils ont fait là avec notre argent n’est pas correct, et plus grave encore est ce qu’ils ont fait de notre confiance. Une partie de la confiance a disparu. Ce serait bien si le nouveau, Osterloh, faisait les choses autrement. »

En réponse à la question de comités de défense ouvriers indépendants Massimo répondit : « En tout cas, il faut que quelqu’un défende nos intérêts. Les gens là-haut, nous ne savons absolument pas ce qu’ils font. Ils ne pensent pas à nous. On ne voit que le résultat final. »

D’abord, il y eut la réduction du temps de travail ; ça c’était en 1997. Là on ne travaillait plus que cinq heures par jour. Puis, il y eut le modèle neuf semaines plus une, puis quatre semaines plus une et à présent on travaille de nouveau plus longtemps, sans salaire correspondant malheureusement. On fait du travail supplémentaire régulièrement, juste au profit de l’entreprise, ce n’est quand même pas correct. »

Giuseppe Cioffro travaille depuis 33 ans dans l’usine. « Je vous dis que ce qu’il nous faut c’est un syndicat international. J’ai de nouveau été en Chine récemment pour l’entreprise, je pourrais vous raconter bien des choses : protection de l’environnement, protection de l’emploi, hygiène, ça n’existe pour ainsi dire pas. J’ai aussi été plusieurs fois en Russie.

Un syndicat ne peut plus rien obtenir sur le plan national, il faudrait un syndicat au niveau mondial. La globalisation ça consiste à avoir des entreprises mondiales et aucun patron d’industrie n’acceptera qu’on lui dérange ses plans. La direction dicte les conditions et l’IG Metall ne se contente plus que d’acquiescer. L’IG Metall peut être soumise au chantage. Au niveau national le syndicat ne peut plus arriver à rien, à rien du tout. »

(Article original allemand paru le 2 décembre 2006)

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