La grève menée par les travailleurs de Volkswagen à
Bruxelles-Forest contre la destruction de 4.000 emplois et la menace de
fermeture totale de l’usine entre dans sa troisième semaine. Avec l’arrêt de la
production de la Golf dans cette usine située dans le sud-ouest de Bruxelles et
ses répercussions sur les entreprises sous-traitantes c’est l’existence de 13.000
familles qui est en jeu. Aujourd’hui samedi a eu lieu une manifestation de
travailleurs de Volkswagen venus aussi d’autres pays européens.
Le conseil général d’entreprise de Volkswagen s’est donné pour
mission d’imposer la décision de la direction et d’isoler la résistance des
ouvriers. Depuis que Klaus Volkert, l’ancien dirigeant du conseil général
d’entreprise de la société est en garde a vue pour corruption et « risque
d’entrave à l’action de la justice » et que dix autres membres du même
conseil d’entreprise ont été mis en examen, il n’y a plus de doute possible
quant au fait que cet organisme s’est littéralement « vendu » à la
direction. Volkert avait à lui seul encaissé près de 700.000 euros en 2002.
Le nouveau chef du conseil général d’entreprise, Bernd Osterloh
et Michael Riffel, le secrétaire général du conseil européen d’entreprise
discutent depuis des jours avec la direction de Volkswagen, le gouvernement
belge de Guy Verhofstadt et les dirigeants syndicaux de Bruxelles. Ils essaient
de faire accepter aux travailleurs des projets d’«emplois de
remplacement », de « retraites anticipées » ou de licenciements
« socialement acceptables » afin de les détourner d’une lutte de
principe pour la défense de tous les emplois.
La proposition de construire à Bruxelles dans un avenir
lointain une voiture Audi au lieu de la Golf ne fait que montrer que, pour les
membres des conseils d’entreprise, le transfert de production de la Golf est
une chose décidée depuis longtemps. Une telle proposition signifie aussi que
des emplois seront détruits dans d’autres usines, par exemple en Espagne. Elle
doit être fermement rejetée.
La décision de transférer la production de la Golf dans les
usines allemandes de Wolfsburg et de Mosel est directement liée à l’approbation
par les conseils d’entreprise de Volkswagen en Allemagne d’une forte
augmentation, non rémunérée, du temps de travail. Depuis le mois de novembre,
les ouvriers de Volkswagen en Allemagne doivent travailler plus de quatre
heures supplémentaires par semaine sans recevoir un centime de plus.
Le syndicat allemand de la métallurgie (IG Metall) camoufle ce
bradage cynique par des déclarations hypocrites de solidarité. « L’IG Metall
de Wolfsburg est aux côtés des travailleurs de Volkswagen à Bruxelles. Nous ne
permettons pas que les différentes usines de Volkswagen soient montées les unes
contre les autres », lit-on dans une déclaration à la presse d’IG Metall
de Wolfsburg, datée du 30 novembre. Il est significatif que la déclaration ne contienne
aucun engagement de la part de ce syndicat et du conseil d’entreprise d’un
refus de principe de licenciements collectifs.
Ce bradage des syndicats contraste fortement avec la réaction
des ouvriers de Volkswagen que la possibilité d’une fermeture de l’usine de
Bruxelles choque et indigne. Des membres de la rédaction du WSWS purent
le constater mercredi dernier lorsqu’ils distribuèrent une déclaration de
soutien à la lutte des ouvriers de Volkswagen à Bruxelles devant l’usine de
Wolfsburg. Wolfsburg est l’usine mère de Volkswagen en Allemagne et emploie
près de 50.000 ouvriers.
La déclaration du WSWS appelle à la construction de
comités de défense indépendants des conseils d’entreprise et des syndicats.
Elle explique qu’une défense de principe de tous les emplois dans toutes les
usines n’est possible que sur la base d’une perspective internationaliste et
socialiste et qu’à la place de la cogestion et du partenariat social il faut
mettre l’unité internationale des travailleurs.
Presque tous les ouvriers prirent le tract à part quelques
rares ouvriers conservateurs qui disaient ouvertement : « mieux vaut
eux que nous », ne réalisant pas qu’une défaite des ouvriers de Bruxelles
renforcerait aussi la pression sur les ouvriers de Wolfsburg.
Plusieurs ouvriers exprimèrent des illusions dans le groupe,
comme ce travailleur qui dit : « Je n’arrive pas à imaginer
qu’ils peuvent simplement fermer l’usine de Bruxelles comme ça. Ici, ils ont à
chaque fois trouvé une solution, comme ces dernières années. Finalement ils
sont toujours arrivé à négocier une solution, même si souvent c’en était une
mauvaise ».
Nombreux cependant étaient ceux qui se disaient
inquiets : « Si c’est possible de fermer une usine en Belgique, alors
ils peuvent commencer à fermer ici aussi ».
Beaucoup se dirent déçus et sceptiques vis-à-vis du conseil
d’entreprise. L’un d’entre eux dit à ce sujet: « Le conseil
d’entreprise est bon à rien. Ils s’occupent avant tout d’eux-mêmes. »
Volker Kaczmarek travaille depuis 25 ans chez Volkswagen. Il
dit : « dans l’usine il y a une mauvaise ambiance, on ne se parle
presque plus, on se casse du sucre sur le dos. Ce n’est plus une vraie
collaboration. Ces derniers temps ils ont chamboulé quatre ou cinq fois le
système de travail.
J’ai appris à la télévision qu’en Belgique on démolit 4.000
emplois. Il faut que quelque chose se passe ! Jusqu’à maintenant j’avais
espoir qu’on allait créer de nouveaux emplois pour eux. On crée et on développe
constamment de nouveaux matériaux.
Volkswagen est en tête dans tous les domaines, c’est la plus
grande entreprise dans tout le Land de Basse-Saxe, une des plus grandes
entreprises dans le monde. Mais partout on licencie, plus rien n’est sûr. Ils
ont construit de nouvelles usines en Chine et en Inde, en ce moment ils en
construisent une en Russie – quelles en seront les conséquences ? Pour
l’instant on est encore en sûreté ici, mais quand on lit toutes ces nouvelles,
on s’inquiète.
Maintenant il faut que nous travaillions plus longtemps sans
recevoir plus de salaire. On va à l’usine tous les vendredis, ce qui fait
quatre heures et demie de travail en plus sans salaire ; on travaille pour
rien, c'est-à-dire strictement pour le bénéfice de l’entreprise. Mais ces
messieurs de la direction croient toujours qu’ils doivent se remplir les
poches. Un jour ou l’autre, cela devra avoir une fin. Tôt ou tard Volkswagen
aura à payer l’addition pour tout cela. »
A la question de ce qu’il pensait du conseil d’entreprise et
de l’arrestation de Klaus Volkert, Volker Kaczmarek dit : « C’est pareil pour ce qui est du
conseil d’entreprise. Parfois je pense que ce ne sont pas du tout des
représentants du peuple ou des ouvriers, comme cela se devrait, mais qu’ils
font partie de la direction de Volkswagen. Le membre du conseil d’entreprise
responsable de mon secteur m’a parlé il y a quelque temps et m’a dit : ‘si
tu as besoin d’une discussion, appelle-moi ou fait un tour au conseil
d’entreprise’ – mais depuis que je suis dans cette partie de l’usine, je ne
l’ai vu en tout et pour tout qu’une seule fois. »
Manfred H. dit : « Je crois bien qu’il y a un tas de gens
corrompus ici. La question c’est de le prouver. Je suis bien sûr déçu par Klaus
Volkert. Je savais bien qu’il s’entendait bien avec la direction. Ça se voyait.
Mais qu’il se faisait payer autant, ça je ne le savais pas. Il prenait toujours
la parole dans les réunions d’entreprise. Il savait bien parler, avait une
apparence bon enfant, un peu du genre ‘pour vous, je ferai tout’.
L’IG Metall est fortement représentée dans l’usine et obtient
toujours quatre-vingt à quatre vingt dix pour cent des voix aux élections syndicales.
On demande dès le premier jour à chaque ouvrier qui commence ici s’il veut
entrer à l’IG Metall. Il y a encore le CMV, le petit syndicat chrétien, mais on
n’a pas confiance en lui. Il demande moins de cotisation, c’est tout. »
Pour ce qui est de la proposition de construire des comités
ouvriers indépendamment des conseils d’entreprise et des syndicats, Manfred dit
: « Oui, c’est une chose à laquelle il faut réfléchir. Mais qui devra
le faire ? Les membres du conseil d’entreprise peuvent faire ces choses-là
à plein temps. Nous, nous aurions à le faire durant nos loisirs »
Massimo Palumbo, un ouvrier italien
qui travaille depuis presque dix ans dans l’entreprise : nous dit :
« Partout, pas seulement à Bruxelles et en Allemagne, on démolit à présent
des emplois. Je ne suis pas égoïste au point de dire, je préfère garder mon
emploi et j’abandonne les ouvriers de Bruxelles à leur sort. J’espère qu’on va
trouver une véritable solution pour les collègues de Bruxelles !
A mon avis, les emplois sont plus importants que les profits.
Le conseil d’entreprise devrait vraiment exercer plus de pression sur la
direction. Je souhaite que le syndicat redevienne un véritable syndicat – cela
ce serait bien ! »
A la question de ce qu’il pensait de la corruption dans la
direction du conseil d’entreprise il dit : « Je n’en ai entendu
parler qu’en termes généraux, je ne connais pas les détails. C’est bien sûr
très dommage. Ils ont fait du tort à Volkswagen et Volkswagen c’est aussi une
marque. Ce qu’ils ont fait là avec notre argent n’est pas correct, et plus
grave encore est ce qu’ils ont fait de notre confiance. Une partie de la
confiance a disparu. Ce serait bien si le nouveau, Osterloh, faisait les choses
autrement. »
En réponse à la question de comités de défense ouvriers indépendants
Massimo répondit : « En tout cas, il faut que quelqu’un défende
nos intérêts. Les gens là-haut, nous ne savons absolument pas ce qu’ils font.
Ils ne pensent pas à nous. On ne voit que le résultat final. »
D’abord, il y eut la réduction du temps de travail ; ça
c’était en 1997. Là on ne travaillait plus que cinq heures par jour. Puis, il y
eut le modèle neuf semaines plus une, puis quatre semaines plus une et à
présent on travaille de nouveau plus longtemps, sans salaire correspondant
malheureusement. On fait du travail supplémentaire régulièrement, juste au
profit de l’entreprise, ce n’est quand même pas correct. »
Giuseppe Cioffrotravaille depuis 33
ans dans l’usine. « Je vous dis que ce qu’il nous faut c’est un
syndicat international. J’ai de nouveau été en Chine récemment pour
l’entreprise, je pourrais vous raconter bien des choses : protection de
l’environnement, protection de l’emploi, hygiène, ça n’existe pour ainsi dire
pas. J’ai aussi été plusieurs fois en Russie.
Un syndicat ne peut plus rien obtenir sur le plan national, il
faudrait un syndicat au niveau mondial. La globalisation ça consiste à avoir
des entreprises mondiales et aucun patron d’industrie n’acceptera qu’on lui
dérange ses plans. La direction dicte les conditions et l’IG Metall ne se
contente plus que d’acquiescer. L’IG Metall peut être soumise au chantage. Au
niveau national le syndicat ne peut plus arriver à rien, à rien du tout. »
(Article original
allemand paru le 2 décembre 2006)