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Le rapport du Groupe d’étude sur l’Irak souligne la crise de l’impérialisme américain en Irak et aux Etats-Unis

Par le comité éditorial
8 décembre 2006

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Le rapport du Groupe d’étude sur l’Irak (GEI) publié mercredi souligne l’immensité de la crise non seulement pour l’administration Bush, mais pour l’establishment politique américain dans son ensemble. Tant le contenu du rapport et que l’attention extraordinaire que lui ont donnée les médias démontrent que la débâcle américaine en Irak a produit une crise de proportion historique au sein des Etats-Unis eux-mêmes.

Le rapport brosse un tableau lugubre et implacable des conditions en Irak. Le sommaire du rapport débute ainsi : « La situation en Irak est grave et ne cesse de se détériorer. » Le rapport continue ensuite en avertissant que l’influence américaine s’affaiblit que « le temps commence à manquer ».

Contrairement aux déclarations de la Maison-Blanche qui parle de « progrès » vers le « succès », le régime mis en place par les Etats-Unis à Bagdad se désintègre. Les conflits sectaires entre les sunnites et les chiites augmentent et « l'effondrement du gouvernement irakien et une catastrophe humanitaire », avertit le rapport.

L’occupation militaire américaine confronte une opposition populaire qui croit rapidement, avec environ 180 attaques armées par jour en moyenne durant le mois d’octobre 2006, par rapport à environ 70 par jour en janvier 2006. (Soulignant la montée de la violence, dix soldats américains ont été tués mercredi, le jour où le rapport fut publié, ce qui amène le total des soldats morts à 2918 depuis que les Etats-Unis ont envahi l’Irak en mars 2003.)

Le rapport du GEI admet que l’insurrection anti-américaine est en grande partie d’origine irakienne : « Elle bénéficie de la connaissance de l’infrastructure irakienne de ses participants et ses armes et son financement proviennent en premier lieu de l’Irak même. Les insurgés ont différents objectifs, même si presque tous sont opposés à la présence de l’armée américaine en Irak. »

Les conditions de vie du peuple irakien sont horrifiantes. Selon le rapport, « Le gouvernement irakien ne fournit pas dans les faits les services de base à son peuple : électricité, eau potable, égouts, soins médicaux et éducation. Dans plusieurs secteurs, la production est sous ou est proche des niveaux d’avant la guerre. » Le rapport attribue l’échec à la violence, la corruption, le conflit sectaire, la faiblesse économique héritée du blocus de l’Irak par les Etats-Unis avant la guerre ainsi qu’à l’effondrement des cours, du système financier et d’autres institutions civiles.

Fuyant ces conditions, jusqu’à 1,8 million d’Irakiens ont trouvé refuge dans les Etats voisins, alors que 1,6 million sont déplacés au sein du pays lui-même, signale le rapport, même s’il reste silencieux sur le nombre de morts irakiennes, estimé à 655 000 dans une étude menée par l’école de santé publique de l’Université Johns Hopkins.

Le coût pour les Etats-Unis a aussi été colossal : près de 3000 soldats sont morts, presque 20 000 blessés, beaucoup d’entre eux sérieusement mutilés ou psychologiquement traumatisés. 400 milliards $ ont été dilapidés pour tenter de faire un protectorat américain de l’Irak.

Les membres du panel ont exprimé à plusieurs occasions leurs préoccupations que la débâcle en Irak déstabilisait les Etats-Unis politiquement, alimentait les sentiments antiguerre contre l’administration Bush et de plus en plus contre toute l’élite dirigeante.

« La prolongation des problèmes en Irak pourrait mener à une plus grande polarisation au sein des Etats-Unis, dit le rapport. Soixante-six pour cent des Américains désapprouvent la façon dont le gouvernement mène la guerre et plus de 60 pour cent croient qu’il n’y a pas de plan clair pour aller de l’avant. Les élections de novembre ont largement été perçues comme un référendum sur le progrès en Irak. »

Les démocrates membres du GEI ont particulièrement insisté sur l’impact intérieur de la guerre. Dans la presse de conférence tenue après la publication du rapport et dans les entrevues aux médias qui ont suivies, le coprésident démocrate, l’ancien congressiste Lee Hamilton, a déclaré que les Etats-Unis faisaient face à un défi quant à sa stabilité politique comparable aux divisions sur le VietNam dans les années 1960 et 1970 et même à la Guerre civile de 1861-65.

Les divisions sur la guerre — avant tout les divisions au sein de l’establishment politique à Washington et les masses du peuple américain — ont atteint le point où le pays pourrait bientôt devenir ingouvernable, a-t-il avertit. Pour empêcher un tel développement, a dit Hamilton ainsi que les autres démocrates et républicains de la commission, il était nécessaire d’arriver à un consensus bipartisan sur l’Irak et d’abandonner le chacun-pour-soi de l’administration Bush.

Les membres de la commission sont clairement préoccupés que sans un changement important — ou au moins l’apparence d’un tel changement — l’opposition profonde, mais largement latente, à la guerre au sein des Etats-Unis puisse prendre une forme politique radicale et explosive, comme cela s’était produit lors de la guerre du VietNam.

Un tel développement aurait de nos jours des conséquences encore plus profondes au sein des Etats-Unis et du monde, parce les tensions sociales et économiques au sein des Etats-Unis sont beaucoup plus développées et que la position des Etats-Unis dans l’économie mondiale est beaucoup plus précaire que la situation qu’ils connaissaient dans les années 1960. Le système financier américain montre déjà des signes d’effilochage avec le prix des maisons, la construction de nouvelles maisons et la demande pour des biens durables qui diminuent beaucoup et avec l’explosion des faillites personnelles et de reprises de maison. La chute importante du dollar sur les marchés de change internationaux est un indicateur parlant de la crise économique américaine et de l’instabilité financière mondiale.

L’évaluation sombre de la situation en Irak et les terribles implications pour l’impérialisme américain tant à l’étranger qu’à l’intérieur confirme le pronostic que le World Socialist Web Site  et le Parti de l’égalité socialiste avaient fait de l’invasion américaine de l’Irak quelques heures après le début de l’attaque américaine. Le 21 mars 2003, le WSWS a publié une déclaration de David North, le président du comité éditorial du WSWS et secrétaire national du PES, qui déclarait :

« Quel que soit le résultat du stade initial du conflit qui a commencé, l'impérialisme américain a pris un rendez-vous avec le désastre. Il ne peut conquérir le monde. Il ne peut réimposer des chaînes coloniales aux masses du Moyen-Orient. Il ne trouvera pas dans la guerre une solution viable à ses maladies internes. Au contraire, les difficultés imprévues et la résistance montante engendrées par la guerre vont intensifier toutes les contradictions internes de la société américaine. »

Le rapport du Groupe d’étude sur l’Irak propose une série d’initiatives tactiques que devraient prendre la Maison-Blanche et le Congrès afin de sauver quelque chose pour l’impérialisme américain de l’échec de son aventure militaire en Irak. Ces mesures sont essentiellement politiques et diplomatiques : entreprendre des pourparlers avec la Syrie et l’Iran, les deux pays voisins ayant le plus d’influence sur l’Irak; relancer le processus diplomatique dans le conflit israélo-palestinien; et faire pression sur les divers groupes politiques ethniques et sectaires en Irak par en arriver à une « réconciliation nationale ».

L’accent mis par l’administration Bush sur une solution purement militaire, qui a été l’élément central de ses efforts des quatre dernières années, est explicitement rejeté. « Il n’y a rien que peut entreprendre l’armée américaine qui, en soi, pourrait apporter la victoire en Irak », déclare le rapport, s’opposant à toute augmentation considérable de la présence militaire américaine.

Au contraire, le Groupe d’étude sur l’Irak appelle à une réduction du rôle de l’armée des États-Unis et au retrait de la majorité des troupes combattantes d’ici 2008. Il demande en même temps que soit augmenté le nombre de soldats américains impliqués dans l’entraînement des forces irakiennes et que demeurent indéfiniment dans le pays des dizaines de milliers de soldats américains.

Le comité est arrivé à la conclusion que la majorité des forces combattant en première ligne devaient être graduellement retirées d’Irak, car « le maintien de l’engagement des forces terrestres américaines au niveau actuel en Irak ne laisserait aucune réserve disponible pour répondre à d’autres imprévus ».

Selon le rapport, les États-Unis devraient « fournir un appui politique, économique et militaire supplémentaire en Afghanistan, y compris les ressources qui pourraient se libérer lors du retrait des forces combattantes de l’Irak ». Outre l’Afghanistan, on pourrait avoir besoin des troupes américaines « pour d’autres éventualités de sécurité, comme celles concernant l’Iran et la Corée du Nord ».

Le rapport ne fait aucune évaluation des causes ou des possibles responsables de cette catastrophe. Les dix membres du Groupe d’étude sur l’Irak, cinq démocrates et cinq républicains, tous ayant servi durant des décennies l’État américain, la grande entreprise et le système biparti, se sont volontairement abstenus d’entreprendre une telle analyse, qui ferait porter le blâme aux plus hauts décideurs de l’administration Bush.

Plutôt, le comité a blanchi les bellicistes, déclarant : « Nous sommes d’accord avec l’objectif de la politique américaine en Irak telle qu’élaborée par le président », ajoutant que « l’Irak est vital pour la stabilité régionale et même mondiale, et est crucial pour les intérêts des États-Unis ».

Il est cependant remarquable que le Groupe d’étude sur l’Irak ne fasse aucune référence aux véritables raisons données par l’administration Bush juste avant la guerre. Il n’est fait nulle part mention dans le rapport d’armes de destruction massive, de la « guerre au terrorisme », et il est fait mention à une seule occasion de la démocratie (contrairement aux dizaines de fois où est mentionnée la « stabilité » comme objectif de la politique américaine).

Le rapport admet toutefois que l’un des principaux intérêts des États-Unis est l’industrie pétrolière de l’Irak, à laquelle il consacre une section complète, et il inclut les recommandations que « le gouvernement américain devrait fournir une assistance technique au gouvernement irakien pour préparer un projet de loi sur le pétrole qui... établirait un cadre fiscal et légal permettant l’investissement ».

Une autre recommandation est : « Les États-Unis devraient encourager l’investissement dans le secteur pétrolier de l’Irak par la communauté internationale et les compagnies internationales d’énergie. Les États-Unis devraient assister les dirigeants irakiens pour réorganiser l’industrie pétrolière nationale en une entreprise commerciale » — c’est-à-dire, la privatisation et la vente des vastes réserves pétrolières de l’Irak, les deuxièmes en importance dans le monde, au profit des multinationales. 

La dernière recommandation est d’inclure les coûts de la guerre dans le budget annuel, débutant avec l’année fiscale à venir, pour lequel Bush doit soumettre une proposition au début février. « Les coûts de la guerre en Irak devraient être inclus dans la demande budgétaire annuelle du président, débutant avec l’année fiscale 2008 : la guerre en est à sa quatrième année et le processus budgétaire normal ne devrait pas être contourné », note le rapport.

Malgré le ton impératif employé pour demander au Congrès d’assumer « ses responsabilités constitutionnelles », plus précisément la supervision des dépenses, cette recommandation ne vise pas à restreindre un pouvoir exécutif sans borne. L’administration Bush a utilisé la procédure d’appropriation d’urgence pour dépenser dans la guerre en Irak et en Afghanistan afin d’éviter d’avoir à demander des coupures dans les dépenses domestiques qui seraient directement liées au coût de la guerre.  La proposition du GEI va mener directement à des coupures immédiates et draconiennes dans les dépenses sociales

La Maison-Blanche a reçu la publication du rapport du GEI en promettant d’examiner ces recommandations  et d’y répondre dans quelques semaines sans s’engager à quoi que ce soit d’autre.  Les plus ardents défenseurs de l’escalade militaire en Irak, tel que le sénateur républicain John McCain et le sénateur démocrate Joseph Lieberman, ont sévèrement dénoncé le rapport.  

La direction démocrate au Sénat a, de manière générale, salué le rapport, et sa publication a été suivie dans les heures qui suivaient par un vote au Sénat de 95-2 approuvant la nomination de l’ancien directeur de la CIA Robert Gates en tant que secrétaire à la Défense, en remplacement de Donald Rumsfeld.  Ce vote a eu lieu une journée seulement après que Gates eut publiquement rejeté, lors de son témoignage devant le Comité sénatorial des forces armées, tout retrait significatif de troupes américaines de l’Irak. (Les deux votes « non » viennent de deux droitistes républicains qui s’opposaient à Gates parce qu’il a, dans le passé, appuyé l’établissement d’un dialogue direct entre les Etats-Unis et l’Iran.)

L’adoption par les démocrates d’un rapport qui appelle pour la poursuite indéfinie de l’occupation militaire américaine en Irak, illustre le mépris du parti pour les millions de personnes qui ont exprimé leur opposition à la guerre par leur vote le 7 novembre dernier. Cela souligne encore une fois que le Parti démocrate est un parti de l’élite dirigeante, dédié à la défense des intérêts de l’impérialisme américain.

Les protestations et l’application de pression appliquée au Parti démocrate ne peuvent pas transformer ce parti de la grande entreprise en véhicule d’opposition à la guerre. La lutte contre la guerre impérialiste requiert la construction d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière opposé à l’aristocratie financière américaine et ses deux partis.

Le Parti de l’égalité socialiste est le seul parti qui lutte pour construire un mouvement de masse de la classe ouvrière contre le système politique et social existant. Nous demandons le retrait immédiat de toutes les forces militaires américaines et des autres forces militaires étrangères de l’Irak et de l’Afghanistan et le rejet de toute la prémisse de la politique étrangère américaine : la défense des profits globaux des corporations américaines.

Nous demandons de plus que des mesures soient prises pour tenir criminellement redevable tous ceux qui sont responsable des crimes historiques commis contre le peuple irakien dans l’invasion illégale américaine et l’occupation, incluant Bush, Cheney, Rumsfeld, Rice et le reste de la cabale de guerre de l’administration et leurs complices au sein de la direction du Parti démocrate et les conglomérats médiatiques qui ont servi  de relais pour la propagande et les mensonges du gouvernement.

(Article original anglais publié le 7 décembre 2006)

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