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Deuxième procès de Saddam Hussein par le régime pantin des Etats-Unis
Par Patrick Martin
26 août 2006
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Le tribunal extraordinaire créé sous les auspices des
Etats-Unis à Bagdad a commencé le deuxième procès de l’ancien président irakien
Saddam Hussein et de ses associés du Parti baasiste. Le procès se concentre sur
les accusations selon lesquelles Hussein aurait autorisé les massacres
sanglants et l’utilisation de gaz mortels contre la population kurde du nord de
l’Irak en 1988, lors d’une opération connue sous le nom d’« Anfal »,
du terme arabe « butin de guerre ».
Avec Hussein, se trouvent parmi les accusés son cousin Ali
Hassan al-Majid, chef militaire de l’opération Anfal; le sultan Hashem Ahmed,
commandant militaire de l’opération et plus tard ministre de la Défense; Saber
Abdel Aziz, directeur des services de renseignements militaires; Hussein Rashid
al-Tikriti, directeur adjoint des opérations pour les forces irakiennes, Taher
Mohammed al-Ani, gouverneur de la ville de Mossoul; et Farhan al-Jubari, chef
des services de renseignements militaires au nord.
L’incident le plus connu à être survenu sous le règne de
Hussein, l’utilisation de gaz mortels contre la ville kurde de Halabja qui a
fait 8 000 morts, ne fait pas partie des accusations. Il fera l’objet d’un
procès séparé.
Comme le précédent, ce procès contre Hussein constitue une
flagrante violation du droit international, qui interdit une puissance
occupante de mettre sur pied de nouvelles institutions légales dans un pays
conquis.
D’un point de vue politique, le procès constitue un acte
d’extrême cynisme, car l’administration Bush est coupable de crimes au moins
aussi odieux que ceux de Hussein. De plus, lors des événements de 1988, le
gouvernement américain était secrètement complice de Hussein dans le bain de
sang kurde.
Le procès a commencé le 21 août, et les témoignages des
survivants de l’opération Anfal se sont poursuivis jusqu’à mercredi, avant
qu’il ne soit ajourné jusqu’au 11 septembre. Les témoignages ont donné un
aperçu des énormes souffrances infligées au peuple kurde, mais les événements
politiques entourant l’opération Anfal, et surtout l’appui tacite des
Etats-Unis pour les massacres, ont été complètement évités par le procès et la
couverture médiatique.
Garder dans l’ombre de tels éléments durant un si long
procès, et particulièrement durant la période réservée à la défense et à sa
réfutation, pourrait s’avérer plus difficile. Hussein s’est déjà montré capable
d’exploiter les faiblesses et les contradictions de la position de
l’administration Bush et ses laquais à Bagdad.
On discute peu de ce qui s’est produit dans les régions
kurdes de l’Irak en 1987-88, vers la fin de la guerre entre l’Iran et l’Irak
(une guerre encouragée successivement par les administrations américaines, qui
voyaient en Saddam Hussein un allié qui mettait à sang leur principal ennemi
dans la région, la théocratie iranienne dirigée par l’ayatollah Khomeyni.)
Les combattants kurdes des milices Pesh Merga, travaillant
conjointement avec l’Iran, ont organisé un soulèvement dans plusieurs provinces
du nord et prirent le contrôle dans plusieurs régions montagneuses. Le régime
de Bagdad a contre-attaqué avec une sanglante campagne de représailles,
incluant des exécutions de masse, l’utilisation de gaz mortels, la destruction
de villages et le déracinement de la quasi-totalité de la population kurde, de
manière à priver la guérilla d’une base d’appui dans la population. Il est
estimé que le nombre de morts est compris entre 75 000 et 200 000.
Durant toute cette période, l’administration Reagan aux
Etats-Unis, maintint d’étroites relations avec Bagdad — relations qui furent
cimentées en 1983-84 dans une série de visite par l’émissaire spécial de Reagan
à Saddam Hussein, l’ancien et actuel secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld.
Les services du renseignement américains fournissaient des
informations stratégiques et tactiques aux planificateurs militaires de l’Irak.
Cette information était parfois utilisée par l’Irak pour planifier des frappes
à l’arme chimique contre des concentrations de troupes iraniennes, qui
provoquaient un nombre dévastateur de morts durant les dernières années de la
guerre.
Si étroite était la collaboration avec l’Irak, que lorsque
qu’il ouvrit le feu contre le navire de guerre américain, le USS Stark, alors
en patrouille de routine, l’administration Reagan minimisa l’importance de
l’incident.
Si le gouvernement américain était prêt à ignorer l’assassinat
de 37 de ses marins, il n’était certainement pas pour s’inquiéter du massacre
de Kurdes. Quelques déclarations de préoccupation de routine ont été envoyées à
Beyrouth, mais Saddam Hussein reçut le vrai message : il devait faire tout
ce qui était nécessaire pour se maintenir au pouvoir contre la menace
iranienne.
L’histoire complète de l’appui américain pour le régime de
l’Irak demeure sous clé dans les archives de la CIA et du Pentagone. Mais il
existe suffisamment de preuves que l’administration Reagan, en plus d’avoir
fourni des informations et autres renseignements militaires à Hussein, lui a
fourni des milliards de dollars en crédits et a aussi donné le feu vert aux
autres alliés américains en Europe et au Moyen-Orient de lui fournir de
l’équipement militaire et de l’aide. Les firmes américaines et européennes ont
fourni à l’Irak les ingrédients essentiels pour le développement et la
production d’armes chimiques et biologiques.
Dans un article écrit en 2002 et intitulé
« Qui a armé Saddam ? », l’universitaire britannique Glen Rangawala
a écrit : « Durant l’opération Anfal, les Etats-Unis ont
augmenté leur appui à l’Irak. Ils ont aidé l’Irak dans ses attaques contre les
installations iraniennes, bombardant deux plates-formes pétrolières iraniennes
et détruisant une frégate iranienne un mois après l’attaque de Halabja. Deux
mois plus tard, de hauts responsables américains encourageaient la coordination
avec la grande entreprise dans un forum organisé par l’Etat irakien. L’administration
américaine s’est opposée, et a fini par bloquer, une loi du Sénat américain qui
aurait empêché que des prêts soient faits à l’Irak. Les Etats-Unis ont approuvé
l’exportation en Irak de marchandises pouvant servir aux civils et aux
militaires à un rythme deux fois plus élevé après Halabja qu’avant 1988. Les
garanties écrites irakiennes sur l’usage civil étaient acceptées par le
département du Commerce américain, qui ne demandait pas de permis ou
d’inspections (comme il le faisait pour plusieurs autres pays). »
Les procès actuels de Saddam Hussein et de
ses proches associés n’ont rien à voir avec le fait de rendre justice et de
culpabilité pour des crimes commis par le régime baasiste contre le peuple
irakien. Ils ont plutôt pour but de justifier politiquement les crimes commis
aujourd’hui par l’administration Bush contre cette même nation, maintenant sous
occupation.
Les médias américains ont concentré leur
couverture sur l’Irak cette semaine sur la preuve des victimes de l’opération Anfal,
tout en passant sous silence le rôle de responsables américains comme Reagan, Rumsfeld
et de Bush père, alors vice-président des Etats-Unis, qui ont appuyé et
facilité la répression sanglante.
Que sont les Etats-Unis pour condamner
Saddam Hussein ? Si un compte-rendu exact pouvait être fait, il montrerait
que plus d’Irakiens innocents sont décédés en conséquence des actions de
Washington que des actions de la dictature baasiste. Une telle liste
comprendrait :
* Un million d’Irakiens morts lors de la
guerre entre l’Irak et l’Iran (et un nombre encore plus grand d’Iraniens), une
guerre menée à l’instigation de l’administration Carter en 1980 et encouragé
pendant huit ans par l’administration Reagan.
* Environ 100 000 soldats et civils
irakiens tués sous les bombes et en conséquence d’autres actions militaires directes
par les Etats-Unis lors de la première Guerre du golfe Persique de 1991, menée
par l’administration de Bush père.
* Entre un million et un million et demi
d’Irakiens, la plus grande partie étant des enfants, sont morts en conséquence
des sanctions économiques imposées par les Etats-Unis. L’Irak ne pouvait importer
des médicaments et des aliments de base, ni d’équipement médical. Cet embargo a
été imposé par l’administration de Bush père et maintenu par l’administration
Clinton et l’administration de Bush fils.
* Les morts de l’invasion de l’Irak en 2003
et de l’occupation du pays qui continue depuis, que l’on estime à plus de
100 000.
Personne ne peut nier que le régime de
Saddam Hussein fût une dictature sanglante et répressive, même si cela n’a pas
empêché plusieurs gouvernements américains successifs de maintenir d’étroites
relations militaires et diplomatiques avec l’Irak lorsque cela servait les
intérêts de l’impérialisme américain.
Tout procès dans lequel Saddam Hussein sera
un des principaux accusés alors que les dirigeants de l’impérialisme américain
se présentent comme les défenseurs de la démocratie, de la justice et des
droits de l’homme ne peut être décrit que comme une farce et une fraude. C’est
George W. Bush et ses principaux adjoints et complices, au gouvernement, au
Congrès et dans toute l’élite dirigeante américaine qui méritent le plus d’être
amenés devant les juges pour crimes contre l’humanité.
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