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Alors que la guerre civile s’intensifie, le président Mahinda Rajapake multiplie ses efforts pour faire obstacle à toute action des travailleurs en vue de défendre leur niveau de vie et leurs droits démocratiques.
S’adressant à une réunion publique le 27 juillet à Kandegama, le président a déclaré : « Il est de la responsabilité de tout un chacun de sauver son pays. Personne n’a le droit de trahir la sécurité du pays. Chaque dirigeant syndicaliste devrait être prêt à résoudre les problèmes au moyen de discussions. » Dans un discours prononcé le 1er août à Colombo, il a fait la mise en garde suivante : « Les gens devraient être plus conscients de leurs responsabilités et aussi de leur patrie avant d’entreprendre des démarches pour sauvegarder leurs droits. »
Ces appels à la « responsabilité », à la « sécurité nationale » et à la « défense de la patrie » ont une signification politique définie et une longe histoire au Sri Lanka. Tout au long du conflit prolongé dont le pays est en proie, les élites dirigeantes de Colombo ont insisté de façon répétée pour que la population laborieuse paie les coûts de la guerre, par le carnage des batailles et la détérioration du niveau de vie.
Le 13 août, Rajapakse a tenu une réunion dans sa résidence officielle pour s’assurer le concours de l’organisation chauviniste cinghalaise JVP (Janatha Vimukthi Perumuna — Front de libération du peuple) et de son syndicat national, le NTUC. Etaient rassemblés à sa résidence officielle les députés JVP, K.D. Lal Kantha, Piyrisi Wijenayake et Wasantha Samarasinghe, qui sont également des dirigeants syndicalistes.
Le président a lancé un appel aux syndicats pour qu’ils résolvent les conflits sociaux au moyen de discussions et non par des grèves, « en tenant compte de la situation qui règne dans le pays ». Tous les dirigeants JVP ont accepté cette proposition avec empressement. Ce parti, qui préconise ouvertement la fin du cessez-le-feu de 2002, a fait une campagne sur l’ensemble de l’île sur le thème « tout pour la patrie ».
Rajapakse avait, avec le soutien du JVP, remporté de justesse les élections présidentielles de novembre dernier. Il s’était lui-même promu comme « l’homme des simples gens » et avait publié une longue liste de promesses électorales, y compris d’importantes augmentations de salaire et des concessions pour venir en aide aux pauvres. Dès son entrée en fonction, il renia ses promesses. Le gouvernement Rajapakse a poursuivi les attaques sur le niveau de vie par le biais de privatisations, de la restructuration économique et de restrictions budgétaires.
La conséquence en a été une agitation sociale croissante en raison de l’envol des prix des produits et des services essentiels. Sur les premiers sept mois, fin juillet, l’indice du coût de la vie a fait un bond de 368 points en passant de 4.304 à 4.672. En mars, des centaines de milliers d’employés du secteur public avaient lancé une campagne de protestation en faveur d’une augmentation de salaire, exprimant ainsi un mécontentement grandissant parmi de vastes sections de la population laborieuse.
En juillet, les ouvriers du Port de Colombo ont lancé une campagne pour une hausse des salaires alors que les employés de Ceylon Petroleum Corporation (CPC) préparaient un plan d’action contre les projets de privatisation. Réagissant aux inquiétudes qui se sont fait jour dans les milieux d’affaires, le gouvernement a déposé une requête auprès du tribunal et a obtenu des ordonnances pour interdire les différentes campagnes. Une ordonnance interdisant toute action des travailleurs portuaires a depuis été prorogée jusqu’au 27 novembre.
Rajapakse n’est nullement en position de faire des concessions à la classe ouvrière. Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont suspendu tout paiement dans le but de forcer Colombo à accélérer la mise en vigueur des réformes du marché. En conséquence, pour pouvoir régler les dépenses au jour le jour, le gouvernement a été obligé d’emprunter de l’argent sur les marchés monétaires internationaux à des taux d’intérêt bien supérieurs.
Le Lanka business online a fait hier le commentaire suivant : « Depuis 2005, le Sri Lanka a eu des difficultés à se qualifier pour des emprunts à des taux d’intérêt réduits auprès d’organismes prêteurs multinationaux tels la Banque mondiale parce que sa politique macro-économique est faible pour ce qui est de la prudence fiscale et des réformes économiques, l’obligeant à compter plus sur les dollars commerciaux. »
La décision de Rajapakse de replonger le pays dans la guerre ne fera qu’aggraver la crise économique. Non seulement les dépenses augmenteront inévitablement, mais le conflit aura également pour effet une diminution des investissements étrangers qui sont absolument nécessaires. Si les combats traînent en longueur, ils feront des ravages dans les entreprises et l’infrastructure.
Le patronat, qui a déjà fortement critiqué le gouvernement sur la manière dont il a géré les protestations dans les ports et du CPC, a exigé une action pour maintenir « la paix dans le monde du travail ». Le Ceylon National Chamber of Industries (CNCI) a écrit le 25 juillet à Rajapakse pour lui demander de prendre des mesures contre « des actions syndicales irresponsables et égoïstes ».
Un article dans le Sunday Island du 30 juillet a critiqué l’échec du gouvernement à étouffer immédiatement les campagnes des travailleurs. « Les syndicats ont déjà pris goût à l’affaire en remportant au moins une partie de ce qu’ils voulaient en employant l’arme de la grève. Ce ne peut être qu’une affaire de temps avant que d’autres syndicats suivent l’exemple du CPC et du port », a-t-il prévenu.
L’élite patronale est tout à fait consciente du fait qu’elle peut compter sur les dirigeants syndicaux qui ont délibérément contribué à miner et à affaiblir les luttes des travailleurs. Sa véritable crainte est cependant que les syndicats ne soient pas en mesure de contenir la rancœur et la colère populaires. En commentant le 6 août dans Ravaya les interdictions décrétées par le tribunal, Jayaratna Maliyagoda, le dirigeant du syndicat Ceylon General Workers Union, a émis cette mise en garde : « Si des grèves sont réprimées de la sorte, elles exploseront brusquement. Le gouvernement devrait en être conscient. »
Les remarques de Maliyagoda indiquent les motifs qui sous-tendent la reprise de la guerre. Incapable de satisfaire les nécessités sociales les plus élémentaires et les aspirations de la population laborieuse, Rajapakse recourt au même stratagème réactionnaire que la classe dirigeante a utilisé à chaque crise : attiser la défiance et la haine vis-à-vis d’une partie de la population dans le but de diviser la classe ouvrière. En poursuivant sa guerre pour la défense de l’Etat cinghalais et bouddhiste, le gouvernement est en train de préparer la guerre de classe contre la population laborieuse.
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