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Le gouvernement sri lankais prêt à réprimer les luttes des travailleurs
Par W.A. Sunil
24 août 2006
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Alors que la guerre civile s’intensifie, le
président Mahinda Rajapake multiplie ses efforts pour faire obstacle à toute
action des travailleurs en vue de défendre leur niveau de vie et leurs droits
démocratiques.
S’adressant à une réunion publique le 27
juillet à Kandegama, le président a déclaré : « Il est de la
responsabilité de tout un chacun de sauver son pays. Personne n’a le droit de
trahir la sécurité du pays. Chaque dirigeant syndicaliste devrait être prêt à
résoudre les problèmes au moyen de discussions. » Dans un discours
prononcé le 1er août à Colombo, il a fait la mise en garde
suivante : « Les gens devraient être plus conscients de leurs responsabilités
et aussi de leur patrie avant d’entreprendre des démarches pour sauvegarder
leurs droits. »
Ces appels à la « responsabilité »,
à la « sécurité nationale » et à la « défense de la
patrie » ont une signification politique définie et une longe histoire au
Sri Lanka. Tout au long du conflit prolongé dont le pays est en proie, les
élites dirigeantes de Colombo ont insisté de façon répétée pour que la
population laborieuse paie les coûts de la guerre, par le carnage des batailles
et la détérioration du niveau de vie.
Le 13 août, Rajapakse a tenu une réunion dans
sa résidence officielle pour s’assurer le concours de l’organisation
chauviniste cinghalaise JVP (Janatha Vimukthi Perumuna — Front de libération du
peuple) et de son syndicat national, le NTUC. Etaient rassemblés à sa résidence
officielle les députés JVP, K.D. Lal Kantha, Piyrisi Wijenayake et Wasantha
Samarasinghe, qui sont également des dirigeants syndicalistes.
Le président a lancé un appel aux syndicats
pour qu’ils résolvent les conflits sociaux au moyen de discussions et non par
des grèves, « en tenant compte de la situation qui règne dans le
pays ». Tous les dirigeants JVP ont accepté cette proposition avec
empressement. Ce parti, qui préconise ouvertement la fin du cessez-le-feu de 2002,
a fait une campagne sur l’ensemble de l’île sur le thème « tout pour la
patrie ».
Rajapakse avait, avec le soutien du JVP,
remporté de justesse les élections présidentielles de novembre dernier. Il
s’était lui-même promu comme « l’homme des simples gens » et avait
publié une longue liste de promesses électorales, y compris d’importantes
augmentations de salaire et des concessions pour venir en aide aux pauvres. Dès
son entrée en fonction, il renia ses promesses. Le gouvernement Rajapakse a
poursuivi les attaques sur le niveau de vie par le biais de privatisations, de
la restructuration économique et de restrictions budgétaires.
La conséquence en a été une agitation sociale
croissante en raison de l’envol des prix des produits et des services
essentiels. Sur les premiers sept mois, fin juillet, l’indice du coût de la vie
a fait un bond de 368 points en passant de 4.304 à 4.672. En mars, des
centaines de milliers d’employés du secteur public avaient lancé une campagne
de protestation en faveur d’une augmentation de salaire, exprimant ainsi un
mécontentement grandissant parmi de vastes sections de la population
laborieuse.
En juillet, les ouvriers du Port de Colombo
ont lancé une campagne pour une hausse des salaires alors que les employés de
Ceylon Petroleum Corporation (CPC) préparaient un plan d’action contre les
projets de privatisation. Réagissant aux inquiétudes qui se sont fait jour dans
les milieux d’affaires, le gouvernement a déposé une requête auprès du tribunal
et a obtenu des ordonnances pour interdire les différentes campagnes. Une
ordonnance interdisant toute action des travailleurs portuaires a depuis été
prorogée jusqu’au 27 novembre.
Rajapakse n’est nullement en position de faire
des concessions à la classe ouvrière. Le Fonds monétaire international (FMI) et
la Banque mondiale ont suspendu tout paiement dans le but de forcer Colombo à
accélérer la mise en vigueur des réformes du marché. En conséquence, pour
pouvoir régler les dépenses au jour le jour, le gouvernement a été obligé
d’emprunter de l’argent sur les marchés monétaires internationaux à des taux
d’intérêt bien supérieurs.
Le Lanka business online a fait hier le
commentaire suivant : « Depuis 2005, le Sri Lanka a eu des
difficultés à se qualifier pour des emprunts à des taux d’intérêt réduits
auprès d’organismes prêteurs multinationaux tels la Banque mondiale parce que
sa politique macro-économique est faible pour ce qui est de la prudence fiscale
et des réformes économiques, l’obligeant à compter plus sur les dollars
commerciaux. »
La décision de Rajapakse de replonger le pays
dans la guerre ne fera qu’aggraver la crise économique. Non seulement les
dépenses augmenteront inévitablement, mais le conflit aura également pour effet
une diminution des investissements étrangers qui sont absolument nécessaires.
Si les combats traînent en longueur, ils feront des ravages dans les
entreprises et l’infrastructure.
Le patronat, qui a déjà fortement critiqué le
gouvernement sur la manière dont il a géré les protestations dans les ports et
du CPC, a exigé une action pour maintenir « la paix dans le monde du
travail ». Le Ceylon National Chamber of Industries (CNCI) a écrit le 25
juillet à Rajapakse pour lui demander de prendre des mesures contre « des
actions syndicales irresponsables et égoïstes ».
Un article dans le Sunday Island du 30
juillet a critiqué l’échec du gouvernement à étouffer immédiatement les
campagnes des travailleurs. « Les syndicats ont déjà pris goût à l’affaire
en remportant au moins une partie de ce qu’ils voulaient en employant l’arme de
la grève. Ce ne peut être qu’une affaire de temps avant que d’autres syndicats
suivent l’exemple du CPC et du port », a-t-il prévenu.
L’élite patronale est tout à fait consciente
du fait qu’elle peut compter sur les dirigeants syndicaux qui ont délibérément
contribué à miner et à affaiblir les luttes des travailleurs. Sa véritable
crainte est cependant que les syndicats ne soient pas en mesure de contenir la
rancœur et la colère populaires. En commentant le 6 août dans Ravaya les
interdictions décrétées par le tribunal, Jayaratna Maliyagoda, le dirigeant du
syndicat Ceylon General Workers Union, a émis cette mise en garde :
« Si des grèves sont réprimées de la sorte, elles exploseront brusquement.
Le gouvernement devrait en être conscient. »
Les remarques de Maliyagoda indiquent les
motifs qui sous-tendent la reprise de la guerre. Incapable de satisfaire les
nécessités sociales les plus élémentaires et les aspirations de la population
laborieuse, Rajapakse recourt au même stratagème réactionnaire que la classe
dirigeante a utilisé à chaque crise : attiser la défiance et la haine
vis-à-vis d’une partie de la population dans le but de diviser la classe
ouvrière. En poursuivant sa guerre pour la défense de l’Etat cinghalais et
bouddhiste, le gouvernement est en train de préparer la guerre de classe contre
la population laborieuse.
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