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La guerre maintenant, la paix plus tard : les colombes d’Israël sur la voie de la guerre
Deuxième partie
Par Jean Shaoul
23 août 2006
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Ce qui suit est la conclusion d’un article
en deux parties sur la position adoptée par le mouvement israélien La Paix
Maintenant à l’égard des guerres d’agression au Liban et à Gaza menées par le
gouvernement d’Ehoud Olmert. La première partie a été publiée le lundi 21 août.
Le soutien apporté par La Paix Maintenant et
d’autres groupes pacifistes libéraux en faveur de l’expansionnisme sioniste
découle inexorablement de leur acceptation de la légitimité d’un Etat
capitaliste basé sur le retrait forcé des Palestiniens et la domination
religieuse et ethnique des Juifs sur les non-Juifs.
Le mouvement de la paix s’est développé après
la visite à Jérusalem en 1977, du président égyptien, Anwar Sadat. Il s’est
opposé à l’expansion des colonies sionistes dans les territoires saisis durant
la guerre de 1967 et a dénoncé l’invasion d’Israël au Liban en 1978 par le tout
premier gouvernement Likoud de Menachem Beigin. Mais, la direction de La Paix Maintenant
et la perspective que celui-ci a avancée n’a pas simplement articulé le désir
du peuple israélien d’arriver à un accord au sujet du conflit de longue date
avec les Palestiniens et les voisins arabes d’Israël.
Il a aussi exprimé une tendance politique
existant au sein de l’élite sioniste dont le souci primordial était la sécurité
et la survie à long terme de l’Etat d’Israël. La Paix Maintenant a argumenté
qu’un Israël plus petit vivant en paix avec ses voisins était préférable à un
Grand Israël qui serait en permanence en guerre. Toute autre politique créerait
« des doutes quant à la justesse de notre cause, » avait-t-il
affirmé.
C’est avant tout la survie à long terme
d’Israël qui nécessitait que la classe ouvrière s’assimile en permanence à
l’Etat bourgeois, une assimilation qui était menacée par une opposition montante
à l’intérieur du pays contre l’assujettissement des Palestiniens et des
Libanais. « La véritable force de l’armée israélienne vient de l’assimilation
du soldat-citoyen avec la politique de l’Etat, » a affirmé La Paix
Maintenant.
Les dirigeants du mouvement ont proposé une
solution nationaliste au conflit : l’établissement d’un Etat palestinien
aux côtés d’un Etat israélien. Principalement, des forces palestiniennes
et non israéliennes garderaient les frontières pour le compte d’Israël.
En 1992, le Parti Meretz, en fait l’aile
politique de La Paix Maintenant, avait proposé que les frontières
palestiniennes soient décidées conformément aux besoins sécuritaires d’Israël,
et non selon le tracé d’avant 1967 et qu’une Jérusalem non divisée serait la
capitale d’Israël.
La logique de la solution de deux Etats était
que chaque Etat serait ethniquement homogène : aussi peu de Palestiniens
que possible resteraient en Israël et aussi peu d’Israéliens que possible
seraient soumis au régime palestinien. Il y aurait un trafic frontalier de
marchandises, principalement d’Israël vers la Palestine, mais pas de personnes.
Les travailleurs palestiniens, que Merez considérait comme une menace à la fois
pour la sécurité d’Israël et les salaires des travailleurs israéliens, seraient
généralement empêchés de travailler en Israël et les frontières seraient
étroitement surveillées pour empêcher tout « passage illégal de la
frontière ». La plateforme programmatique du parti disait, « Une
séparation nette entre les deux populations est désirable à la fois du point de
vue de la sécurité que du point de vue d’une paix israélo-palestinienne
permanente. »
En se concentrant sur le principe « terre
en échange de la paix », le mouvement La Paix Maintenant a ignoré les
conditions économiques et sociales auxquelles une grande partie de la
population israélienne étaient confrontée, principalement les Juifs originaires
du Proche-Orient et d’Afrique du Nord (Juifs sépharades) et les Israéliens
arabes qui connaissent les pires conditions d’emploi et de logement.
En dépit du fait que les petites colonies
avaient coûté des milliards de dollars de l’argent des contribuables, La Paix
Maintenant n’a pas entrepris grand-chose pour essayer d’expliquer que la
détérioration des conditions sociales des travailleurs israéliens était une
conséquence directe de la politique de colonisation. Ce n’est pas là un hasard.
Ses dirigeants étaient décidés à éviter toute action qui provoquerait des
conflits de classe en Israël. Leur propagande visait à obtenir le soutien de
couches de la classe dirigeante israélienne qui cherchaient à conclure une
sorte d’arrangement avec les Palestiniens afin d’être mieux en mesure de
poursuivre leur programme qui était de faire d’Israël la machine économique du
Proche-Orient.
Par conséquent, le mouvement de la paix
israélien était organiquement incapable de formuler une perspective articulant
à la fois les aspirations démocratiques et sociales des citoyens juifs et
arabes d’Israël et des Palestiniens vivants hors des frontières israéliennes.
Son engagement en faveur de la paix était subordonné
à son inquiétude concernant la préservation d’Israël et ses besoins
économiques. Dans une grande mesure, ses différends avec l’aile droite étaient
d’ordre tactique et concernaient le meilleur moyen de sauvegarder l’intérêt
national israélien.
A la fin, le programme de La Paix Maintenant est
devenu la politique officielle de la bourgeoisie israélienne. Le gouvernement
travailliste contribua à l’événement en signant en 1993 sur la pelouse de la Maison-Blanche
les accords d’Oslo. Ensuite, le gouvernement Likoud, sous la direction de
Benyamin Netanyahu, puis le gouvernement de courte durée d’Ariel Sharon, ainsi
que la présente coalition menée par Kadima, ont tous endossé la notion d’une
entité palestinienne et ce, en dépit du fait que les frontières de celle-ci
soient déterminées unilatéralement par Israël.
Les négociations ultérieures d’Oslo furent
sans cesse compromises par le besoin d’apaiser les sionistes de droite pour qui
tout abandon de colonies correspondait à un anathème et dont les exigences
devenaient de plus en plus impérieuses.
Au fur et à mesure que rétrécissaient les
frontières de l’Etat offert aux Palestiniens, diminuait également le contrôle
exercé par l’Autorité palestinienne sur ses propres ressources. Dans le même
temps, la séparation entre Israël et l’Etat putatif entraînait pour les Palestiniens
de plus en plus de rigueur économique, de privations sociales et d’oppression
politique alors qu’une poignée de familles palestiniennes amassaient des
fortunes prodigieuses.
Rien de tout ce qu’Israël pouvait ou voulait
concéder n’offrait la moindre perspective de soulagement à la souffrance
endurée par les Palestiniens. Ainsi, en septembre 2000, la provocation de la
part de Sharon au mont du Temple/Haram Al-Sharif, mit le feu à un baril de
poudre social que Yasser Arafat ne fut pas en mesure de contrôler.
Surpris par la logique amère de son propre
programme, le mouvement La Paix Maintenant se désintégra. Ses résultats
électoraux s’effondrèrent et on n’entendit plus guère parler de ses dirigeants.
La plupart d’entre eux se firent l’écho de la droite, imputant l’échec des
négociations à Arafat et devenant de ce fait indiscernables du Parti
travailliste et de partis encore plus droitiers.
Amos Oz proclama que les Juifs et les
Palestiniens « ne peuvent pas vivre ensemble comme une famille heureuse
car ils ne le sont pas. La seule chose restant à faire est de tracer une ligne
de partage à travers le pays en suivant grosso modo les réalités démographiques. »
Ses propos préfigurèrent le tristement célèbre mur de sécurité de Sharon et sa
politique de séparation unilatérale de Sharon.
Shimon Pérès et Yossi Beilin, les architectes
d’Oslo, saluèrent et soutinrent la décision de Sharon d’un démantèlement unilatéral
des colonies et de l’installation de l’armée à Gaza, permettant ainsi aux
puissances impérialistes et à leurs médias serviles de faire de ce criminel de
premier rang une célébrité en le qualifiant d’homme de la paix. Pas un des
promoteurs de La Paix Maintenant n’a dénoncé cette caractérisation comme une
duperie.
La faillite de La Paix Maintenant a ses
racines dans l’acceptation de cette condition sine qua non du sionisme,
à savoir que les Juifs et les Arabes ne peuvent pas vivre ensemble. Les sionistes
ont établi un Etat fondé sur le nettoyage ethnique de près d’un million de
Palestiniens et la discrimination systématique contre ceux qui restaient.
Des Arabes israéliens, qui comptent pour 20
pour cent de la population, endurent un chômage bien plus grand, risquent deux
fois plus d’être pauvres, ont les emplois les moins bien payés et sont privés
d’allocation logement, d’allocation de loyer ou d’emprunt immobilier. Les
personnes non-juives sont en général exclues de l’acquisition de terrains de sorte
qu’aucune ville arabe n’a été construite depuis l’établissement de l’Etat
d’Israël en 1948. De la même façon, ils ont un accès plus restreint à
l’éducation, à la santé et aux autres services sociaux que les Juifs
israéliens.
La Paix Maintenant accepte l’organisation
capitaliste de la société basée sur la domination d’une poignée de familles qui
contrôlent le marché financier de Tel-Aviv, un système économique qui génère un
fossé sans cesse grandissant entre riches et pauvres.
Cette acceptation du sionisme a fait que le
mouvement de la paix a été de moins en moins capable de défier la perspective
sioniste plus agressive qui s’est imposée sous la direction de Sharon. Les deux
tendances sionistes se sont rendu compte qu’une perspective permettant que les
Palestiniens deviennent la majorité dans un Etat où la citoyenneté est basée
sur l’identité religieuse constituerait une « menace existentielle. »
Et donc, le camp de la paix s’est rallié au gouvernement le plus droitier
qu’Israël eût connu jusque-là.
Près de 60 ans après la création d’Israël,
l’utopie sioniste réactionnaire d’un Etat national dans lequel les Juifs du
monde pourraient trouver refuge a été réalisée sous la forme d’un Etat
capitaliste créé en dépossédant un peuple et qui subsiste au moyen de guerres,
de répression et de l’inégalité sociale. Toutes les ailes de la bourgeoisie
sioniste se sont à présent réunies dans cette entreprise.
Le rôle d’Israël comme une entreprise
sous-traitant de l’impérialisme américain signifie des dépenses militaires sans
cesse croissantes et des attaques contre ses voisins, représentant ainsi le
risque d’une instabilité politique de plus en plus grande.
Un
programme socialiste et internationaliste
Pour les Israéliens qui cherchent à s’opposer
à la guerre, aller de l’avant présuppose avant tout qu’ils reconnaissent qu’une
telle lutte est incompatible avec un soutien du sionisme.
L’impasse dans laquelle le sionisme a mené les
travailleurs juifs est une expression de l’échec de tous les mouvements qui se
basent sur une perspective nationaliste pour le règlement de toutes les grandes
questions auxquelles la classe ouvrière est confrontée. Ceci compte également
pour les pays arabes où les cliques dirigeantes ont manipulé les sentiments
nationalistes et la rancœur intense à l’égard d’Israël dans le but de détourner
la classe ouvrière des luttes sociales.
L’expérience historique a montré à maintes
reprises, dans les Balkans, en Irlande, en Afrique et au Proche-Orient même,
que les antagonismes ethniques, nationaux et religieux ne peuvent pas être
surmontés au moyen d’accords imposés dans un cadre capitaliste. De telles
divisons ne peuvent être surmontées qu’en unissant tous les opprimés, Arabes et
Juifs pareillement, sous la direction de la classe ouvrière dans une lutte contre
la domination impérialiste et le système de profit.
Seule une lutte pour le socialisme, pour les
Etats-Unis socialistes du Proche-Orient, peut ouvrir la voie à un véritable
développement démocratique basé sur la suppression des frontières artificielles
qui furent imposées dans la région après la Première Guerre mondiale et qui
divisent les peuples et les économies de la région ainsi que sur la
mobilisation rationnelle et humaine des vastes ressources naturelles et
humaines de la région dans l’intérêt de la population tout entière.
Ce n’est que de cette façon que la région
pourra se libérer des guerres et de l’oppression qui sont attisées par la
course au profit des capitalistes étrangers et des classes dirigeantes
autochtones. Ceci signifie avant tout l’établissement de l’indépendance
politique des travailleurs juifs et arabes par rapport à tous les représentants
des régimes bourgeois.
Fin
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