WSWS : Nouvelles et analyses : États-Unis
Malgré que seul un minimum de détails eut été dévoilé sur le présumé complot terroriste qui visait à faire exploser des vols transatlantiques, le peuple américain est soumis encore une fois à une campagne de peur et d’intimidation de la part de la Maison-Blanche.
Le but de cette propagande, facilitée et encouragée par les médias, est de représenter l’opposition à la guerre en Irak et aux politiques de l’administration Bush en général comme l’équivalent de collusion avec le terrorisme ou de capitulation face aux attentats meurtriers.
L’administration n’a même pas attendu que les arrestations soient annoncées, mais a plutôt pris les devants par une déclaration répugnante du vice-président Dick Cheney, qui a organisé mercredi une rare téléconférence avec les médias afin de prononcer son verdict sur la défaite du démocrate sortant aux primaires du Connecticut, le sénateur Joseph Lieberman. Le sénateur, qui tentait d’obtenir son quatrième mandat et qui a été candidat à la vice-présidence démocrate en 2000, a été défait par le nouveau venu politique Ned Lamont, qui a effectué sa campagne en tant que critique de la guerre en Irak et a attaqué Lieberman pour son appui énergique à la guerre.
Cheney a décrit la défaite de Lieberman, qui a été le démocrate le plus servile des politiques de l’administration Bush, comme étant « une inquiétude », particulièrement « en ce qui concerne les efforts nationaux dans la guerre globale au terrorisme ».
« Ce qui est en partie troublant, a poursuivi Cheney, est le fait que le point de vue de nos adversaires, si vous voulez, dans ce conflit, et de ceux du type al-Qaïda, consiste à croire qu’ils réussiront, au bout du compte, à briser la volonté du peuple américain de poursuivre le combat et de finir la tâche. »
Le message était clair : la majorité de démocrates du Connecticut qui ont voté mardi pour un candidat anti-guerre ont aidé et encouragé al-Qaïda.
Au moment où Cheney proférait ces calomnies provocatrices, il était, comme Bush, maintenu informé de l’enquête policière en Grande-Bretagne et savait que d’importantes descentes et arrestations, combinées à une campagne médiatique à scandale à propos du terrorisme, étaient en vue.
Le porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Snow, a déclaré le même jour à la presse que les démocrates avaient levé « le drapeau blanc dans la guerre au terrorisme ».
Des sentiments identiques ont été exprimés par Lieberman lui-même après l’annonce des arrestations britanniques. Le sénateur, renié au scrutin par les électeurs de son propre parti, défie maintenant leur verdict sur ses politiques et se présente comme indépendant contre Lamont. L’appui pour Lamont, a-t-il déclaré, serait considéré « comme une immense victoire par les mêmes personnes qui voulaient faire exploser ces avions dans le complot qui se tramait en Angleterre ».
Entre les déclarations de Cheney et Lieberman, le président Bush a fait sa propre contribution à la campagne de peur, diffusée nationalement en direct à la télévision, de la piste d’atterrissage d’un aéroport du Wisconsin. « Cette nation est en guerre contre les fascistes islamiques qui vont utiliser tous les moyens pour détruire ceux d’entre nous qui aiment la liberté, pour blesser notre nation », a-t-il déclaré, ajoutant « Le peuple américain doit savoir que nous vivons dans un monde dangereux, mais notre gouvernement fera tout en son pouvoir pour protéger notre peuple contre ces dangers. »
Peu d’informations ont jusqu’à maintenant été rendues publiques sur l’identité et sur l’idéologie des suspects du présumé complot britannique. Toutefois, s’il y a quelque chose qui ressemble à du fascisme, c’est bien les déclarations ignobles faites par Cheney et Lieberman.
Dans la première phase de la « guerre globale au terrorisme » de Bush, le président des Etats-Unis avait fait son infâme mise en garde au monde : « Vous êtes soit avec nous ou contre nous. » Maintenant, le même message est transmis en termes sans équivoque au peuple américain : la dissidence politique et l’opposition — même la plus réservée — à la politique de guerre internationale et l’offensive contre les droits démocratiques au pays représentent un appui au terrorisme.
La tentative de Cheney, Bush et Lieberman de présenter leurs opposants comme des dupes et complices des terroristes vise clairement distraire l’attention publique de leur propre rôle criminel ayant entraîné le peuple américain dans une guerre illégale et non provoquée basée sur des mensonges. Elle vise également à distraire l’opinion publique du désastre que l’aventure impérialiste en Irak a produit.
Ce n’est pas nouveau. Lors des élections nationales de 2004, approximativement au même stade du calendrier électoral, le public était à nouveau soumis à une autre peur terroriste. Des alertes « code orange » furent annoncé à New York, Washington et Newark, New Jersey et des unités spéciales lourdement armées furent déployées autour des institutions financières importantes dans chacune de ces trois villes. Il fut subséquemment révélé que l’information ayant provoqué l’alerte datait de plus de trois ou quatre ans, la majeure partie de l’information ayant été recueillie de source publique sur Internet. Il n’y avait aucune base pour une attaque imminente.
(A l’époque, c’était Lieberman qui avait attaqué son collègue démocrate, Howard Dean, pour avoir suggéré une motivation politique derrière l’annonce de la menace alléguée. « Aucune personne saine d’esprit ne pourrait penser que le président ou le secrétaire à la Sécurité nationale pourrait soulever un code d’alerte et effrayer la population pour une motivation politique », avait-il déclaré.)
La nature exacte la preuve dans le présent cas de terreur en Grande-Bretagne reste à voir. Cependant, les gens devraient garder à l’esprit que les antécédents des autorités britanniques en semblable matière ne sont pas mieux que ceux de leurs semblables en Amérique. En juin dernier seulement, un raid policier d’envergure dans une résidence située dans la localité de Forest Gate dans l’est de Londres, durant lequel un homme a été abattu et plusieurs autres blessés avant qu’une horde de policiers en vêtement de protection contre les produits chimiques ne débarquent dans la résidence. Aucune preuve n’a été trouvée et personne n’a été accusé.
En juillet de l’année précédente, il y a eu l’exécution de l’immigrant brésilien Jean Charles de Menezes, un travailleur innocent que les commandants des forces de police ont tenté de présenter comme suspect terroriste.
Et en 2003, il y a eu le soi-disant « complot terroriste au ricin », impliquant un présumé laboratoire d’al_Qaïda dans le nord de Londres fabriquant « des armes de destruction massive » à partir de graines de ricin. La cause c’est effondré, alors qu’à l’évidence il n’existait pas de complot terroriste, pas d’arme et aucun moyen pour les fabriquer.
L’histoire complète du présent complot terroriste reste encore à être divulguée. Que les conditions politiques pour l’existence d’une telle attaque existent et qu’elles aient été exacerbées par l’occupation américaine en Irak et l’appui inconditionnel donné par Washington à l’assaut militaire d’Israël contre le Liban est indéniable. Mais étant donné leurs antécédents, il n’y aucune raison d’accepter sans critique les prétentions des gouvernements américain et britannique et toutes les raisons de demander que leurs affirmations soient soutenue par des faits.
La tentative de Cheney, Lieberman et autre d’exploiter les nouvelles de Londres témoigne de l’exercice d’un cynisme sans retenue. Dans le camp républicain, les nouvelles d’un soi-disant complot démasqué ont été accueillies avec un plaisir à peine masqué.
« Quelques semaines avant le 11 septembre, une telle attaque aura un grand impact », a dit un responsable de la Maison-Blanche à l’Agence France-presse. Il a ensuite ajouté que certains candidats démocrates n’auront plus l’air « aussi attirant » à la lumière de ces événements.
Le Wall Street Journal, dont les pages éditoriales reflètent généralement avec le plus de fidélité les vues des cercles de la droite qui dominent la Maison-Blanche, a saisi l’occasion que lui offrait le supposé complot pour justifier tous les crimes de l’administration Bush, des guerres d’agression aux enlèvements et à la torture en passant par l’espionnage illégal.
« Les véritables leçons de la victoire antiterroriste d’hier en Grande-Bretagne, a conclu le Wall Street Journal, sont que la menace est toujours là et que le gouvernement américain doit utiliser tous les moyens légaux à sa disposition pour la défaire. » Les méthodes citées par le quotidien sont toutefois manifestement illégales
Des millions d’Américains ont déjà tiré leurs propres conclusions de l’invocation continuelle au terrorisme pour justifier de tels crimes. Le scepticisme envers les affirmations du gouvernement et la méfiance envers ses objectifs ont trouvé expression dans un sondage réalisé en mai par Zogby International, qui a trouvé que 42 pour cent de la population croient que l’administration Bush a caché les faits des attaques du 11 septembre 2001 — un événement que l’administration a continuellement exploité comme prétexte à ses politiques.
Le contexte politique essentiel duquel s’élèvent les attaques politiques entourant la défaite de Lieberman et les suggestions que des sections du Parti démocrate sont des sympathisants terroristes est le résultat de l’adoption par le Parti républicain et le Parti démocrate de la perspective de la guerre indéfinie contre le terrorisme. C’est l’axe bipartisan de la politique étrangère américaine. Les disputes entre les démocrates et les républicains portent largement sur la meilleure tactique à adopter pour continuer cette soi-disant guerre.
C’est aussi le cas du politicien démocrate prétendument anti-guerre par excellence, Ned Lamont, qui a gagné les primaires du Connecticut. Il n’appelle pas pour le retrait immédiat et inconditionnel des troupes américaines de l’Irak, mais plutôt pour une « stratégie gagnante » qui impliquerait le redéploiement des forces américaines dans la région d’une façon plus cohérente avec l’objectif stratégique de Washington de contrôler le pétrole du Moyen-Orient.
Les deux partis ont appuyé les changements radicaux dans la structure et le pouvoir des forces sécuritaires intérieures définis dans le Patriot Act, qui, avec le département de la Sécurité de la patrie, le Commandement du Nord, les commissions militaires et les vastes programmes d’espionnage intérieur, ont jeté les bases d’un Etat-policier américain.
Les démocrates ont de plus en plus monté leurs attaques contre la politique de l’administration en Irak de telle façon à souligner leur appui à la « guerre au terrorisme », dénigrant l’occupation indéfinie de l’Irak pour être une distraction de la « véritable » guerre au terrorisme. Certains prônent que les forces américaines soient redéployées en Afghanistan, qui devient de plus en plus hors de contrôle, d’autres appellent pour des mesures plus dures contre l’Iran et la Corée du Nord et pratiquement tous demandent des ressources plus importantes pour la sécurité intérieure.
En fin de compte, ces deux partis représentent une petite élite financière dont les intérêts sont diamétralement opposés à ceux des travailleurs qui forment l’immense majorité de la population. L’immense gouffre social qui divise cette strate dirigeante du reste du peuple ne laisse aucun espace pour une véritable démocratie aux Etats-Unis et donne naissance aux politiques empoisonnées du militarisme pour l’étranger et de la répression policière pour l’intérieur.
La lutte pour mettre fin à la guerre, ainsi qu’aux conditions de pauvreté et à l’oppression qui en fin de compte sont le terreau du terrorisme et pour défendre les droits démocratiques ne peut aller de l’avant qu’avec une brisure décisive d’avec le Parti démocrate et le système des deux partis. Ce qu’il faut, c’est une mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière basée sur un programme socialiste et internationaliste qui cherche à unir les travailleurs aux Etats-Unis avec les travailleurs du Moyen-Orient et partout dans le monde dans une lutte commune contre le système de profit.
C’est pour avancer cette perspective et ce programme et pour jeter les bases pour le développement d’un nouveau mouvement de masse indépendant de la classe ouvrière que le Parti de l’égalité socialiste intervient dans les élections américaines de 2006.
Copyright
1998 - 2012 |
|