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A la suite des arrestations de Londres : On tente à nouveau de terroriser le peuple américain
Par Bill Van Auken, candidat du Parti de l’égalité socialiste au Sénat américain dans l’Etat de New York
14 août 2006
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Malgré que seul un minimum de détails eut été dévoilé sur
le présumé complot terroriste qui visait à faire exploser des vols
transatlantiques, le peuple américain est soumis encore une fois à une campagne
de peur et d’intimidation de la part de la Maison-Blanche.
Le but de cette propagande, facilitée et encouragée par les
médias, est de représenter l’opposition à la guerre en Irak et aux politiques
de l’administration Bush en général comme l’équivalent de collusion avec le
terrorisme ou de capitulation face aux attentats meurtriers.
L’administration n’a même pas attendu que les arrestations
soient annoncées, mais a plutôt pris les devants par une déclaration répugnante
du vice-président Dick Cheney, qui a organisé mercredi une rare téléconférence
avec les médias afin de prononcer son verdict sur la défaite du démocrate
sortant aux primaires du Connecticut, le sénateur Joseph Lieberman. Le sénateur,
qui tentait d’obtenir son quatrième mandat et qui a été candidat à la
vice-présidence démocrate en 2000, a été défait par le nouveau venu politique
Ned Lamont, qui a effectué sa campagne en tant que critique de la guerre en
Irak et a attaqué Lieberman pour son appui énergique à la guerre.
Cheney a décrit la défaite de Lieberman, qui a été le
démocrate le plus servile des politiques de l’administration Bush, comme étant
« une inquiétude », particulièrement « en ce qui concerne les
efforts nationaux dans la guerre globale au terrorisme ».
« Ce qui est en partie troublant, a poursuivi Cheney,
est le fait que le point de vue de nos adversaires, si vous voulez, dans ce
conflit, et de ceux du type al-Qaïda, consiste à croire qu’ils réussiront, au
bout du compte, à briser la volonté du peuple américain de poursuivre le combat
et de finir la tâche. »
Le message était clair : la majorité de démocrates du
Connecticut qui ont voté mardi pour un candidat anti-guerre ont aidé et
encouragé al-Qaïda.
Au moment où Cheney proférait ces calomnies provocatrices,
il était, comme Bush, maintenu informé de l’enquête policière en
Grande-Bretagne et savait que d’importantes descentes et arrestations,
combinées à une campagne médiatique à scandale à propos du terrorisme, étaient
en vue.
Le porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Snow, a déclaré
le même jour à la presse que les démocrates avaient levé « le drapeau
blanc dans la guerre au terrorisme ».
Des sentiments identiques ont été exprimés par Lieberman
lui-même après l’annonce des arrestations britanniques. Le sénateur, renié au
scrutin par les électeurs de son propre parti, défie maintenant leur verdict
sur ses politiques et se présente comme indépendant contre Lamont. L’appui pour
Lamont, a-t-il déclaré, serait considéré « comme une immense victoire par
les mêmes personnes qui voulaient faire exploser ces avions dans le complot qui
se tramait en Angleterre ».
Entre les déclarations de Cheney et Lieberman, le président
Bush a fait sa propre contribution à la campagne de peur, diffusée
nationalement en direct à la télévision, de la piste d’atterrissage d’un
aéroport du Wisconsin. « Cette nation est en guerre contre les fascistes
islamiques qui vont utiliser tous les moyens pour détruire ceux d’entre nous
qui aiment la liberté, pour blesser notre nation », a-t-il déclaré,
ajoutant « Le peuple américain doit savoir que nous vivons dans un
monde dangereux, mais notre gouvernement fera tout en son pouvoir pour protéger
notre peuple contre ces dangers. »
Peu d’informations ont jusqu’à maintenant été rendues
publiques sur l’identité et sur l’idéologie des suspects du présumé complot
britannique. Toutefois, s’il y a quelque chose qui ressemble à du fascisme,
c’est bien les déclarations ignobles faites par Cheney et Lieberman.
Dans la première phase de la « guerre globale au
terrorisme » de Bush, le président des Etats-Unis avait fait son infâme
mise en garde au monde : « Vous êtes soit avec nous ou contre
nous. » Maintenant, le même message est transmis en termes sans équivoque
au peuple américain : la dissidence politique et l’opposition — même la
plus réservée — à la politique de guerre internationale et l’offensive contre
les droits démocratiques au pays représentent un appui au terrorisme.
La tentative de Cheney, Bush et Lieberman de présenter leurs
opposants comme des dupes et complices des terroristes vise clairement
distraire l’attention publique de leur propre rôle criminel ayant entraîné le
peuple américain dans une guerre illégale et non provoquée basée sur des
mensonges. Elle vise également à distraire l’opinion publique du désastre que
l’aventure impérialiste en Irak a produit.
Ce n’est pas nouveau. Lors des élections nationales de 2004,
approximativement au même stade du calendrier électoral, le public était à
nouveau soumis à une autre peur terroriste. Des alertes « code
orange » furent annoncé à New York, Washington et Newark, New Jersey et
des unités spéciales lourdement armées furent déployées autour des institutions
financières importantes dans chacune de ces trois villes. Il fut subséquemment
révélé que l’information ayant provoqué l’alerte datait de plus de trois ou
quatre ans, la majeure partie de l’information ayant été recueillie de source
publique sur Internet. Il n’y avait aucune base pour une attaque imminente.
(A l’époque, c’était Lieberman qui avait attaqué son collègue
démocrate, Howard Dean, pour avoir suggéré une motivation politique derrière
l’annonce de la menace alléguée. « Aucune personne saine d’esprit ne pourrait
penser que le président ou le secrétaire à la Sécurité nationale pourrait
soulever un code d’alerte et effrayer la population pour une motivation
politique », avait-il déclaré.)
La nature exacte la preuve dans le présent cas de terreur en Grande-Bretagne
reste à voir. Cependant, les gens devraient garder à l’esprit que les
antécédents des autorités britanniques en semblable matière ne sont pas mieux
que ceux de leurs semblables en Amérique. En juin dernier seulement, un raid
policier d’envergure dans une résidence située dans la localité de Forest Gate
dans l’est de Londres, durant lequel un homme a été abattu et plusieurs autres blessés
avant qu’une horde de policiers en vêtement de protection contre les produits
chimiques ne débarquent dans la résidence. Aucune preuve n’a été trouvée et
personne n’a été accusé.
En juillet de l’année précédente, il y a eu l’exécution de
l’immigrant brésilien Jean Charles de Menezes, un travailleur innocent que les
commandants des forces de police ont tenté de présenter comme suspect terroriste.
Et en 2003, il y a eu le soi-disant « complot terroriste
au ricin », impliquant un présumé laboratoire d’al_Qaïda dans le nord de
Londres fabriquant « des armes de destruction massive » à partir de
graines de ricin. La cause c’est effondré, alors qu’à l’évidence il n’existait
pas de complot terroriste, pas d’arme et aucun moyen pour les fabriquer.
L’histoire complète du présent complot terroriste reste encore
à être divulguée. Que les conditions politiques pour l’existence d’une telle
attaque existent et qu’elles aient été exacerbées par l’occupation américaine
en Irak et l’appui inconditionnel donné par Washington à l’assaut militaire
d’Israël contre le Liban est indéniable. Mais étant donné leurs antécédents, il
n’y aucune raison d’accepter sans critique les prétentions des gouvernements
américain et britannique et toutes les raisons de demander que leurs
affirmations soient soutenue par des faits.
La tentative de Cheney, Lieberman et autre d’exploiter les
nouvelles de Londres témoigne de l’exercice d’un cynisme sans retenue. Dans le
camp républicain, les nouvelles d’un soi-disant complot démasqué ont été accueillies
avec un plaisir à peine masqué.
« Quelques semaines avant le 11 septembre, une telle
attaque aura un grand impact », a dit un responsable de la Maison-Blanche
à l’Agence France-presse. Il a ensuite ajouté que certains candidats démocrates
n’auront plus l’air « aussi attirant » à la lumière de ces
événements.
Le Wall Street Journal, dont les pages éditoriales
reflètent généralement avec le plus de fidélité les vues des cercles de la
droite qui dominent la Maison-Blanche, a saisi l’occasion que lui offrait le
supposé complot pour justifier tous les crimes de l’administration Bush, des
guerres d’agression aux enlèvements et à la torture en passant par l’espionnage
illégal.
« Les véritables leçons de la victoire antiterroriste
d’hier en Grande-Bretagne, a conclu le Wall Street Journal, sont que la
menace est toujours là et que le gouvernement américain doit utiliser tous les
moyens légaux à sa disposition pour la défaire. » Les méthodes citées par
le quotidien sont toutefois manifestement illégales
Des millions d’Américains ont déjà tiré leurs propres
conclusions de l’invocation continuelle au terrorisme pour justifier de tels
crimes. Le scepticisme envers les affirmations du gouvernement et la méfiance
envers ses objectifs ont trouvé expression dans un sondage réalisé en mai par
Zogby International, qui a trouvé que 42 pour cent de la population croient que
l’administration Bush a caché les faits des attaques du 11 septembre 2001 — un
événement que l’administration a continuellement exploité comme prétexte à ses
politiques.
Le contexte politique essentiel duquel s’élèvent les attaques
politiques entourant la défaite de Lieberman et les suggestions que des
sections du Parti démocrate sont des sympathisants terroristes est le résultat
de l’adoption par le Parti républicain et le Parti démocrate de la perspective de
la guerre indéfinie contre le terrorisme. C’est l’axe bipartisan de la
politique étrangère américaine. Les disputes entre les démocrates et les
républicains portent largement sur la meilleure tactique à adopter pour
continuer cette soi-disant guerre.
C’est aussi le cas du politicien démocrate prétendument
anti-guerre par excellence, Ned Lamont, qui a gagné les primaires du
Connecticut. Il n’appelle pas pour le retrait immédiat et inconditionnel des
troupes américaines de l’Irak, mais plutôt pour une « stratégie
gagnante » qui impliquerait le redéploiement des forces américaines dans
la région d’une façon plus cohérente avec l’objectif stratégique de Washington
de contrôler le pétrole du Moyen-Orient.
Les deux partis ont appuyé les changements radicaux dans la
structure et le pouvoir des forces sécuritaires intérieures définis dans le
Patriot Act, qui, avec le département de la Sécurité de la patrie, le
Commandement du Nord, les commissions militaires et les vastes programmes
d’espionnage intérieur, ont jeté les bases d’un Etat-policier américain.
Les démocrates ont de plus en plus monté leurs attaques contre
la politique de l’administration en Irak de telle façon à souligner leur appui
à la « guerre au terrorisme », dénigrant l’occupation indéfinie de l’Irak
pour être une distraction de la « véritable » guerre au terrorisme.
Certains prônent que les forces américaines soient redéployées en Afghanistan,
qui devient de plus en plus hors de contrôle, d’autres appellent pour des
mesures plus dures contre l’Iran et la Corée du Nord et pratiquement tous
demandent des ressources plus importantes pour la sécurité intérieure.
En fin de compte, ces deux partis représentent une petite
élite financière dont les intérêts sont diamétralement opposés à ceux des
travailleurs qui forment l’immense majorité de la population. L’immense gouffre
social qui divise cette strate dirigeante du reste du peuple ne laisse aucun
espace pour une véritable démocratie aux Etats-Unis et donne naissance aux
politiques empoisonnées du militarisme pour l’étranger et de la répression
policière pour l’intérieur.
La lutte pour mettre fin à la guerre, ainsi qu’aux conditions
de pauvreté et à l’oppression qui en fin de compte sont le terreau du
terrorisme et pour défendre les droits démocratiques ne peut aller de l’avant
qu’avec une brisure décisive d’avec le Parti démocrate et le système des deux
partis. Ce qu’il faut, c’est une mobilisation politique indépendante de la
classe ouvrière basée sur un programme socialiste et internationaliste qui cherche
à unir les travailleurs aux Etats-Unis avec les travailleurs du Moyen-Orient et
partout dans le monde dans une lutte commune contre le système de profit.
C’est pour avancer cette perspective et ce programme et pour
jeter les bases pour le développement d’un nouveau mouvement de masse
indépendant de la classe ouvrière que le Parti de l’égalité socialiste
intervient dans les élections américaines de 2006.
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