WSWS : Nouvelles et analyses : Moyen-Orient
Dans un rapport de 50 pages publié jeudi, Human Rights Watch (HWR), basé aux Etats-Unis, a accusé Israël d’avoir commis des crimes de guerre. Intitulé « Frappes mortelles : les attaques systématiques d’Israël contre les civils au Liban », le rapport offre une preuve supplémentaire que l’Etat sioniste attaque délibérément des civils et que ceci est un élément de sa stratégie criminelle pour terroriser et chasser la population du Sud-Liban.
« Le style des attaques de l’offensive israélienne au Liban laisse croire que les échecs [à distinguer les combattants des civils] ne peuvent être expliqués ou écartés comme étant des accidents », a expliqué le rapport. « Le caractère répandu de ces méthodes et l’ampleur des conséquences indiquent que des crimes de guerre ont été commis. »
HRW a demandé au secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, de mettre sur pied une commission internationale pour enquêter sur les crimes de guerre d’Israël et pour « formuler des recommandations en vue de tenir pour responsables ceux qui ont violé la loi ».
Le rapport a aussi fourni d’autres indications selon lesquelles l’armée israélienne aurait systématiquement dissimulé les faits et menti à propos de ses attaques sur des civils libanais. « Human Rights Watch n’a trouvé aucun cas où le Hezbollah aurait délibérément utilisé des civils comme boucliers pour se protéger contre des représailles des FDI [Forces de défense israéliennes] », le rapport a-t-il mentionné, contredisant les affirmations israéliennes. « Dans tous les cas de morts civiles documentés dans ce rapport, rien ne pourrait indiquer que des forces du Hezbollah ou des armes se trouvaient dans la zone, ou à proximité, ciblée par les FDI, durant ou juste avant l’attaque. »
Ces conclusions ont été tirées des enquêtes approfondies du personnel de HRW se trouvant au Liban. Les enquêteurs ont mené des entrevues avec les victimes et les témoins des attaques israéliennes et ont corroboré ces rapports avec leurs propres inspections des lieux attaqués, ainsi qu’avec les informations des hôpitaux, des groupes humanitaires et des organismes gouvernementaux. L’enquête a été réalisée sur un ensemble de frappes d’artillerie et de missiles israéliens qui ont tué au total 153 civils, soit plus du tiers du total de morts libanaises rapportées durant les deux premières semaines de la guerre.
Une section du rapport concerne le massacre du 30 juillet dans la ville de Cana, au sud du Liban. Selon l’organisation, les premières estimations selon lesquelles presque 60 civils auraient été tués par une frappe aérienne israélienne sur un bâtiment résidentiel ont sous-estimé le nombre de personnes qui a réussi à s’extirper du bâtiment qui s’était effondré. Le total des morts se situe maintenant à 28, dont 16 enfants, bien que ce nombre puisse augmenter, car 13 personnes toujours portées disparues pourraient encore se trouver sous les décombres.
Les survivants ont nié avec colère les allégations israéliennes selon lesquelles des roquettes du Hezbollah auraient été tirées de la région et des résidants locaux auraient été utilisés comme « boucliers civils » par les militants. « S’ils [les Israéliens] ont vraiment vu le lance-roquette, où est-il passé ? » a déclaré à HRW Mohamed Mahmoud Shalhoub, un fermier de 61 ans qui a réussi à sortir du bâtiment bombardé . « Nous montrons nos morts à Israël, pourquoi ne nous montrent-ils pas les lance-roquettes ? » Un autre résidant, Ghazi Aydaji, a ajouté : « Si le Hezbollah avait tiré à proximité de la maison, pensez-vous qu’une famille de plus de 50 personnes serait restée là ? »
Outre les survivants et les résidants de Cana, HRW a interviewé des dizaines de journalistes, de secouristes et d’observateurs internationaux. Personne n’a rapporté avoir vu aucune indication d’une présence militaire du Hezbollah dans le bâtiment détruit ni ailleurs dans Cana.
Aucune de ces preuves accablantes n’a empêché l’armée israélienne d’annoncer jeudi que son enquête interne avait conclu que le bâtiment avait été ciblé « en accord avec les directives militaires à propos des attaques contre les structures suspectes à l’intérieur de villages dont nous avons averti les résidants de l’évacuer, et qui se trouvaient à proximité de zones d’où étaient tirées des roquettes vers Israël ». Le chef d’état-major des FDI, le lieutenant général Dan Halutz, a encore une fois accusé le Hezbollah d’avoir utilisé des civils comme boucliers, et a soutenu que l’attaque n’aurait pas eu lieu si Israël avait su que des civils se trouvaient dans le bâtiment.
Le rapport a réfuté tous ces mensonges. Loin d’être une aberration ou une erreur, l’atrocité à Cana n’a été que le pire incident connu des attaques délibérées d’Israël sur des zones civiles.
Durant les deux premières semaines de l’offensive d’Israël, environ 5000 maisons ont été détruites ou endommagées par les frappes aériennes. « Israël a causé la mort à grande échelle de civils en tirant sur des maisons, sans qu’il n’y ait d’objectif militaire visible dans la maison ou à proximité de celle-ci », a déclaré le rapport. « Dans certains cas, des avions de guerre revenaient pour une autre attaque alors que des résidants et des voisins s’étaient réunis autour de la maison pour retirer les morts des décombres et aider les blessés. »
HRW a fourni des rapports détaillés de nombreuses attaques. Le 19 juillet, des avions de guerres israéliens et des hélicoptères Apache ont bombardé de façon prolongée le village de Srifa au Sud-Liban. « Après le premier bombardement, les villageois ont commencé à fuir vers les villages voisins pour se mettre en sécurité », a rapporté un résidant. « Israël l’a aperçu avec ses drones et a ensuite envoyé des hélicoptères Apache pour encercler le village et nous empêcher de fuir. Ils ont commencé à bombarder avec leurs avions la zone autour du village. »
Environ trois chasseurs israéliens ont ensuite tiré sur au moins 13 maisons, faisant s’effondrer les bâtiments sur les résidants cachés dans les sous-sols. On pense qu’entre 26 et 42 civils seraient morts durant l’attaque. Le nombre exact demeure inconnu, car les secouristes n’ont pas été en mesure de rejoindre le village pour récupérer les corps, et les avions de guerre et hélicoptères israéliens ont empêché les résidants du village de fouiller les décombres eux-mêmes. Les enquêteurs de HRW n’ont trouvé aucune preuve d’une activité militaire du Hezbollah dans la région, confirmant les rapports des survivants selon lesquels aucune roquette n’avait été tirée du village.
Le rapport a aussi détaillé de nombreuses attaques israéliennes sur des civils fuyant le sud du Liban. Certains jours, des missiles de précision frappaient une douzaine de voitures. Le 15 juillet, dans un des pires incidents à avoir été documentés jusqu’à maintenant, 21 civils ont été tués lorsqu’un tir israélien atteignit un convoi de villageois fuyant le village frontalier libanais de Marwahin. Après avoir reçu un ordre d’évacuation des FDI, les villageois ont cherché refuge à un poste de la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban). Après s’être fait refuser l’accès, ils se sont dirigés vers le nord dans un convoi de véhicules. Des hélicoptères israéliens ont bombardé deux véhicules, tuant 21 personnes, dont 14 enfants et deux femmes enceintes. Aucun des civils n’était armé ni d’aucune façon relié au Hezbollah.
Israël a aussi ciblé du personnel médical et des convois d’aide. A Cana, sept jours avant le massacre d’au moins 28 civils, des avions militaires ont frappé deux ambulances dans la ville alors que trois civils blessés étaient transférés d’un véhicule à l’autre. « Une ambulance fut directement touchée et une deuxième attaque a frappé la deuxième ambulance quelques minutes plus tard, peut-on lire dans le rapport. Les six travailleurs de la Croix-Rouge ont été blessés durant l’attaque et les trois patients qu’ils traitaient se sont vu infliger des blessures supplémentaires. Un des patients, un homme d’âge moyen, a perdu une jambe en conséquence de l’attaque sur les ambulances, alors que sa mère a été partiellement paralysée. Le troisième patient, un jeune homme, a été à la tête par plusieurs éclats métalliques. »
HRW a aussi condamné l’utilisation par Israël d’armes à fragmentation qui ont une terrible histoire de victimes civiles. L’organisation continue à enquêter sur la destruction par Israël de l’infrastructure libanaise comme le réseau électrique, les routes et les aéroports et examine aussi des allégations qu’Israël aurait utilisé le phosphore blanc au Liban. Le phosphore blanc est une substance chimique qui a originalement été utilisée pour éclairer les champs de bataille. Lorsqu’utilisé contre la personne, toutefois, il brûle à travers les vêtements et la peau, causant des blessures horribles et la mort.
La longue suite des crimes de guerre catalogués dans ce rapport offre une preuve accablante que l’offensive israélienne au Liban n’a rien à voir avec la « lutte au terrorisme » ou avec la récupération de deux soldats des FDI capturés par le Hezbollah le mois dernier. L’assaut est la culmination d’années de planification stratégique militaire et politique en Israël qui a pour but d’amener le Liban au rang au statut d’un protectorat avili de l’Etat sioniste et d’écraser toute résistance à Israël dans le pays. Le meurtre de centaines de civils et la transformation de près d’un million de Libanais en réfugiés est une composante centrale et nécessaire de cette stratégie criminelle.
HRW ne considère aucune de ces questions politiques cruciales et ne tente pas d’expliquer pourquoi Israël tue tant de civils. Dans les recommandations du rapport, il appelle le gouvernement israélien à respecter la loi internationale et à cesser ses attaques sans discrimination sur les civils. Il appelle aussi l’administration Bush à suspendre ses envois d’armes vers Israël et à organiser une enquête pour déterminer comment les armes fournies par les Etats-Unis ont été utilisées au Liban.
De tels appels vont tomber dans l’oreille d’un sourd et sont entièrement futiles. Le gouvernement du premier ministre Ehoud Olmert a clairement dit qu’il ne considère pas la loi internationale comme étant applicable à Israël et ses principaux ministres ont déclaré que tous les civils encore au Sud-Liban étaient des cibles légitimes. Le mépris de l’administration Bush pour la loi internationale est bien documenté, allant des détentions sans procès de Guantanamo jusqu’à l’invasion de l’Irak. Dans la crise actuelle, Washington a activement encouragé Tel-Aviv dans son assaut criminel contre le Liban dans le but de forger ce que Condoleezza Rice a décrit comme « un nouveau Moyen-Orient ».
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