WSWS : Nouvelles
et analyses : Moyen-Orient
Human Rights Watch catalogue les crimes de guerre israéliens au Liban
par Rick Kelly
5 août 2006
Utilisez
cette version pour imprimer
Dans un rapport de 50 pages publié jeudi, Human Rights
Watch (HWR), basé aux Etats-Unis, a accusé Israël d’avoir commis des crimes de
guerre. Intitulé « Frappes mortelles : les attaques systématiques
d’Israël contre les civils au Liban », le rapport offre une preuve supplémentaire
que l’Etat sioniste attaque délibérément des civils et que ceci est un élément
de sa stratégie criminelle pour terroriser et chasser la population du
Sud-Liban.
« Le style des attaques de l’offensive israélienne au
Liban laisse croire que les échecs [à distinguer les combattants des civils] ne
peuvent être expliqués ou écartés comme étant des accidents », a expliqué
le rapport. « Le caractère répandu de ces méthodes et l’ampleur des
conséquences indiquent que des crimes de guerre ont été commis. »
HRW a demandé au secrétaire général des Nations unies, Kofi
Annan, de mettre sur pied une commission internationale pour enquêter sur les
crimes de guerre d’Israël et pour « formuler des recommandations en vue de
tenir pour responsables ceux qui ont violé la loi ».
Le rapport a aussi fourni d’autres indications selon
lesquelles l’armée israélienne aurait systématiquement dissimulé les faits et
menti à propos de ses attaques sur des civils libanais. « Human Rights
Watch n’a trouvé aucun cas où le Hezbollah aurait délibérément utilisé des
civils comme boucliers pour se protéger contre des représailles des FDI [Forces
de défense israéliennes] », le rapport a-t-il mentionné, contredisant les
affirmations israéliennes. « Dans tous les cas de morts civiles documentés
dans ce rapport, rien ne pourrait indiquer que des forces du Hezbollah ou des
armes se trouvaient dans la zone, ou à proximité, ciblée par les FDI, durant ou
juste avant l’attaque. »
Ces conclusions ont été tirées des enquêtes approfondies du
personnel de HRW se trouvant au Liban. Les enquêteurs ont mené des entrevues
avec les victimes et les témoins des attaques israéliennes et ont corroboré ces
rapports avec leurs propres inspections des lieux attaqués, ainsi qu’avec les
informations des hôpitaux, des groupes humanitaires et des organismes
gouvernementaux. L’enquête a été réalisée sur un ensemble de frappes
d’artillerie et de missiles israéliens qui ont tué au total 153 civils, soit
plus du tiers du total de morts libanaises rapportées durant les deux premières
semaines de la guerre.
Une section du rapport concerne le massacre du 30 juillet
dans la ville de Cana, au sud du Liban. Selon l’organisation, les premières
estimations selon lesquelles presque 60 civils auraient été tués par une frappe
aérienne israélienne sur un bâtiment résidentiel ont sous-estimé le nombre de
personnes qui a réussi à s’extirper du bâtiment qui s’était effondré. Le total
des morts se situe maintenant à 28, dont 16 enfants, bien que ce nombre puisse
augmenter, car 13 personnes toujours portées disparues pourraient encore se
trouver sous les décombres.
Les survivants ont nié avec colère les allégations
israéliennes selon lesquelles des roquettes du Hezbollah auraient été tirées de
la région et des résidants locaux auraient été utilisés comme « boucliers
civils » par les militants. « S’ils [les Israéliens] ont vraiment vu
le lance-roquette, où est-il passé ? » a déclaré à HRW Mohamed
Mahmoud Shalhoub, un fermier de 61 ans qui a réussi à sortir du bâtiment bombardé .
« Nous montrons nos morts à Israël, pourquoi ne nous montrent-ils pas les lance-roquettes ? »
Un autre résidant, Ghazi Aydaji, a ajouté : « Si le Hezbollah avait
tiré à proximité de la maison, pensez-vous qu’une famille de plus de 50
personnes serait restée là ? »
Outre les survivants et les résidants de Cana, HRW a
interviewé des dizaines de journalistes, de secouristes et d’observateurs
internationaux. Personne n’a rapporté avoir vu aucune indication d’une présence
militaire du Hezbollah dans le bâtiment détruit ni ailleurs dans Cana.
Aucune de ces preuves accablantes n’a empêché l’armée
israélienne d’annoncer jeudi que son enquête interne avait conclu que le
bâtiment avait été ciblé « en accord avec les directives militaires à
propos des attaques contre les structures suspectes à l’intérieur de villages dont
nous avons averti les résidants de l’évacuer, et qui se trouvaient à proximité
de zones d’où étaient tirées des roquettes vers Israël ». Le chef
d’état-major des FDI, le lieutenant général Dan Halutz, a encore une fois accusé
le Hezbollah d’avoir utilisé des civils comme boucliers, et a soutenu que
l’attaque n’aurait pas eu lieu si Israël avait su que des civils se trouvaient
dans le bâtiment.
Le rapport a réfuté tous ces mensonges. Loin d’être une
aberration ou une erreur, l’atrocité à Cana n’a été que le pire incident connu
des attaques délibérées d’Israël sur des zones civiles.
Durant les deux premières semaines de l’offensive d’Israël,
environ 5000 maisons ont été détruites ou endommagées par les frappes
aériennes. « Israël a causé la mort à grande échelle de civils en tirant
sur des maisons, sans qu’il n’y ait d’objectif militaire visible dans la maison
ou à proximité de celle-ci », a déclaré le rapport. « Dans
certains cas, des avions de guerre revenaient pour une autre attaque alors que
des résidants et des voisins s’étaient réunis autour de la maison pour retirer
les morts des décombres et aider les blessés. »
HRW a fourni des rapports détaillés de nombreuses attaques.
Le 19 juillet, des avions de guerres israéliens et des hélicoptères Apache ont
bombardé de façon prolongée le village de Srifa au Sud-Liban. « Après le
premier bombardement, les villageois ont commencé à fuir vers les villages
voisins pour se mettre en sécurité », a rapporté un résidant. « Israël
l’a aperçu avec ses drones et a ensuite envoyé des hélicoptères Apache pour
encercler le village et nous empêcher de fuir. Ils ont commencé à bombarder
avec leurs avions la zone autour du village. »
Environ trois chasseurs israéliens ont ensuite tiré sur au
moins 13 maisons, faisant s’effondrer les bâtiments sur les résidants cachés
dans les sous-sols. On pense qu’entre 26 et 42 civils seraient morts durant
l’attaque. Le nombre exact demeure inconnu, car les secouristes n’ont pas été
en mesure de rejoindre le village pour récupérer les corps, et les avions de
guerre et hélicoptères israéliens ont empêché les résidants du village de
fouiller les décombres eux-mêmes. Les enquêteurs de HRW n’ont trouvé aucune
preuve d’une activité militaire du Hezbollah dans la région, confirmant les
rapports des survivants selon lesquels aucune roquette n’avait été tirée du
village.
Le rapport a aussi détaillé de nombreuses attaques
israéliennes sur des civils fuyant le sud du Liban. Certains jours, des
missiles de précision frappaient une douzaine de voitures. Le 15 juillet, dans
un des pires incidents à avoir été documentés jusqu’à maintenant, 21 civils ont
été tués lorsqu’un tir israélien atteignit un convoi de villageois fuyant le
village frontalier libanais de Marwahin. Après avoir reçu un ordre d’évacuation
des FDI, les villageois ont cherché refuge à un poste de la FINUL (Force
intérimaire des Nations unies au Liban). Après s’être fait refuser l’accès, ils
se sont dirigés vers le nord dans un convoi de véhicules. Des hélicoptères
israéliens ont bombardé deux véhicules, tuant 21 personnes, dont 14 enfants et
deux femmes enceintes. Aucun des civils n’était armé ni d’aucune façon relié au
Hezbollah.
Israël a aussi ciblé du personnel médical
et des convois d’aide. A Cana, sept jours avant le massacre d’au moins 28
civils, des avions militaires ont frappé deux ambulances dans la ville alors que
trois civils blessés étaient transférés d’un véhicule à l’autre. « Une
ambulance fut directement touchée et une deuxième attaque a frappé la deuxième
ambulance quelques minutes plus tard, peut-on lire dans le rapport. Les six
travailleurs de la Croix-Rouge ont été blessés durant l’attaque et les trois
patients qu’ils traitaient se sont vu infliger des blessures supplémentaires.
Un des patients, un homme d’âge moyen, a perdu une jambe en conséquence de
l’attaque sur les ambulances, alors que sa mère a été partiellement paralysée.
Le troisième patient, un jeune homme, a été à la tête par plusieurs éclats
métalliques. »
HRW a aussi condamné l’utilisation par
Israël d’armes à fragmentation qui ont une terrible histoire de victimes
civiles. L’organisation continue à enquêter sur la destruction par Israël de
l’infrastructure libanaise comme le réseau électrique, les routes et les
aéroports et examine aussi des allégations qu’Israël aurait utilisé le
phosphore blanc au Liban. Le phosphore blanc est une substance chimique qui a
originalement été utilisée pour éclairer les champs de bataille. Lorsqu’utilisé
contre la personne, toutefois, il brûle à travers les vêtements et la peau,
causant des blessures horribles et la mort.
La longue suite des crimes de guerre
catalogués dans ce rapport offre une preuve accablante que l’offensive
israélienne au Liban n’a rien à voir avec la « lutte au terrorisme »
ou avec la récupération de deux soldats des FDI capturés par le Hezbollah le
mois dernier. L’assaut est la culmination d’années de planification stratégique
militaire et politique en Israël qui a pour but d’amener le Liban au rang au
statut d’un protectorat avili de l’Etat sioniste et d’écraser toute résistance
à Israël dans le pays. Le meurtre de centaines de civils et la transformation
de près d’un million de Libanais en réfugiés est une composante centrale et
nécessaire de cette stratégie criminelle.
HRW ne considère aucune de ces questions
politiques cruciales et ne tente pas d’expliquer pourquoi Israël tue tant de
civils. Dans les recommandations du rapport, il appelle le gouvernement israélien
à respecter la loi internationale et à cesser ses attaques sans discrimination
sur les civils. Il appelle aussi l’administration Bush à suspendre ses envois
d’armes vers Israël et à organiser une enquête pour déterminer comment les
armes fournies par les Etats-Unis ont été utilisées au Liban.
De tels appels vont tomber dans l’oreille
d’un sourd et sont entièrement futiles. Le gouvernement du premier ministre
Ehoud Olmert a clairement dit qu’il ne considère pas la loi internationale
comme étant applicable à Israël et ses principaux ministres ont déclaré que
tous les civils encore au Sud-Liban étaient des cibles légitimes. Le mépris de
l’administration Bush pour la loi internationale est bien documenté, allant des
détentions sans procès de Guantanamo jusqu’à l’invasion de l’Irak. Dans la
crise actuelle, Washington a activement encouragé Tel-Aviv dans son assaut
criminel contre le Liban dans le but de forger ce que Condoleezza Rice a décrit
comme « un nouveau Moyen-Orient ».
|