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Elections législatives allemandes: les résultats montrent un refus clair et net de la politique de droite


Par Peter Schwarz
(Article original publié le 19 september 2005)

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L'issue des élections législatives d'hier ne permet qu'une interprétation: la population allemande résiste avec acharnement à la politique de démolition sociale et de redistribution en faveur des riches et elle l'a vigoureusement rejetée.

Le chancelier Schröder avait décidé des élections anticipées afin de créer une majorité stable pour la mise en oeuvre de son très impopulaire «Agenda 2010». Il avait eu à cette fin le soutien de tous les partis présents au Bundestag, celui du président de la République fédérale, celui de la cour constitutionnelle fédérale et de l'ensemble de l'élite économique et politique du pays. L'élection devait donner à la coalition « rouge-verte » (SPD et Verts) un nouveau mandat et réduire au silence ceux qui dans ses propres rangs critiquaient sa politique ou alors donner le pouvoir aux chrétiens-démocrates de la CDU/CSU et aux libéraux du FDP.

Mais voilà que le contraire s'est produit. Ces élections ont entraîné une majorité parlementaire bien plus instable que la précédente et ont montré que la politique des «réformes» libérales est rejetée par une majorité de la population. Des crises politiques et de violents conflits sociaux en seront la conséquence inévitable. On put s'en rendre comte le soir même de l'élection quand, et c'est une première dans l'histoire de la République fédérale, deux candidats, Angela Merkel (CDU) et Gerhard Schröder (SPD) déclarèrent avoir remporté la victoire et vouloir être le prochain chancelier.

Lorsqu'à la fermeture des bureaux de vote, à dix huit heures, les premières estimations furent rendues publiques, ce ne sont pas seulement les représentants de la CDU/CSU qui furent choqués mais aussi les analystes politiques professionnels. Les conservateurs, qui avaient été crédités dans tous les sondages d'au moins quarante pour cent, n'obtinrent que trente cinq pour cent, un chiffre qui se confirma au cours de la soirée. Leur avance apparemment sans appel sur le SPD, à qui on ne donnait encore que vingt deux pour cent à la mi-juin, s'était réduite à un pour cent.

Le SPD s'en tire certes mieux qu'on ne s'y attendait il y a quelques semaines encore, mais avec des pertes de plus de quatre pour cent par rapport aux élections législatives d'il y a trois ans il était quand même le grand perdant de cette élection. Il obtint avec plus de 34 pour cent un des plus mauvais score de son histoire. Les Verts qui obtinrent huit pour cent, durent eux aussi enregistrer des pertes.

La CDU ne put pas bénéficier des pertes du camp gouvernemental et perdit plus de trois pour cent par rapport aux dernières élections législatives, la CSU perdant jusqu'à dix pour cent en Bavière. Pour la première fois, les deux soi-disant «partis populaires» (SPD et CDU) obtenaient moins de soixante-dix pour cent des suffrages exprimés.

Le FDP obtint en revanche un de ses meilleurs scores jusque-là. Il reçut de nombreuses voix de la part d'électeurs de la CDU qui voulaient de cette façon empêcher une «grande coalition» (CDU-SPD). La CDU/CSU et le FDP réalisent toutefois ensemble un score inférieur à celui des dernières élections législatives, où ils n'avaient été battus que de justesse par la coalition « rouge-verte ». Ces partis, longtemps considérés comme les vainqueurs certains de la présente élection, n'obtinrent ensemble que 45 pour cent des suffrages exprimés.

Le principal gagnant de ces élections fut le Parti de la gauche récemment constitué. En 2002, le Parti du socialisme démocratique (PDS, le successeur du parti gouvernemental de l'ex-Allemagne de l'Est) n'avait pas obtenu les cinq pour cent requis pour entrer au Bundestag. A présent, sous l'appellation de Parti de la gauche (à la suite d'une fusion avec le groupe de l'Alternative électorale basé à l'Ouest) ses candidats obtinrent près de neuf pour cent, doublant ainsi le score obtenu en 2002; le parti nouvellement constitué entrera au parlement avec une cinquantaine de députés.

Dans les nouveaux Länder (l'ex-Allemagne de l'Est) qui jusqu'à présent étaient des bastions du PDS, le Parti de la gauche se trouve, avec 27 pour cent des voix, à égalité avec la CDU, tandis que le SPD remporta, avec 33 pour cent, le plus grand nombre de voix. A l'Ouest, le Parti de la gauche obtient un peu moins de cinq pour cent.

Le résultat des élections indique dans l'ensemble un net mouvement à gauche de la part de l'électorat. Aux 45 pour cent qui ont voté pour la CDU/CSU et le FDP s'opposent les 51 pour cent qui ont voté pour les partis gouvernementaux et pour le Parti de la gauche. Les 4 pour cent restants se répartissent sur de petits partis qui ne sont pas représentés au Bundestag.

Ce mouvement à gauche devint évident à partir du moment où les questions sociales commencèrent à dominer la campagne électorale. Si au début les conservateurs avaient pu profiter du mécontentement vis-à-vis du gouvernement Schröder, ils baissèrent ensuite dans les sondages au fur et à mesure que le public prenait conscience de leurs intentions en matière de politique sociale.

C'est avant tout le débat sur les projets radicaux en matière de politique fiscale de Paul Kirchhof, que Merkel avait pris dans son équipe électorale, qui lui fit perdre énormément de soutien. Dans le même temps, le SPD et les Verts avaient adopté un langage beaucoup plus à gauche. Alors qu'ils s'étaient d'abord présentés comme des partisans durs des réformes, ils essayèrent, vers la fin de la campagne électorale, d'apparaître comme les garants de l'Etat social.

S'ajoutèrent à cela les conséquences de la catastrophe due à l'ouragan qui ravagea la Nouvelle-Orléans. La totale incapacité de l'administration Bush de réagir à une catastrophe naturelle prévue de longue date et la façon dont des centaines de milliers de pauvres avaient été livrés sans assistance au désastre, ont fait voir à beaucoup d'électeurs quelles étaient les conséquences d'une politique qui subordonne toutes les exigences sociales à la loi du marché et du profit. Mais il serait illusoire de croire que le gouvernement qui sortira de ces élections tiendra compte des inquiétudes et des besoins des électeurs. Au contraire, un tel gouvernement ira plus à droite encore.

Le soir même de l'élection commença une discussion pour savoir comment pouvait être constitué un gouvernement stable et qui soit en mesure de poursuivre le démantèlement déjà engagé de l'Etat social. C'est ainsi que le chancelier Schröder justifia sa volonté de rester chancelier après l'élection: «Personne à part moi n'est capable de constituer un gouvernement stable» dit-il au cours du débat organisé par les chaînes de télévision ARD et ZDF et réunissant les chefs des principaux partis politiques. Il s'agissait à présent «de faire en sorte que démarrent en Allemagne des processus de réforme sans que soit mis en danger la cohésion sociale». En d'autres termes, Schröder explique que lui seul est capable d'imposer de nouvelles «réformes» sans qu'on aboutisse à des conflits sociaux déclarés.

Il exclut toute forme de collaboration avec le Parti de la gauche qui pourrait en théorie permettre de donner une majorité au SPD et aux Verts. Une « Ampelkoalition » «coalition feu tricolore, rouge, verte, jaune» SPD-Verts-FDP qui pourrait également représenter une majorité fut, quant à elle, catégoriquement exclue par le chef du FDP, Guido Westerwelle.

Il ne reste donc plus que la possibilité d'une grande coalition sous la direction de Schröder. Angela Merkel rejeta bien une telle idée avec indignation et insista pour dire que dans le cas d'une grande coalition c'était la CDU/CSU en tant que fraction parlementaire la plus forte qui devait déterminer qui deviendrait chancelier.

Mais par ailleurs des représentants influents du patronat exercèrent une pression considérable afin qu'un gouvernement soit constitué dans les plus brefs délais. Hubertus Pellengahr, le porte-parole de la fédération patronale du commerce de détail, exigea que les partis s'entendent au plus vite sur un gouvernement capable d'agir. «Tout le reste ne promet qu'insécurité et l'insécurité est toujours la pire des choses pour un essor économique».

Le président du Bund der Deutschen Industrie (syndicat patronal - BDI), Jürgen Thumann, commenta le résultat des élections en ces mots: «Du point de vue de l'industrie et de l'économie nous sommes cruellement déçus». L'Allemagne sera selon lui plus difficile à gouverner. Il appela la CDU et le SPD à se rappeler leurs hautes responsabilités et à tout faire pour faire avancer les réformes nécessaires.

Dans les divers débats on évoqua aussi, comme autre possibilité, une alliance entre la CDU, le FDP et les Verts. Des dirigeants des Verts qualifièrent bien une telle coalition de peu réaliste, mais se gardèrent bien de l'exclure totalement. Le Parti de la gauche a depuis fait savoir qu'il ne dérangerait pas les projets de coalition des autres partis. Il n'avait pas l'intention de mobiliser ses électeurs et de s'opposer à la formation d'une grande coalition ou d'une autre coalition de droite.

Oskar Lafontaine, l'ancien président du SPD, avait déjà approuvé une grande coalition avant les élections; Lothar Bisky, le président du PDS reprit la même idée lors d'un débat télévisé le soir même de l'élection. Avec une grande coalition, le Parti de la gauche serait gagnant dit-il. Et une telle coalition serait un «moindre mal» comparé à une coalition de la CDU et du FDP.

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