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L'administration Bush veut-elle un « changement de régime » au Canada?Par Keith Jones Utilisez cette version pour imprimer L'ambassadeur des États-Unis au Canada a blâmé le gouvernement canadien pour ne pas avoir participé à la guerre menée par les États-Unis contre l'Irak et brisé le protocole diplomatique pour se rapprocher du premier ministre droitiste de l'Alberta, une province riche en pétrole. S'adressant à des hommes d'affaires à Toronto le 25 mars, Paul Celluci a dit que les Américains étaient « déçus » et « frustrés » d'apprendre que le gouvernement libéral de Jean Chrétien ne s'était pas rangé du côté de la « coalition proguerre ». Employant un langage cinglant, il a affirmé qu'Ottawa avait laissé tomber Washington dans un temps de grand danger. S'il y avait des doutes quant au fait que les remarques de Celluci n'étaient pas représentatives du point de vue de l'administration Bush, les représentants du gouvernement américain les ont vite dispersés. Les conseillers du Département d'État et de la Maison Blanche ont laissé entendre que Celluci, un ancien gouverneur républicain du Massachusetts, a parlé contre le gouvernement canadien sur des recommandations provenant des plus hauts postes de l'administration Bush. Celluci a déclaré à l'Economic Club de Toronto que si la sécurité du Canada était menacée, les États-Unis feraient tout le nécessaire pour assurer sa défense : « Nous serions là pour le Canada, membre de notre famille, et c'est pourquoi il y a tant de personnes qui sont « déçues » et « frustrées » que le Canada ne nous soutienne pas pleinement. » Tout en insistant sur le fait que le partenariat entre le Canada et les États-Unis continuera, l'ambassadeur a fait mention de « pressions à court terme. » Lorsqu'il s'est fait demander quelles formes ces « pressions » pourraient prendre, Celluci a répondu, « Vous devrez attendre pour le constater.» Cependant, il a par la suite laissé échapper, que le gouvernement américain croit que la « sécurité prime sur le commerce. » C'est une menace très finement cachée que l'administration Bush instaurera des mesures encombrantes afin de contrôler l'entrée des biens et des personnes en provenance du Canada si Ottawa ne change pas ses politiques de sécurité, d'immigration, géopolitiques et militaires pour les harmoniser avec celles de Washington. Avec 40% de son PNB directement dépendant de son commerce avec les États-Unis, l'économie canadienne est très vulnérable aux interruptions de son commerce extérieur. Néanmoins, la partie la plus cinglante du discours de Celluci fut la défense qu'il a apportée au premier ministre de l'Alberta Ralph Klein. Celluci a suggéré que Klein a été injustement blâmé par le gouvernement fédéral libéral pour s'être objecté à sa position sur la guerre. « Quand M. Klein a laissé entendre son plein appui aux États-Unis, le gouvernement canadien a fondu sur lui, » s'est plaint l'ambassadeur. En fait, le bureau de premier ministre a fait une déclaration très restreinte qui réitère simplement que le gouvernement fédéral est l'unique responsable de la formulation de sa politique étrangère après que le premier ministre de l'Alberta ait pris la décision inhabituelle d'envoyer une lettre ouverte à Celluci pour louanger l'invasion américaine sur l'Irak. Écrivant au nom du « peuple de l'Alberta, » Klein offrit des « remerciements aux États-Unis pour son leadership dans la guerre au terrorisme et à la tyrannie » et fit l'éloge du Président Georges W. Bush. « Les prochaines générations, » a déclaré Klein, « auront une dette élevée à rendre à ceux qui combattent aujourd'hui. » L'appui de Celluci à Klein est une violation flagrante des pratiques diplomatiques traditionnelles qui exigent la non-intervention dans les controverses politiques internes. Ce qui rend ce geste encore plus important est que Klein est le premier ministre d'une province dont les exportations en hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) font compétition avec celles de l'Arabie Saoudite et du Venezuela et dont l'élite politique et économique fulmine régulièrement contre les prétendues « iniquités » du système fédéral canadien. Quand les conservateurs de Klein se sont rencontrés la semaine dernière, un des principaux sujets de discussion portait sur la question à savoir s'ils devaient menacer le Canada d'une séparation de l'Alberta pour provoquer des changements dans la constitution. Le geste de Celluci est remarquable en ce sens qu'il reconnaît que le gouvernement canadien-malgré sa politique officielle de non-participation à l'assaut américain sur l'Irak-fournit un effort beaucoup plus grand que plusieurs des pays qui font officiellement partie de la « coalition proguerre. » Le Canada mène présentement une mission internationale « antiterroriste » dans le Golfe Persique et dans la Mer d'Arabie qui consiste à escorter des navires américains jusqu'au champ de bataille irakien. Plus de 30 officiers des Forces Armées Canadiennes (FAC) sont intégrés, dans le cadre de divers programmes d'échanges, dans les unités militaires américaines et britanniques qui mènent la guerre contre l'Irak. L'annonce récente que quelque 3000 membres des FAC seront déployés en Afghanistan pour soutenir le régime mis en place par les États-Unis à Kaboul a permis à ces derniers de libérer du matériel militaire et logistique pour l'invasion de l'Irak. Le fait que Washington se sente obligé de réprimander le Canada est néanmoins une indication du sentiment d'isolation et de vulnérabilité de l'administration Bush s'étant embarquée dans une conquête pour réorganiser le Moyen-Orient et le monde conformément aux intérêts de Wall Street, l'administration Bush ne se sent plus du tout contrainte par le système de relations multilatérales et d'alliances interimpérialistes à travers lesquelles les États-Unis ont exercé leur pouvoir lors des décennies qui ont suivi la deuxième Guerre Mondiale. Au lieu de cela, elle a recours à l'intimidation contre ses partenaires économiques et ses alliés géopolitiques les plus proches.
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