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Après la guerre en IraqEditorial de la revue "Gleichheit"Par Peter Schwarz Utilisez cette version pour imprimer Un nouveau numéro du magazine « Gleichheit » doit paraître sou peu. Il contiendra une sélection d'articles importants parus sur le World Socialist Website. Nous en publions ici l'éditorial. La guerre contre l'Irak marque une rupture dans la politique internationale. Les Etats-Unis ont montré sans équivoque qu'ils ne respectaient plus aucune institution internationale ni aucune règle du droit international et que, dans la poursuite de leurs intérêts, ils n'avaient plus recours qu'à leur puissance militaire. D'autres pays peuvent soit les rejoindre et se satisfaire d'une part de butin, soit être ignorés, punis ou bombardés. Comme l'a dit le président Bush : « On est soit pour nous, soit contre nous ». L'Iraq n'est qu'une première étape, le gouvernement américain n'a jamais laissé aucun doute à ce sujet. Le but final est une réorganisation de toute la région du Moyen-Orient et l'établissement d'un nouvel ordre mondial. Quel est le contenu de ce nouvel ordre mondial ? La soumision de la planète aux besoins du capital américain, au moyen du vol et de l'exploitation capitaliste sous leurs formes les plus crues. Le pillage et la destruction de trésors archéologiques de la civilisation iraquienne remontant à plusieurs millénaires, les puits de pétrole et le ministère du pétrole étant quant à eux soigneusement protégés en vue de leur prochaine privatisation, c'est là la quintessence de l'opération « Liberté Iraquienne ». Certes, Bush mène sa campagne au nom de la « Liberté » et de la « Démocratie » et non pas comme cet autre aspirant à la conquète du monde avant lui au nom de la « race des maîtres » et de « l'espace vital ». Mais qu'entend-il par là ? « Liberté » signifie dans sa bouche droit à la propriété et à l'enrichissement sans frein ; la figure de proue en est Ahmed Chalabi, un escroc condamné par la justice et un banqueroutier, le poulain du Pentagone pour les fonctions de prochain chef du gouvernement iraquien. « Démocratie » signifie placer, en le menaçant d'un arme, le peuple devant cette alternative : soutenir le gouverneur militaire de Washington ou bien mourir de faim. Un journal satirique remarqua à ce propos que les potentats des émirats du Golfe n'étaient plus horrifiés par la démocratie depuis qu'ils avaient vus comment Bush la pratiquait. C'est une petite clique droitière installée à la Maison Blanche et au Pentagone qui a accaparé la présidence de la République et qui a déjà auparavant fait preuve de son mépris pour les droits démocratiques en tentant de renverser un président élu à l'aide d'un scandal à caractère sexuel, qui est responsable de cette politique. Une politique qui est toutefois soutenue par l'ensemble de l'élite américaine. A l'exception de quelques voix isolées, la direction du Parti démocrate tout entière s'y est ralliée. Cela montre déjà en soi qu'elle a une logique bien définie. L'Amérique a aujourd'hui dans le monde la même position que l'Allemagne avait en Europe il y a un siècle. L'Allemagne, qui avait le capitalisme le plus avancé et le plus dynamique du vieux continent, ne pouvait se développer qu'en faisant éclater le corset étroit du système étatique européen. Elle entreprit par deux fois de réorganiser l'Europe par la force et par deux fois elle échoua. L'Europe sortit exsangue de deux guerres mondiales alors que l'Amérique devenait une puissance hégémonique incontestée. Aujourd'hui, c'est l'Amérique qui tente de réorganiser le monde par la force. Les circonstances dans lesquelles l'Amérique put exercer son hégémonie tout en tenant compte de règles et d'institutions internationales n'existent plus. Les tensions internes à l'économie et à la société américaines exigent un accès illimité à toutes les ressources de la planète. L'Amérique ne peut pas tolérer qu'un gouvernement souverain prenne, où que ce soit dans le monde, des décisions ayant des conséquences pour son propre pays. L'économie globale n'est pas compatible avec le droit à l'autodétermination des nations. L'Amérique ne peut pas non plus tolérer de rivaux. Le contrôle des champs pétrolifères du Moyen -Orient lui donne la possibilité de rationner l'Europe et l'Asie. La dissolution de l'Union soviétique elle aussi a contribué à libérer l'impérialisme américain de toutes ses inhibitions. Il n'a plus à se préoccuper du risque d'une guerre nucléaire autodestructrice. Le cours pris par le gouvernment américain conduit inexorablement à la catastrophe. Une clique de voleurs à la tête d'une nation représentant tout juste cinq pour cent de l'humanité ne peut pas à la longue dicter sa loi aux quatre-vingt quinze pour cent restants. La brutalité dont on a fait preuve vis-à-vis de l'Iraq donne un avant-goût de ce qui est à venir. On a rarement vu auparavant une guerre où les armes étaient si inégales de part et d'autre. Des conscrits et des civils iraquiens armés de façon rudimentaire furent littéralement massacrés à l'aide d'armes américaines à la technologie hautement sophistiquée. Aux Etats-Unis même les droits démocratiques fondamentaux sont les uns après les autres victimes de « la guerre contre le terrorisme » et la terrible inégalité sociale augmentera encore lorsqu'on fera porter les frais de la guerre à la population. L'Europe s'est revelée totalement incapable de s'opposer à cette évolution. La politique étrangère commune dont on faisait grand cas s'est effondrée comme un château de cartes sous la pression américaine. Les Etats-Unis ont délibérément fait jouer leur influence pour diviser le continent. Même les gouvernements qui se sont opposés à la guerre s'en sont tenus à des déclarations verbales et à des gestes diplomatiques. La décision de la coalition sociale-démocrate et verte en Allemagne de permettre aux Etats-Unis l'utilisation des bases américaines pour la guerre eut infiniment plus de poids que leur opposition à une résolution en faveur de la guerre au Conseil de sécurité. Depuis le succès militaire, les déclarations de soumission à l'intention du gouvernement américain se multiplient. La devise est : « Surtout ne pas envoyer le mauvais message à Washington ». Paris et Berlin s'efforcent de toute évidence d'obtenir la réconciliation et de reconnaître la situation créée par la guerre. Dans la presse aussi le ton a changé. Quand on voit de quelle façon Wolfgang Koydl dans le Süddeutsche Zeitung célèbre l'Amérique néo-radicale qui, s'est selon lui, « attelée de façon visionnaire à la tâche de construire un nouveau cadre d'ordre pour un monde qui est sorti de ses gonds » et dont l'action constraste avec celle des Europeéens « qui préfèrent courir après leurs vieux rêves », ou quand on voit Jean Ross dans Die Zeit, évoquer l'opposition entre « La conception risque-tout américaine » et « la culture de droit européenne », qui procède de « la mauvaise volonté non-productive, du plaisir d'empêcher de ceux qui sont sans impulsion », cela a de quoi vous retourner le cur. (1) Nietzsche redevient à la mode. L'incapacité des gouvernements européens à s'opposer de façon sérieuse à la menace américaine vient de leur programme social. Le programme « Agenda 2010 » de Schröder a pour but d'introduire des conditions américaines en Allemagne et conduit à un conflit avec de larges couches de la population. Il en est de même pour la politique sociale du gouvernment Chirac-Raffarin contre laquelle se multiplient les grèves et les mouvements de protestation. C'est l'opposition à leur propre population qui pousse ces gouvernements vers l'impérialisme le plus fort. Lorsqu'en 1940 la France perdit la guerre contre l'Allemagne, la majorité de la classe dirigeante se décida en faveur du régime de Vichy et pour un rôle de partenaire subalterne de la puissance victorieuse. Après la guerre contre l'Iraq on risque de voir apparaître une sorte d'Europe de Vichy, une Europe qui joue le rôle de partenaire subalterne aux côtés de l'impérialisme américain. Les conditions internes d'une telle Europe ne seraient pas meilleures que celles qui existaient sous le régime de Vichy; elles seraient caracterisées par le démantèlement social, les bas salaires, le militarisme et la répression des droits démocratiques. Les gouvernements européens et surtout est-européens les plus à droite, disposant d'une base sociale extrêmement étroite, se rangent dès à présent derrière le drapeau américain. Il ne s'est pour ainsi dire pas trouvé de soutien pour la guerre contre l'Iraq dans l'opinion publique européenne. Des millions de personnes sont descendues dans la rue pour s'y opposer. Mais le résultat de la guerre place ce mouvement devant des tâches qui sont impossibles à résoudre pour un mouvement purement pacifiste. La lutte contre la guerre doit être liée à la lutte pour une autre société. La seule possiblité d'unir l'Europe de façon harmonieuse et d'en faire un pôle d'opposition à l'impérialisme américain, est de l'unifier par le bas. L'alternative à l'Europe désunie de Bruxelles, celle des banques et des trusts, ce sont les Etats -Unis socialistes d'Europe. Une telle perspective trouverait un puissant écho aux
Etats-Unis. La population américaine rejette la clique
droitière de Washington et se méfie d'elle. Seul
un mouvement international de la classe ouvrière peut
faire obstacle à un militarisme américain devenu
fou furieux. 1) Süddeutsche Zeitung des 3 et 4 mai 2003, "La
vision de l'Amérique" et Die Zeit du 16 avril
2003, "La morale sous les armes".
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