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Le vidéo de ben Laden : la politique réactionnaire du terrorisme


Par le comité de rédaction
18 décembre 2001

L'enregistrement vidéo récemment rendu public dans lequel Osama ben Laden jubile à propos de l'atrocité des événements du World Trade Center en reconnaissant sa responsabilité à propos de ces derniers démontre clairement la banqueroute politique du terrorisme.

Des fondamentalistes islamistes soutenant ben Laden, notamment en Arabie saoudite, ont tenté de nier la validité de l'enregistrement en déclarant qu'il a été modifié ou même créé entièrement par le gouvernement américain. Mais il y a peu de doute quant à l'authenticité de cet enregistrement. De toutes façons, cet élément n'est pas essentiel pour effectuer une évaluation politique de ben Laden et de ses méthodes. Les sentiments qu'il exprime concordent avec ceux des autres enregistrements transmis par son organisation au réseau de télévision Al Jazeera lorsqu'il fut interviewé par un journaliste pakistanais à Kaboul.

Sur l'enregistrement le plus récent, ben Laden se montre particulièrement insensible en ce qui a trait aux souffrances des gens qui ont trouvé la mort lors des attaques du 11 septembre. Il est indifférent non seulement au sort des innocentes victimes qui sont mortes au World Trade Center et au Pentagone, mais également de celui de ses propres partisans, les 19 terroristes, en majorité de jeunes Saoudiens. Ben Laden qualifie tout simplement d'« ennemis » les milliers d'employés de bureau mort à New York et à Washington et semble se moquer de l'ignorance des pirates de l'air, la plupart sachant certes qu'ils étaient sur une mission suicide, mais ignorant tous des détails de l'opération lorsqu'ils embarquèrent à bord des appareils le 11 septembre.

Les remarques de ben Laden démontrent une fois de plus que le terrorisme, loin d'être un moyen viable de lutte contre l'impérialisme, est une impasse sans espoir faisant le jeu de la classe dominante américaine. Les fondamentalistes islamistes rejettent toute compréhension de la nature de l'impérialisme comme système mondial ou de la façon dont on peut le combattre. Il est absurde de penser qu'une attaque terroriste telle que les détournements meurtriers du 11 septembre puisse intimider la classe dirigeante américaine ou l'emmener à changer ses politiques au Moyen-Orient.

Toute conception d'éducation politique et de mobilisation indépendante des masses ouvrières est tout à fait étrangère à ben Laden et à ceux qui prônent ses méthodes et ses positions politiques. Une atrocité comme les attaques du 11 septembre a un effet destructeur sur le développement d'une compréhension au sein des travailleurs du contexte historique et politique des événements mondiaux en général, et de la responsabilité de l'impérialisme américain et mondial pour les crises déchirant le Moyen-Orient et l'Asie centrale en particulier. Elle sème la confusion et la désorientation et entrave la lutte pour l'unification internationale de la classe ouvrière -la seule base sociale et politique pouvant réellement lutter contre l'impérialisme.

La classe dirigeante des États-Unis a tué des millions de personnes au cours de la seconde moitié du siècle dernier, depuis Hiroshima et Nagasaki en passant par les guerres de Corée, du Vietnam, du golfe Persique, et maintenant en Afghanistan. Elle a organisé des coups militaires, créé des escadrons de la mort et instauré des dictatures dans des douzaines de pays. Seule la perspective du suicide mutuel a empêché Washington de déclencher une guerre nucléaire contre l'Union Soviétique pendant la guerre froide.

Pour l'impérialisme américain, la mort de plusieurs milliers de personnes à New York et Washington est un petit prix à payer pour refermer sa poigne sur le Moyen-Orient et l'Asie centrale, la région la plus importante au monde du point de vue du pétrole, une ressource naturelle essentielle. Avec l'attaque du World Trade Center, Osama ben Laden a servi les buts de l'impérialisme américain aussi sûrement que lorsqu'il collaborait avec la CIA en Afghanistan dans les années 1980.


Politique et idéologie

Ben Laden déclare dans l'enregistrement que la dévastation des attaques du 11 septembre a été au delà de ses attentes : « De par mon expérience dans ce domaine, je pensais que l'incendie provoqué par le carburant des avions ne ferait que faire fondre la structure d'acier du bâtiment et ferait s'écrouler les étages où les avions ont frappé et au-dessus. Nous n'en espérions pas plus ».
Ingénieur de formation, ben Laden pouvait peut-être imaginer les conséquences mécaniques d'un avion de ligne rempli de carburant allant d'écraser sur le World Trade Center. Mais il n'a pas la moindre compréhension des conséquences politiques de cet acte, ou des forces sociales et économiques derrière l'intervention des États-Unis au Moyen-Orient.

Ses politiques pour autant que l'on puisse qualifier ainsi ses idées primitives, sont une combinaison de désespoir et d'opportunisme. Il justifie les atrocités du 11 septembre, qui ont provoqué une révulsion mondiale et donné le prétexte au gouvernement américain pour envahir l'Asie centrale, en déclarant qu'elles ont entraîné quelques nouvelles conversions à l'Islam aux Pays-Bas. Son questionnement anxieux d'un mollah saoudien venu le visiter relativement à la façon dont ses actions sont perçues dans les cercles fondamentalistes de ce pays ne font que souligner à quel point son univers politique est borné.

Dans son vidéo, il ne mentionne aucunement le sort des Palestiniens, du peuple de l'Irak et des autres pays maintenant dans la ligne de mire des attaques américaines, et encore moins de la destruction et des pertes de vie causées par les bombardements américains en Afghanistan même.
L'idéologie de ben Laden est une vision religieuse arriérée aspirant à la restauration d'un régime théocratique médiéval basé sur son interprétation de l'Islam. Ben Laden fait des références constantes à Allah tout au long de sa conversation enregistrée et parle de la signification de ses rêves qu'il interprète en bon mystique comme des messages de Dieu.

Il est vrai que les médias américains ont sauté sur cet enregistrement vidéo pour poursuivre les efforts de propagande de l'administration Bush pour soutenir la guerre en Afghanistan et ses assauts contre les droits démocratiques au pays. Mais les médias ont peu parlé de l'obscurantisme religieux omniprésent dans la conversation enregistrée. Bush et compagnie ne cessent de présenter ben Laden comme un être « méchant » mais font preuve de bien de retenue lorsque vient le temps de parler du fanatisme religieux sous-jacent à sa propension à exercer une violence meurtrière. Cela pourrait trop nuire politiquement au pays puisque la droite républicaine est dominée par des forces dont idéologie revêt une ressemblance à celle de ben Laden. Il suffit de changer les « Allah soit loué » par des « que Dieu soit loué » et d'enlever les barbes et les turbans et l'enregistrement vidéo pourrait servir de documentaire sur une conférence clandestine de fondamentalistes chrétiens en train de louanger l'assassinat de médecins pratiquant des avortements ou la pose de bombe dans des cliniques de planification familiale.

Les buts de l'administration Bush

Dans le monde entier, des millions de personnes ont été révoltés avec raison par cet enregistrement vidéo. C'était bien entendu le but visé par l'administration Bush en le diffusant suivi d'une campagne bien orchestrée par la Maison Blanche et les médias américains.

Le gouvernement des États-Unis cherche à utiliser la répulsion populaire afin de légitimer l'intervention militaire américaine et écraser toute opposition à l'utilisation de mesures sommaires contre ben Laden, le chef taliban Muhammad Omar et autres membres d'Al-Qaïda et talibans éventuellement capturés.

Cette campagne est cynique et hypocrite -cynique car il y a suffisamment de preuves que les États-Unis ont préparé leur intervention militaire en Afghanistan bien avant le 11 septembre et qu'ils n'ont utilisé les détournements suicides que comme simple prétexte pour accélérer leurs efforts (voir l'article « Les États-Unis se préparaient à attaquer l'Afghanistan bien avant le 11 septembre » http://www.wsws.org/francais/News/2001/decembre01/20nov01_guerreafghan.shtml); et hypocrite car ben Laden est un ancien allié du gouvernement des États-Unis.
La CIA a délibérément cultivé et encouragé les fondamentalistes islamistes en Afghanistan pendant près d'une décennie, et toutes les administrations américaines ont par la suite louangé les moujahidines en les présentant comme des « combattants de la liberté » tant et aussi longtemps que leurs activités étaient dirigées contre l'Union Soviétique au lieu des États-Unis. Ben Laden a joué un rôle majeur dans cette opération en construisant des fortifications et des baraquements pour la guérilla et en recrutant des fondamentalistes islamistes dans le monde entier pour leur cause. Son groupe Al-Qaïda est véritablement une espèce de Frankenstein créé avec les fonds et l'armement donnés par les États-Unis.

Quel que soit le rôle que ben Laden a joué dans les détournements suicides du 11 septembre, la guerre américaine en Afghanistan ne s'en trouve pas justifiée pour autant, alors que le pays le plus riche et le plus puissant de la planète dévaste l'un des pays les plus pauvres et les plus faibles. Des milliers de paysans et de travailleurs afghans ont été tués, des gens qui n'avaient rien à voir avec les événements survenus à New York et à Washington - des vieillards, des femmes, des enfants dormant dans des huttes de terre bombardées par les avions de guerre américains; des soldats de la troupe talibane, de nombreux jeunes garçons enrôlés de force dans l'armée et incinérés dans leurs tranchées lors des bombardement de saturation, des prisonniers de guerre, bombardés, mitraillés, asphyxiés et massacrés après s'être rendus, en violation de la Convention de Genève.

Le culte médiatique autour de Donald Rumsfeld


Dans ce contexte, il est bon de signaler la campagne médiatique actuelle glorifiant le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, un individu auprès duquel, en fait de froideur et d'indifférence en ce qui a trait au massacre d'innocents, Ossama ben Laden apparaît comme un simple amateur.
Les conférences de presse de Rumsfeld au cours desquelles la presse et les dirigeants du Pentagone échangent régulièrement des blagues à propos de l'extermination d'êtres humains en Afghanistan, présente une terrifiante ressemblance avec les discussions échangées sur l'enregistrement vidéo entre ben Laden et ses supporters.

Le secrétaire à la Défense et divers généraux du Pentagone, repris par le parterre de journalistes, emploient de façon routinière un langage de mafiosi en parlant d'« éliminer » les forces talibanes et d'Al-Qaïda, avec des méthodes allant des bombes « faucheuses de marguerites » de 15 000 livres aux assassinats ciblés effectués avec des missiles guidés.

Les médias surnomment ces conférences de presse le « Rummy Show » -utilisant affectueusement le surnom du secrétaire à la Défense. Un article récent publié dans le Washington Post qualifiait le secrétaire à la Défense américain de nouvelle « rock star » en ajoutant que « tous s'inclinent devant la dynamo du Pentagone ».

Brossant un long portrait flatteur dans son cahier Style, le Washington Post a expliqué pourquoi les médias s'étaient tant amourachés de Rumsfeld. L'écrivain David Montgomery souligne que Rumsfeld « est confortable avec le verbe "tuer" ». Montgomery considère cela comme une « bouffée de fraîcheur en comparaison des anciens discours du Pentagone remplis d'obscurcissements et d'euphémismes ».

L'écrivain décrit avec approbation une conférence de presse : « pendant une présentation de 35 minutes, Rumsfeld va utiliser le verbe "tuer" à neuf reprises dans diverses phrases et différents substantifs. Le général à ses côtés qui répond également aux questions n'utilisera jamais le verbe "tuer", optant plutôt pour des formules du genre "nous avons affaibli leur commandement et leur contrôle" ».

Rumsfeld a souvent déclaré sa préférence pour que les talibans soient tués plutôt que faits prisonniers. Il est devenu le principal responsable moral des atrocités commises contre les prisonniers de guerre en Afghanistan, des meurtres qui rappellent les pires massacres de la guerre du Vietnam et les boucheries exercées contre les Amérindiens au XIXe siècle.

Un commentateur a utilisé les termes suivants pour décrire l'enregistrement de ben Laden : « Ils étaient délirants de joie. Ils se félicitaient mutuellement des destruction produites... Ils étaient révoltants par leur arrogance et leur mépris tordu pour la vie humaine ». Les mêmes mots peuvent s'appliquer avec autant de force pour n'importe quelle conférence de presse typique donnée par Rumsfeld.

Des questions sans réponses

Une question soulevée par l'enregistrement de ben Laden a été passée sous silence dans les médias américains. L'existence même de l'enregistrement, et la manière dont ben Laden s'adresse à son invité saoudien, ne remet-elle pas en question le portrait brossé par l'administration Bush de l'organisation Al-Qaïda comme une conspiration impénétrable et de ben Laden même comme un génie criminel ?

Pourquoi en effet un génie criminel ferait-il un tel enregistrement, et encore plus l'abandonnerait-il dans une ville juste avant qu'elle ne soit occupée par ses ennemis ? Loin d'apparaître comme un génie de la guerre clandestine, ben Laden ne semble pas même disposer des rudiments en matière de sécurité -c'est un homme qui ne peut garder un secret et qui livre sans problème des informations essentielles à un invité qu'il connaît à peine. Le fait que l'enregistrement du vidéo ait été donné à la CIA soulèvent plusieurs questions : est-ce que quelqu'un dans l'entourage de ben Laden travaillerait avec les agences de renseignement des États-Unis ? Et si tel est le cas, des avertissements ont-ils été émis avant les attaques du 11 septembre ?

S'il faut en croire ben Laden, il aurait été informé de la date des attaques du 11 septembre quatre jours à l'avance. Or, comment de telles communications peuvent-elles avoir échappé à la surveillance des États-Unis ? Ces questions comme d'autres anomalies entourant les attaques du 11 septembre commande la tenue d'enquêtes en profondeur.

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