Perspective

Trump dévoile une politique étrangère d'annexion et de conquête du monde

Le président élu Donald Trump s'exprime lors d'une conférence de presse à Mar-a-Lago, mardi 7 janvier 2025, à Palm Beach (Floride). [AP Photo/Evan Vucci]

Mardi, le président élu des États-Unis, Donald Trump, a pris la parole lors d'une conférence de presse concernant théoriquement la politique économique, où il a menacé d'utiliser la force militaire pour annexer le canal de Panama et le Groenland. Il a juré d’imposer une annexion du Canada par des pressions économiques et d’obliger l'Europe à doubler ses dépenses militaires afin de recevoir la «protection» des États-Unis.

«Nous allons changer le nom du golfe du Mexique en golfe d'Amérique», a-t-il déclaré. Lorsqu'on lui a demandé s'il envisagerait d'utiliser la «coercition militaire» pour annexer le Panama et le Groenland, Trump a répondu qu'il le ferait, ajoutant: «Nous en avons besoin pour la sécurité économique».

Lorsqu'un journaliste lui a demandé d'expliquer ses références antérieures au Canada comme « cinquante et unième État », Trump a redoublé ses menaces annexionnistes, plaidant pour « se débarrasser de cette ligne artificiellement tracée » entre le Canada et les États-Unis.

Trump a également refusé d'exclure une attaque américaine de grande envergure contre l'Iran et a menacé de faire la guerre dans tout le Moyen-Orient si les Palestiniens n'abandonnaient pas leur résistance à Israël, déclarant: «L'enfer va se déchaîner. »

Dans sa campagne électorale, Trump s’était adressé à l'opposition populaire à la guerre en Ukraine, accusant Biden de déclencher la «troisième guerre mondiale» et soulignant la baisse massive du niveau de vie des travailleurs dans un contexte de crise du coût de la vie intensifiée par les guerres menées contre la Russie et au Moyen-Orient.

Maintenant qu'il est sur le point d'assumer la présidence, Trump indique clairement les véritables objectifs de son administration, qui sera consacrée à livrer des guerres à une échelle sans précédent. Sa critique de la guerre en Ukraine a son origine dans les conflits tactiques qui agitent la classe dirigeante. Sa menace que «l'enfer va se déchaîner» au Moyen-Orient montre clairement que son administration sera celle de l’escalade quotidienne des crises et de la guerre mondiale.

L'effort de réorganisation des Amériques sous la domination directe des États-Unis, sur le modèle de l'Anschluss (rattachement) de l'Autriche à l'Allemagne, sous Hitler en 1938, est essentiel à la campagne d’hégémonie mondiale de l'administration Trump. Trump cherche à consolider la base du pouvoir des États-Unis dans leur proche voisinage ; cela est considéré comme essentiel pour projeter leur puissance contre le principal rival de l'impérialisme américain: la Chine.

Le Canada et le Groenland, avec leurs importantes ressources minérales, leurs gisements d'énergie et leur accès aux voies maritimes de l'Arctique, sont essentiels à cet effort, tout comme le canal de Panama, point d'étranglement central entre les océans Atlantique et Pacifique.

Trump déclare que l'époque où les opérations du militarisme américain étaient liées par des contraintes légales, ou par la feuille de vigne du «droit international», est révolue. Désormais, c'est la loi de la jungle où «les forts font ce qu'ils veulent, et les faibles subissent ce qu'ils doivent subir».

Les remarques de Trump sonnent le glas de toutes les affirmations que l'ère impérialiste est révolue. L'impérialisme, comme l'a expliqué le révolutionnaire et théoricien marxiste russe Vladimir Lénine, constitue le stade suprême du capitalisme. La concentration massive de la richesse dans une étroite oligarchie financière et la domination de la vie économique par des monopoles sont inséparables de la course à l'annexion et à la domination coloniale.

La deuxième présidence Trump est l'aboutissement de plus de trois décennies de guerre impérialiste continue initiée après la dissolution de l'Union soviétique, visant à assurer l'hégémonie économique et militaire des États-Unis. George H.W. Bush avait alors proclamé le «Nouvel Ordre Mondial» dans lequel il ne devait y avoir aucune entrave à une domination impérialiste sans frein des États-Unis sur le monde.

Au cours des décennies suivantes, les États-Unis ont envahi l'Irak deux fois, divisé la Yougoslavie en minuscules mini-États, envahi et occupé l'Afghanistan, déstabilisé et renversé les gouvernements de la Libye et de la Syrie, provoqué une guerre avec la Russie au sujet de l'Ukraine. Ils sont à présent en train de réorganiser le Moyen-Orient par la guerre et le génocide.

Tout au long de cette période, les États-Unis ont dissimulé leurs objectifs essentiellement prédateurs sous le langage des «droits de l'homme» et de l'«autodétermination nationale» ou, comme l'a fait George W. Bush, en lançant une ‘guerre à la terreur’, comme réponse au «terrorisme». Trump lui, se débarrasse de toute prétention altruiste ou défensive concernant les opérations de l'impérialisme américain. L'Amérique dispose de la plus grande et de la plus puissante armée, ainsi que d'un pouvoir économique considérable, et elle l'utilisera pour extraire ce qui est essentiellement un tribut impérial de ses «alliés», accompagné d’expansion territoriale et d’annexions.

Les vociférations de Trump sur l'annexion du Groenland, de Panama et du Canada, et sur le fait de forcer les alliés européens de l’Amérique à les faire payer pour leur protection, ont été présentées dans le cadre d'une lutte mondiale, en particulier contre la Chine.

En cela, la conférence de presse de Trump a corroboré les propos d'un de ses conseillers, qui a expliqué au Washington Post la logique derrière ses menaces. Ce journal écrit: «Une mission globale de lutte contre la Russie et la Chine est le fil conducteur qui relie les commentaires de Trump sur le Canada, le Mexique, le Groenland et Panama.»

Ryan Berg, analyste au groupe de réflexion CSIS, a déclaré au Post: «Il y a des inquiétudes quant à l'influence chinoise sur le canal et à la fiabilité des opérations américaines», ajoutant, «cela pourrait être l'une des principales voies de déploiement de navires de guerre américains de l'Atlantique vers le Pacifique dans une situation d'urgence où nous avons des intérêts de sécurité nationale, comme Taïwan.»

Confirmant cette évaluation, Trump a déclaré à sa conférence de presse: «La Chine gère le canal de Panama… Le canal de Panama a été construit pour nos armées.»

Trump a également confirmé l'article publié dans le Financial Times en décembre selon lequel ses menaces de couper l'aide militaire à l'Ukraine étaient basées sur un effort visant à ce que les alliés des États-Unis dans l'OTAN doublent leurs dépenses militaires.

Le Financial Times écrivait que Trump exigerait « des États membres de l'OTAN qu'ils augmentent leurs dépenses de défense à 5 % du PIB, mais il prévoit de continuer à fournir une aide militaire à l'Ukraine».

Trump a déclaré mardi: «L'Europe ne contribue qu'à une infime fraction de l'argent que nous investissons actuellement. ... J'ai dit, vous devez payer vos factures. ... Je pense que l'OTAN devrait être à 5 pour cent ... ils devraient être à 5 pour cent et non à 2 pour cent. ... Si nous ne payons pas nos factures, les États-Unis nous protégeront-ils de la Russie? ... si vous ne payez pas, ça veut dire que vous faites défaut. ... Si vous faites défaut, nous ne vous protégerons pas. »

Trump présente sa politique vis-à-vis de l'Europe sous forme d'un racket de protection où la guerre globale contre la Russie et la Chine sert de cadre pour soutirer un tribut aux «alliés» des États-Unis, qui sont de plus en plus traités en États vassaux.

La conférence de presse de Trump valide l'évaluation faite par le révolutionnaire russe Léon Trotsky, qui déclarait en 1928:

En période de crise, l'hégémonie des États-Unis se fera sentir plus complètement, plus ouvertement, plus impitoyablement que durant la période de croissance. Les États-Unis liquideront et surmonteront leurs difficultés et leurs troubles avant tout au détriment de l'Europe; peu importe que cela se passe en Asie, au Canada, en Amérique du Sud, en Australie ou en Europe même; peu importe que ce soit par la voie 'pacifique' ou par des moyens militaires.

Trotsky avertit par la suite, en 1934:

Le capitalisme des Etats-Unis se heurte aux mêmes problèmes qui ont poussé l'Allemagne en 1914 sur le chemin de la guerre. Le monde est partagé? Il faut refaire le partage. Pour l'Allemagne, il s'agit d'«organiser» l'Europe. Les Etats-Unis doivent «organiser» le monde. L'histoire est en train de confronter l'humanité à l'éruption volcanique de l'impérialisme américain.

Les mots de Trotsky sont encore plus actuels aujourd'hui que lorsqu'ils ont été écrits. L'«éruption volcanique» de l'impérialisme américain sera en même temps une éruption de la guerre des classes. La classe ouvrière sera contrainte de payer pour la guerre économique et militaire de Trump, et ce sont les travailleurs qui seront envoyés se battre et mourir, que ce soit à Panama, au Mexique, en Ukraine ou à Taïwan.

C'est pour cette raison que la lutte contre la guerre, tout comme la lutte pour la défense des droits démocratiques, doit être basée sur la lutte de la classe ouvrière pour défendre, sur la base d'un programme socialiste, ses intérêts sociaux et économiques.

(Article paru en anglais le 8 janvier 2025)

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