Perspective

Déclaration du Nouvel An 2025

Le socialisme contre l’oligarchie, le fascisme et la guerre

Dans son essai monumental « Les luttes de classes en France », l'une des premières applications de la méthode du matérialisme historique à l'analyse de la politique, Karl Marx a noté que le « secret de la révolution » qui a porté le duc d'Orléans au pouvoir en juillet 1830 a été résumé dans les mots de l’expert de la finance Laffitte : «Désormais, les banquiers gouverneront. » Si l'on remplace Laffitte par Elon Musk, et si l'on passe de 1830 à 2024, le «secret» de l'élection de Trump peut être résumé par les mots suivants : «Désormais, les oligarques gouverneront. »

Le président élu Donald Trump écoute Elon Musk à Boca Chica, au Texas, le 19 novembre 2024. [AP Photo/Brandon Bell]

Le retour au pouvoir de Trump, qui prendra ses fonctions dans à peine trois semaines, est à la fois une débâcle et un tournant fondamental. La réélection du Führer américain en puissance démontre que sa victoire initiale en 2016, et d'ailleurs la tentative de coup d'État du 6 janvier 2021, n'étaient pas des aberrations, mais bien l'expression d'un réalignement fondamental de la politique, aux États-Unis et dans le monde entier.

La nouvelle administration sera un gouvernement de riches, par les riches et pour les riches. À un degré sans précédent dans l'histoire américaine, l'oligarchie elle-même exercera un contrôle direct sur l'État : de Musk, l'homme le plus riche du monde et chef du « Département de l'efficacité gouvernementale » orwellien, à l'assemblage de milliardaires qui composeront le cabinet de Trump et la Maison-Blanche. À la mi-décembre, la richesse totale de cet échelon supérieur de l'administration Trump était estimée à près d'un demi-billion de dollars (500 milliards de dollars).

Le caractère du nouveau gouvernement marque un réalignement violent de l'État pour correspondre à la nature de la société capitaliste elle-même. Les individus et les entreprises les plus riches du monde contrôlent les ressources à une échelle insondable, avec un nombre croissant de centimilliardaires dont la richesse personnelle dépasse le PIB des 120 nations les plus pauvres du monde. Aux États-Unis, les trois personnes les plus riches possèdent aujourd'hui collectivement plus de richesses que les 50 % les plus pauvres de la population réunis.

À l'échelle mondiale, le 1 % le plus riche possède aujourd'hui plus de richesses que les 99 % les plus pauvres. Selon la dernière synthèse de Bloomberg News, les 500 personnes les plus riches du monde «se sont considérablement enrichies en 2024 », atteignant une nouvelle étape : 10.000 milliards de dollars de valeur nette totale. Bloomberg rapporte que «huit titans de la technologie ont gagné à eux seuls plus de 600 milliards de dollars cette année, soit 43 % de l'augmentation de 1500 milliards de dollars parmi les 500 personnes les plus riches ».

La réélection de Trump est le point culminant d'un long processus de réaction politique et un signe avant-coureur de ce qui est à venir. Il y a cinq ans, au début de l'année 2020, le World Socialist Web Site a publié une déclaration caractérisant les années 2020 comme la « décennie de la révolution socialiste ». Les années qui ont suivi ont été marquées par une série de crises simultanées sans précédent. Dans sa déclaration du Nouvel An 2024, le WSWS a mis en garde contre la « normalisation » de la mort de masse dans la pandémie COVID-19 en cours ; la « normalisation » des armes nucléaires dans l'escalade de la guerre des États-Unis et de l'OTAN contre la Russie en Ukraine ; et la « normalisation » du génocide dans le génocide israélien soutenu par l'impérialisme dans la bande de Gaza.

La réélection de Trump est l'expression politique de la « normalisation » de la barbarie fasciste et de la dictature capitaliste. Cela a été signalé par le Parti démocrate et les médias capitalistes qui ont abandonné toute référence à la menace de Trump pour la démocratie, sans parler du « mot en F», le fascisme, et qui se sont au contraire engagés à collaborer pleinement avec Trump et les Républicains.

L'administration entrante prévoit, dès le « premier jour », de mettre en œuvre un assaut massif contre les droits démocratiques, axé dans un premier temps sur les immigrants et les réfugiés. Parmi ses propositions les plus extrêmes figure l'abolition de la citoyenneté de naissance (ou droit du sol), pierre angulaire du 14e amendement de la Constitution américaine, adopté après la guerre de Sécession. L’assaut sur les travailleurs immigrés est le fer de lance d'une attaque plus large contre les droits démocratiques et sociaux de l'ensemble de la classe ouvrière, alors que le gouvernement se prépare à promulguer de nouvelles réductions d'impôts pour les riches et une attaque coordonnée contre tous les programmes sociaux gagnés par les travailleurs au prix de luttes acharnées.

Les processus clairement évidents aux États-Unis sont en fait universels. Partout dans le monde, les gouvernements capitalistes sont assaillis par des crises politiques massives, confrontés à l'opposition populaire et se tournant de plus en plus vers des mesures autoritaires.

En Allemagne, le parti néo-nazi Alternative für Deutschland (AfD) s'impose comme le parti capitaliste le plus fort, avec le soutien ouvert de Musk et dans un contexte de glissement universel de l'establishment politique vers la droite. En France, le « président des banques », Emmanuel Macron, gouverne désormais en collaboration avec le Nouveau Front populaire (NFP), cédant le manteau de l'opposition parlementaire au Rassemblement national fasciste de Marine Le Pen.

En Italie, le gouvernement d'extrême droite de Giorgia Meloni, dont l'héritage remonte à Mussolini, intensifie les politiques anti-immigration, tandis que Javier Milei, en Argentine, fournit le modèle d'extrême droite pour la régression sociale par la démolition des services publics et des protections du travail.

Au Sri Lanka, le parti de droite JVP, nationaliste et chauviniste cinghalais, a été porté au pouvoir lors des élections de l'année dernière et s'est immédiatement attelé à la mise en œuvre des diktats du Fonds monétaire international. La Corée du Sud est en proie à une crise politique, le président et le premier ministre ayant été destitués tout en tentant d'imposer la loi martiale. En Australie, le gouvernement travailliste, profondément impopulaire, a adopté des politiques qui ne se distinguent pas de celles de la coalition libérale/nationale de droite, notamment en lançant les préparatifs d'une guerre des États-Unis contre la Chine, tout en faisant la guerre aux immigrés et à la classe ouvrière dans le pays.

Les cinq dernières années ont été dominées par la réponse de la classe dirigeante à la crise capitaliste. Les cinq prochaines années seront dominées par une éruption explosive de la lutte des classes, qui est déjà en cours. Les travailleurs du monde entier sont confrontés à l’émergence de la guerre mondiale, à une pandémie de COVID-19, ainsi qu'à l'apparition de nouveaux agents pathogènes tels que la grippe aviaire H5N1 et la variole, à un assaut coordonné contre les droits démocratiques fondamentaux et à une augmentation massive de l'exploitation et de la misère sociale.

Ces crises interconnectées sont sous-tendues par une oligarchie qui subordonne l'ensemble de la société au profit et à l'accumulation de richesses personnelles. La lutte contre l'oligarchie est par nature une tâche révolutionnaire. Ses richesses doivent être expropriées et sa mainmise sur la vie économique et politique doit être abolie. Cela nécessite la mobilisation de la classe ouvrière, à l'échelle mondiale, pour prendre le pouvoir politique, établir un contrôle démocratique sur le processus de production et réorganiser la société sur la base du socialisme, c'est-à-dire sur la base des besoins sociaux et non du profit privé.

L'éruption mondiale de la guerre impérialiste

La politique étrangère de l'oligarchie est la guerre impérialiste et le pillage. «L'impérialisme », explique Lénine, est »1) le capitalisme monopolistique ; 2) le capitalisme parasitaire ou en décomposition ; 3) le capitalisme moribond. La suppression de la libre concurrence par le monopole est la caractéristique économique fondamentale, la quintessence de l'impérialisme ». Dans la compétition pour les ressources et les matières premières, les puissances impérialistes menacent de plonger l'humanité dans la catastrophe.

Des soldats ukrainiens tirent avec un système d'artillerie Pion sur des positions russes près de Bakhmut, dans la région de Donetsk, en Ukraine, vendredi 16 décembre 2022. [AP Photo/LIBKOS]

Les déclarations incendiaires de Trump sur la prise de contrôle du canal de Panama, l'achat du Groenland et la menace de déployer l'armée au Mexique illustrent les ambitions impérialistes de l'administration entrante. Le corollaire du nationalisme « America First » de Trump est une politique mondiale de « Forteresse Amérique », dans laquelle le contrôle de l'hémisphère occidental est considéré comme essentiel dans la confrontation qui se développe avec la Chine.

Sous Biden, les trois décennies de guerres régionales de l'impérialisme américain se sont étendues à une confrontation ouverte avec la Russie, la deuxième plus grande puissance dotée d'armes nucléaires. L'invasion russe de l'Ukraine en février 2022 était un acte réactionnaire et désastreux du régime de Poutine, qui représente les intérêts de l'oligarchie capitaliste issue de la dissolution de l'Union soviétique. Elle n'était cependant pas « non provoquée », comme le prétendent universellement les médias capitalistes. Il s'agissait de la réponse du gouvernement russe à l'expansion incessante de l'OTAN vers l'est et au refus de négocier l'intégration de l'Ukraine dans l'alliance militaire dirigée par les États-Unis.

En trois ans, la guerre a fait des centaines de milliers de morts dans les deux camps. Dans ses dernières semaines, l'administration Biden a autorisé l'Ukraine à utiliser des armes à longue portée fournies par les États-Unis pour bombarder des villes russes, ce qui a rapproché le monde du bord de la guerre nucléaire comme jamais depuis la crise des missiles de Cuba.

La guerre est menée par les États-Unis et les puissances de l'OTAN en alliance avec un régime de droite à Kiev qui, confronté à une opposition intérieure croissante, mène une attaque de plus en plus brutale contre les droits démocratiques. Bogdan Syrotiuk, membre éminent de la Jeune Garde des bolcheviks-léninistes (JGBL), est maintenant emprisonné depuis huit mois, pour le « crime » de s'être opposé aux gouvernements ukrainien et russe et d'avoir lutté pour unifier la classe ouvrière contre la guerre.

Simultanément, l'assaut génocidaire d'Israël contre Gaza, soutenu par les États-Unis et les puissances de l'OTAN, avec l'aide et la complicité des régimes bourgeois-nationalistes du Moyen-Orient, a révélé les profondeurs de la barbarie impérialiste.

Le génocide, marqué par la destruction de villes entières, le bombardement d'hôpitaux et d'écoles et le déplacement de centaines de milliers de personnes, fait partie d'une stratégie régionale plus large. L'objectif est de réorganiser le Moyen-Orient en fonction des intérêts impérialistes, y compris le renversement du gouvernement Assad en Syrie, la décapitation de la direction du Hezbollah et l'escalade des provocations contre l'Iran.

Dans la mesure où il existe des conflits sur la politique étrangère au sein de l'État américain, ils sont davantage liés à la géographie – c'est-à-dire à la région du monde qui devrait être la cible immédiate de l'agression impérialiste – qu'aux objectifs et aux méthodes. L'objectif principal de la nouvelle administration sera toutefois de préparer une confrontation avec la Chine, que la classe dirigeante américaine considère comme son principal rival mondial.

Cette éruption mondiale du militarisme est inséparable de l'aggravation de la crise du capitalisme américain. L'accent mis par Trump sur la « domination du dollar » souligne à quel point l'agression militaire sera utilisée pour maintenir la suprématie mondiale du capital financier américain. Les tarifs douaniers, les guerres commerciales et les menaces contre les rivaux et les alliés – illustrées par les remarques provocatrices de Trump sur l'annexion du Canada en tant que « 51e État » – révèlent le désespoir de l'impérialisme américain pour maintenir son hégémonie face au déclin économique à long terme.

L'analyse faite par Léon Trotsky en 1928, pendant la période entre la Première et la Seconde Guerre mondiale, s'applique avec encore plus de force aujourd'hui. Trotsky écrivait :

En période de crise, l'hégémonie des États-Unis se fera sentir plus complètement, plus ouvertement, plus impitoyablement que durant la période de croissance. Les États-Unis liquideront et surmonteront leurs difficultés et leurs troubles, avant tout au détriment de l'Europe ; peu importe où cela se passera, en Asie, au Canada, en Amérique du Sud, en Australie ou en Europe même ; peu importe que ce soit par la « voie pacifique » ou par des moyens militaires.

L'irruption de l'impérialisme américain s'inscrit dans un redécoupage impérialiste global du monde, auquel participent tous les grands pays capitalistes. Les puissances européennes ont réagi à l'élection de Trump, et à la possibilité d'un changement de politique sur l'Ukraine, en insistant sur la nécessité d'une politique étrangère indépendante – si nécessaire en opposition aux États-Unis. Tous les anciens pays coloniaux sont visés par un nouvel asservissement dans une course au contrôle des ressources, des marchés et des matières premières.

L'émergence de la guerre mondiale menace de plonger l'humanité dans une conflagration mondiale aux conséquences catastrophiques. Dans le même temps, la guerre à l'étranger nécessite une intensification massive de la guerre contre la classe ouvrière à l'intérieur du pays. Foreign Affairs a récemment décrit la nouvelle ère de la « guerre totale », dans laquelle « les combattants puisent dans de vastes ressources, mobilisent leurs sociétés, donnent la priorité à la guerre sur toutes les autres activités de l'État, attaquent une grande variété de cibles et remodèlent leurs économies et celles d'autres pays ». En d'autres termes, toute la société doit être subordonnée à la guerre.

La crise du capitalisme et le développement de la lutte des classes

La guerre impérialiste est la réponse de la classe dirigeante à la crise de plus en plus insoluble de l'ensemble de l'ordre capitaliste. L'éclatement de crises économiques de plus en plus graves au cours des dernières décennies a aggravé le parasitisme et l'insouciance de l'oligarchie financière, dont l'immense richesse est de plus en plus détachée de la production de valeur réelle.

Une partie d’un piquet de grève des machinistes de Boeing à Renton, Washington

La réponse de la classe dirigeante aux crises successives a consisté à renflouer massivement les banques et les entreprises, plus récemment au cours de la première année de la pandémie de COVID-19. La pandémie a révélé l'indifférence meurtrière des gouvernements capitalistes à l'égard de la vie des travailleurs, en donnant la priorité aux profits des entreprises plutôt qu'à la santé publique. Plus de 30 millions de personnes, en grande majorité issues de la classe ouvrière, ont été tuées dans le monde. Au moins 500 millions de personnes souffrent aujourd'hui des effets souvent débilitants de la COVID longue.

Pour la classe dirigeante, cependant, il s'agissait d'une manne financière, les gouvernements du monde entier, sous la houlette des États-Unis, ayant injecté des milliers de milliards de dollars dans les marchés boursiers. Si ces mesures ont temporairement stabilisé les marchés, elles n'ont pas permis de résoudre les contradictions sous-jacentes du système capitaliste. Au contraire, elles ont alimenté des niveaux de spéculation et d'endettement encore plus élevés, préparant le terrain pour un effondrement encore plus catastrophique.

Cela n'est nulle part plus évident que dans l'essor d'instruments financiers spéculatifs comme le bitcoin et d'autres crypto-monnaies, dont la valeur marchande globale s'élève aujourd'hui à 3 260 milliards de dollars. En décembre 2024, le prix d'un bitcoin a dépassé les 100.000 dollars, et il n'est pas inconcevable que sa « valeur » double, triple ou quadruple dans les mois à venir. Bien entendu, il est également très possible que l'ensemble du système de Ponzi des crypto-monnaies s'effondre, ce qui nécessiterait un nouveau sauvetage des spéculateurs par la Réserve fédérale, à hauteur de plusieurs milliers de milliards de dollars.

Un récent reportage du Financial Times a révélé que les défauts de paiement sur les cartes de crédit aux États-Unis ont atteint leur plus haut niveau depuis 2010. Les défauts de paiement sur les prêts leviers ont également atteint leur taux le plus élevé en quatre ans, signalant la croissance de l'instabilité financière. Pendant ce temps, la dette nationale des États-Unis dépasse les 36.000 milliards de dollars.

Alors que la presse vante les perspectives d'enrichissement des super-riches, la réalité pour la grande masse de la population est bien différente : augmentation du coût de la vie, stagnation des salaires et effondrement des services publics. Aux États-Unis :

  • Entre 2019 et 2023, le coût des loyers a augmenté de 30,4 % au niveau national, laissant près de la moitié des locataires « accablés par les coûts ». Une enquête réalisée en 2024 a révélé que plus d'un cinquième des locataires consacraient la totalité de leurs revenus au loyer, et que nombre d'entre eux dépendaient d'un deuxième emploi (20 %), d'une aide familiale (14 %) ou d'un retrait prématuré de leur épargne-retraite (12 %) pour joindre les deux bouts.

  • Un nombre record de jeunes Américains, dont 31 % de la génération Z, vivent avec leurs aînés, parents ou grands-parents, en raison du coût trop cher des logements. Un quart des jeunes adultes vivent désormais dans des ménages multigénérationnels, en raison de l'augmentation des coûts et de l'endettement des étudiants.

  • Le nombre de sans-abri a atteint le chiffre record de 770.000 personnes en 2024, soit une augmentation de 18,1 % par rapport à 2023, avec près de 150.000 enfants sans abri en une seule nuit, soit une augmentation de 33 % par rapport à l'année précédente.

  • Le chômage officiel a atteint 7,1 millions de personnes en novembre 2024, auxquelles s'ajoutent 4,5 millions de personnes sous-employées et 5,5 millions de personnes ayant quitté le marché du travail.

Selon la Banque mondiale, près de 700 millions de personnes (soit 8,5 % de la population mondiale) vivent dans l'« extrême pauvreté », définie comme un revenu inférieur à 2,15 dollars par jour. Quelque 3,5 milliards de personnes (44 % de l'humanité) subsistent avec moins de 6,85 dollars par jour.

Ces conditions suscitent d'importantes manifestations d'opposition sociale. Aux États-Unis, plus de 450.000 travailleurs ont été impliqués dans des « arrêts de travail majeurs » en 2023, soit une augmentation de 280 % par rapport à l'année précédente et un retour aux niveaux d'avant la pandémie. Ces grèves ont touché tous les secteurs et toutes les professions : ouvriers de l'automobile, scénaristes et acteurs d'Hollywood, infirmières et enseignants des écoles publiques. Le développement de la lutte des classes s'est poursuivi en 2024, avec notamment des grèves des travailleurs de l'aérospatiale de Boeing, des universitaires, des travailleurs des télécommunications et des travailleurs d'Amazon et de Starbucks.

Au cours de l'année écoulée, les travailleurs d'Argentine, de Guinée et du Nigeria ont lancé de puissantes grèves générales pour s'opposer aux mesures d'austérité qui menaçaient leurs moyens de subsistance. Au Kenya, des millions de jeunes ont manifesté contre l'austérité dans le cadre des «manifestations de la génération Z », suivies d'une vague de grèves impliquant des travailleurs de nombreux secteurs. En Grèce et en Italie, les travailleurs ont paralysé des secteurs majeurs de l'économie lors de manifestations de masse contre la privatisation, les baisses de salaires et l'érosion des protections sociales. L'Irlande du Nord a connu la plus grande grève depuis plus d'un demi-siècle, lorsque 150.000 travailleurs du secteur public ont débrayé pour réclamer de meilleurs salaires et conditions de travail.

En Asie, d'importantes grèves ont éclaté dans des secteurs clés, notamment chez les travailleurs des transports publics et les employés de Samsung en Corée du Sud, ainsi que chez les cheminots au Sri Lanka. Les grèves des mineurs de cuivre au Chili et des travailleurs portuaires au Brésil ont mis en évidence la détermination des travailleurs d'Amérique latine à résister à la marchandisation de leur travail pour le capital mondial. Au Mexique, les travailleurs de la sidérurgie et de l'automobile se sont battus contre les bas salaires et les conditions imposées par les sociétés transnationales.

En Turquie, les métallurgistes et les mineurs se sont engagés dans des luttes militantes pour défendre leurs salaires et leurs conditions de travail. En Allemagne, les grèves chez Lufthansa et Volkswagen ont mis en évidence le mécontentement croissant des travailleurs de la plus grande économie d'Europe. La Grande-Bretagne a connu des grèves de masse dans les secteurs ferroviaire et aéroportuaire, tandis que la France a été secouée par des grèves dans les ports, les chemins de fer et le secteur public.

Au Canada, des milliers d'éducateurs de la Saskatchewan, ainsi que des travailleurs des chemins de fer, des ports et de Postes Canada ont participé à des grèves. Ces luttes se sont heurtées à l'opposition farouche du gouvernement Trudeau qui, en coordination avec Washington, est intervenu à plusieurs reprises pour écraser les grèves.

Les bureaucraties syndicales, alignées sur les intérêts des entreprises et de l'État, freinent les mouvements de travailleurs. Lutte après lutte, les appareils syndicaux se sont efforcés d'étouffer les grèves, d'isoler les luttes et d'imposer des ententes qui trahissaient les intérêts de la base.

Aux États-Unis, l'Association internationale des machinistes (AIM) a saboté la grève de deux mois de Boeing l'année dernière, isolant 33.000 travailleurs et les épuisant avec des indemnités de grève inadéquates avant de mettre fin à la grève. Les Travailleurs unis de l'automobile (UAW) ont lancé une campagne de « grève » fictive sans grève réelle, le président de l'UAW, Shawn Fain, muselant l'opposition et s'engageant à collaborer avec Trump sur les politiques commerciales. Sur les quais, l'Association internationale des débardeurs (ILA) a rapidement mis fin à une grève de trois jours menée par 40.000 travailleurs en octobre, les renvoyant dans le cadre d'une prolongation de 90 jours négociée par la Maison-Blanche.

Au Canada, après une grève d'un mois menée par 55.000 travailleurs des postes, le Syndicat des travailleurs des postes (STTP) et le Congrès du travail du Canada ont capitulé devant l'interdiction de grève imposée par le ministre du Travail, Steven MacKinnon. Aucune des revendications des travailleurs concernant les augmentations de salaire, la sécurité de l'emploi ou le contrôle des nouvelles technologies n'a été satisfaite.

Chaque lutte soulève l'impératif de développer de nouvelles organisations, des comités de base dirigés par les travailleurs eux-mêmes, afin de transférer le pouvoir à l'atelier et d'être le fer de lance d'un mouvement uni et mondial de l'ensemble de la classe ouvrière.

La lutte pour le trotskisme dans la décennie de la révolution

Alors que l'humanité entre dans la seconde moitié de la décennie, les conditions objectives de la révolution socialiste mûrissent à un rythme extraordinaire. Les conditions créées par le capitalisme mondial – guerre impérialiste, inégalité stupéfiante, catastrophe climatique et menace de dictature – poussent des millions de travailleurs et de jeunes à lutter.

Travailleurs de Postes Canada sur le piquet de grève à Niagara-on-the-Lake, Ontario, le vendredi 15 novembre

S'il y a une leçon définitive à tirer de l'histoire moderne, c'est que les niveaux d'inégalité des richesses qui existent aujourd'hui aux États-Unis et dans le monde produisent toujours des explosions sociales. Mais l'histoire démontre également que ces luttes ne peuvent aboutir sans un programme, une organisation et une direction clairs.

Un peu plus d'un siècle s'est écoulé depuis l'éclatement du conflit au sein du Parti communiste russe qui a entouré la publication de l'ouvrage fondamental de Trotsky, Les Leçons d'Octobre. L'analyse de Trotsky, basée sur la lutte de l'opposition de gauche contre le bureaucratisme, a suscité une réponse hystérique de la part des staliniens. Les deux questions centrales qui ont émergé, lorsque Trotsky s'est défendu contre les attaques, étaient les suivantes : 1) la victoire des bolcheviks en octobre 1917 n'a été possible que sur la base d'une stratégie internationale ; et 2) plus la situation objective est développée, plus le rôle de la direction révolutionnaire, le « facteur subjectif », est décisif.

La classe dirigeante est elle-même consciente du danger d'une direction révolutionnaire dans la classe ouvrière. Les dénonciations hystériques du socialisme par Trump expriment la crainte que la colère croissante de la classe ouvrière rencontre un programme et à une perspective qui articulent les intérêts des travailleurs. D'immenses ressources ont été consacrées par des couches du monde universitaire pour contrer le « péril » du trotskisme.

L'universitaire britannique John E. Kelly, par exemple, écrit dans son livre The Twilight of World Trotskyism (Le crépuscule du trotskysme mondial), paru en 2023, que « le scénario révolutionnaire dirigé par les trotskistes, qui n'a jamais été mis en œuvre nulle part malgré près d'un siècle d'efforts, constitue un détournement tragique et inutile de l'énergie et des ressources politiques au détriment d'une politique radicale sérieuse ». En ce qui concerne le Comité international de la Quatrième Internationale, Kelly dénonce l'affirmation « prétentieuse et arrogante » selon laquelle « il n'y a qu'un seul courant du marxisme : “le trotskisme est le marxisme du 21e siècle”, et dans le monde du trotskisme, il n'y a qu'un seul véritable parti trotskiste ».

Pour Kelly et d'autres défenseurs du système capitaliste, la politique « sérieuse » est le charabia réformiste de Jeremy Corbyn au Royaume-Uni et d'organisations et d'individus similaires dans le monde entier. Et qu'est-ce que ce type de politique a produit ? Les efforts de Corbyn pour « réformer » le Parti travailliste ont donné naissance au gouvernement de sir Keir Starmer, qui est en première ligne de la guerre impérialiste en Europe et de l'assaut contre la classe ouvrière dans son pays.

Aux États-Unis, Bernie Sanders, la représentante Alexandria Ocasio-Cortez des Socialistes démocrates d'Amérique et leurs semblables ont canalisé le mécontentement populaire en soutien au programme pro-guerre et pro-patronal du Parti démocrate, créant ainsi les conditions de la réélection de Trump. Jean-Luc Mélenchon en France, Syriza en Grèce, le Parti de gauche en Allemagne, Podemos en Espagne et bien d'autres ont cherché à contenir et à neutraliser l'opposition de la classe ouvrière, en la subordonnant aux partis de l'establishment de la classe dirigeante.

Trotsky, répondant aux John Kelly de son époque, a fait remarquer en avril 1939 :

Bien qu'ils se sentent appelés à défendre les fondements du capitalisme, les réformateurs, dans la nature même des choses, se révèlent impuissants à maîtriser ses lois par des mesures de police économique. Que peuvent-ils alors faire d'autre que de moraliser ? M. Ickes, comme les autres membres du cabinet et les publicistes du New Deal, termine en appelant les monopoleurs à ne pas oublier la décence et les principes de la démocratie. En quoi cela vaut-il mieux que des prières pour la pluie ?

Quelle perspective plus pitoyable que celle selon laquelle des gens comme Musk, qui défendent leur immense fortune en promouvant le fascisme dans le monde entier, peuvent être contraints d'accepter des réformes sociales ? La richesse des oligarques est d'ailleurs entièrement liée à un système social et économique, le capitalisme.

La seule réponse viable à la crise à laquelle l'humanité est confrontée est la mobilisation révolutionnaire de la classe ouvrière. Le caractère oligarchique de la société témoigne de l'urgence de la revendication soulevée par Trotsky dans le programme fondateur de la Quatrième Internationale, à savoir «l'expropriation de certains groupes de capitalistes». Cette exigence doit être réalisée par la mobilisation de la classe ouvrière, à l'échelle mondiale, en opposition à l'oligarchie capitaliste.

Le CIQI est le seul parti qui articule et lutte pour libérer le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière dans la réalisation de la révolution socialiste mondiale. Enraciné dans les grandes traditions du marxisme, de la révolution russe à la bataille de Trotsky contre le stalinisme, le CIQI s'engage à armer la classe ouvrière de la clarté et de l'organisation nécessaires pour renverser le capitalisme.

Bâtissons l'Alliance ouvrière internationale des comités de base !

Le socialisme ne peut être atteint que par le développement de la lutte des classes. La révolution qui jettera les bases politiques du socialisme est préparée au cours d'innombrables luttes menées par la classe ouvrière, aux États-Unis et dans le monde, pour promouvoir ses intérêts et défendre ses droits.

La construction de l'IWA-RFC en tant que centre nerveux de coordination de l'opposition mondiale aux diktats de l'oligarchie capitaliste sera au cœur du travail du CIQI et de ses sections en 2025.

La classe ouvrière internationale est la force sociale la plus puissante et la plus massive de la planète, la source de toute valeur dans la société capitaliste. Selon Statista, la main-d'œuvre mondiale totale en 2024 s'élevait à environ 3,5 milliards de personnes, soit une augmentation de plus de 55 % par rapport aux 2,23 milliards de 1991. Ce chiffre comprend 1,65 milliard de travailleurs des services, 873 millions de travailleurs agricoles et 758 millions de travailleurs industriels.

Il y a actuellement près de 800 millions de travailleurs en Chine, 600 millions en Inde, 170 millions aux États-Unis et 44 millions en Allemagne. En Afrique, en Asie et en Amérique latine, il existe une classe ouvrière massive et essentiellement jeune, concentrée dans les centres urbains et les mégapoles, qui comptent chacun plus de 10 millions d'habitants. On estime à 140 millions le nombre de travailleurs en Indonésie, 108 millions au Brésil, 80 millions au Pakistan, 75 millions au Nigeria, 74 millions au Bangladesh et 61 millions en Éthiopie.

La classe ouvrière internationale est objectivement unie dans le processus mondial de production, qui est dominé par des sociétés transnationales et des réseaux de distribution qui exploitent les travailleurs du monde entier dans l'intérêt du profit. Le développement d'une offensive sociale unifiée de la classe ouvrière dépend de la création d'organisations de lutte de la classe ouvrière, dirigées par les travailleurs eux-mêmes.

La création de l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) par le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) en avril 2021 a marqué une étape décisive dans la lutte pour l'unification de la classe ouvrière au-delà des frontières nationales et des industries.

Ce n'est que dans la mesure où le pouvoir sera arraché aux mains de la bureaucratie et transféré aux travailleurs dans les ateliers que les syndicats pourront être ressuscités en tant qu'instruments de la lutte des classes. Comme l'expliquait le CIQI en 2021 :

De nouvelles voies pour la lutte de masse doivent être créées. Il y a plus de 80 ans, alors que la dégénérescence des organisations syndicales était bien moins avancée qu'aujourd'hui, Léon Trotsky – le plus grand stratège de la révolution socialiste mondiale – écrivait que la tâche de la IVe Internationale était «de créer, dans tous les cas où c'est possible, des organisations de combat autonomes qui répondent mieux aux tâches de la lutte des masses contre la société bourgeoise, sans même s'arrêter, si c'est nécessaire, devant une rupture ouverte avec l'appareil conservateur des syndicats.»

La lutte pour développer un réseau de comités de base interconnectés au niveau mondial ne se limite pas aux usines, aux écoles et aux lieux de travail où existent des syndicats. En fait, l'écrasante majorité des lieux de travail actuels ne sont pas syndiqués. Cette réalité sociale signifie que les comités de base apparaîtront comme la forme initiale et unique d'organisation pratique dans d'innombrables lieux de travail.

L'IWA-RFC doit être développé en tant que cadre permettant aux travailleurs de partager des informations, de planifier des actions collectives et de monter une offensive unifiée contre l'exploitation, l'austérité et la guerre. Il doit s'opposer à toutes les formes de chauvinisme national et d'agitation anti-immigrés utilisées par la classe dirigeante pour diviser les travailleurs les uns contre les autres. Il doit organiser l'opposition de la classe ouvrière aux opérations de déportation massive de l'administration Trump et des gouvernements d'extrême droite à travers le monde.

Les comités de base, formés indépendamment par les travailleurs dans les usines, les écoles et les lieux de travail, sont les moyens par lesquels les travailleurs peuvent s'organiser démocratiquement, affirmer leurs propres revendications et lier leurs luttes à celles des travailleurs du monde entier.

Au cours de l'année écoulée, des comités de base ont vu le jour dans des secteurs critiques – logistique, construction automobile, éducation et soins de santé – pour contester les trahisons des bureaucraties syndicales et faire avancer les revendications des travailleurs. Ces comités ont joué un rôle essentiel dans l'organisation de la résistance à l'exploitation des entreprises, aux conditions de travail dangereuses et à la destruction des services publics. Ils ont également commencé à établir des liens internationaux, reconnaissant que leurs luttes sont interconnectées et nécessitent une réponse unifiée.

La tâche de l'IWA-RFC dans la période à venir est d'étendre ce travail, en construisant un réseau international puissant qui servira de centre d'organisation pour la classe ouvrière.

Entrez dans la lutte pour le socialisme en 2025 ! Bâtissez le CIQI ! Soutenez le World Socialist Web Site !

La classe ouvrière est confrontée à d'immenses défis, mais elle dispose également d'un immense pouvoir. Les processus mêmes qui aggravent la crise du capitalisme – la mondialisation, les avancées technologiques telles que l'intelligence artificielle et la concentration de la production – ont également créé les conditions nécessaires à l'unification internationale de la classe ouvrière.

Les mois à venir seront marqués par d'immenses chocs, des crises et l'éclatement de luttes de masse. Sans direction révolutionnaire, ces luttes risquent d'être trahies, détournées ou écrasées.

Le World Socialist Web Site appelle tous ses lecteurs à prendre la décision de s'impliquer. Le moment est venu de lutter pour une politique sérieuse, une politique révolutionnaire. Enraciné dans l'ensemble des traditions historiques du mouvement trotskiste, le Comité international de la Quatrième Internationale se bat pour une rupture profonde avec toutes les formes de nationalisme et pour l'unification des travailleurs au niveau international sur la base d'un programme de socialisme révolutionnaire. Il n'y a pas d'autre solution.

Adhérez au Parti de l'égalité socialiste ou aidez à construire une section du CIQI dans votre pays s'il n'en existe pas déjà une.

Nous appelons également tous nos lecteurs à faire un don au Fonds de Nouvel An du World Socialist Web Site à l'adresse wsws.org/donate. Le WSWS fonctionne entièrement grâce au soutien de ses lecteurs et de ses sympathisants, refusant tout financement d'entreprise ou d'État afin de préserver son indépendance politique. Votre don est essentiel pour soutenir et développer le travail du World Socialist Web Site et renforcer la lutte pour le socialisme en 2025 et au-delà.

À ce stade critique, chaque travailleur et chaque jeune qui cherche à s'opposer à la guerre, à l'inégalité et à la dictature doit agir. Rejoignez le Parti de l'égalité socialiste, soutenez le WSWS et construisez le Comité international de la Quatrième Internationale en tant que Parti mondial de la révolution socialiste !

Pour plus d'informations sur l'adhésion au Parti de l'égalité socialiste, remplissez le formulaire ci-dessous.

(Article paru en anglais le 3 janvier 2025)

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