Jeudi, le New York Times a publié un compte rendu détaillé rapportant l'existence de documents militaires officiels israéliens autorisant le meurtre de 20 non-combattants dans chaque attaque contre un seul partisan présumé du Hamas, le ratio atteignant dans certains cas 100 pour un.
L’article indique clairement qu'Israël mène sa guerre contre Gaza comme une guerre d'extermination, le meurtre de la population civile sous les bombardements aériens étant tout autant l’objectif que le massacre de ceux qui ont pris les armes contre l'occupation israélienne.
Le Times a rapporté que dans les heures qui ont suivi le début de l'attaque du 7 octobre, l'armée israélienne a émis un ordre sans précédent autorisant le bombardement sans restriction des zones civiles de Gaza.
«Dans chaque frappe, les officiers avaient selon cet ordre le pouvoir de risquer de tuer jusqu'à 20 civils», a écrit le Times.
L'ordre autorisait l'armée israélienne à cibler des personnalités vaguement associées au Hamas alors qu'elles étaient chez elles avec leurs familles, créant ainsi les conditions d'un massacre systématique et délibéré de foyers entiers. «Cela signifiait, par exemple, que l'armée pouvait cibler les militants de base car ils étaient chez eux entourés de parents et de voisins.»
Le Times ajoute que «les commandants supérieurs ont approuvé des frappes contre les dirigeants du Hamas dont ils savaient que chacune mettraient en danger plus de 100 non-combattants – franchissant un seuil extraordinaire pour une armée occidentale contemporaine».
Ce qui apparaît clairement dans le récit du Times, c'est que le «système» et les «règles d'engagement» utilisés dans les «frappes préventives» visant les sympathisants présumés du Hamas n'étaient rien qu'une couverture pour un bombardement généralisé de Gaza à l’aide de bombes massives visant à tuer le plus grand nombre de gens possible et à détruire la plus grande partie possible de la bande de Gaza.
L'objectif de ce massacre était le nettoyage ethnique d’une bande de Gaza qui serait annexée, occupée et colonisée de manière permanente par Israël, dans le cadre de ce que le Premier ministre israélien Netanyahou a appelé le «nouveau Moyen-Orient». Cela sous l'hégémonie directe et la domination des puissances impérialistes par le biais de leur État vassal israélien.
Le fait que cette campagne d'extermination de masse se poursuive à ce jour a été démontré par l'assassinat jeudi de cinq journalistes lors d'une frappe aérienne, portant à 201 le nombre total de journalistes tués à Gaza depuis octobre 2023.
À ce jour, 45 361 Palestiniens ont été tués selon le ministère de la Santé de Gaza dans l'assaut israélien sur l’enclave commencé le 7 octobre 2023. Mais ce chiffre ne tient pas compte du grand nombre de ceux morts d’une famine délibérément imposée par Israël à la population de Gaza ou de la destruction du système de santé. Le total pourrait être de 186 000 ou bien plus, selon l’estimation donnée en juillet par The Lancet.
L’article du Times constitue une admission semi-officielle du gouvernement américain qu’il existe un tel ordre d'extermination, en grande partie par souci de limiter les dégâts. Une grande partie des faits avait déjà été rapportée par le magazine +972, une publication israélo-palestinienne indépendante, mais le Times est le premier grand média américain qui affirme avoir vu le document autorisant l'assassinat de 20 civils pour chaque combattant.
Les frappes israéliennes sont menées sans avertissement. Elles le sont souvent sur la base d'un système appelé «Lavender» utilisant l'intelligence artificielle pour cibler des immeubles entiers et leurs habitants en vue de les détruire sans aucun avertissement et, dans certains cas, sans surveillance humaine.
L'ordre émis le 7 octobre a été suivi d'un autre, émis le 8 octobre, qui, selon le Times, déclarait: «Les frappes sur des cibles militaires à Gaza ... étaient autorisés à mettre en danger cumulativement jusqu'à 500 civils chaque jour ».
Dans un passage extraordinaire, le Times écrit qu’«un universitaire de West Point consulté par le Times, le professeur Michael N. Schmitt, a déclaré que cela risquait d'être interprété par les officiers de rang intermédiaire comme un quota qu'ils devaient atteindre». Quoi qu'il en soit, écrit le Times, le «quota» a été supprimé quelques jours plus tard, et il y eut plusieurs jours au cours desquels plus de 500 décès furent signalés à Gaza.
Au cours des deux premiers jours de la guerre, le Times rapportait dans un article précédent: «90% des munitions qu'Israël a larguées à Gaza étaient des bombes guidées par satellite de 1000 à 2000 livres. »
Les responsables américains ont déclaré à maintes reprises avoir encouragé les dirigeants israéliens à utiliser des munitions à faible rendement. Mais ces déclarations publiques ont été démenties par le fait que, selon un article de Reuters publié en juillet, les États-Unis ont envoyé à Israël 14 000 bombes de 2 000 livres entre octobre et juillet, plus que tout autre type de munition.
L'existence de cet ordre aide à expliquer les conclusions d'un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, publié en novembre, qui concluait que 70 % des décès de civils à Gaza depuis octobre 2023 étaient des femmes et des enfants, les enfants de moins de 18 ans représentant de loin la plus grande partie des décès.
Tout au long du génocide, l'administration Biden a cherché à promouvoir l'affirmation qu’Israël, bien que parfois trop zélé dans l'utilisation des armes, n'avait pas l'intention d'exterminer la population de Gaza ou de la déplacer de force.
La réalité est cependant que les documents vérifiés par le New York Times auront été mis immédiatement à la disposition des agences de renseignement américaines dans les jours ayant suivi leur circulation. Le président américain Joe Biden aura eu un briefing à leur sujet avant son voyage en Israël en octobre 2023, où il a promis le soutien total du gouvernement américain au génocide.
Si l'assaut israélien sur Gaza marque un seuil d'extermination rapide sans précédent dans une guerre parrainée par les États-Unis au XXIe siècle, ceux-ci ont fait la guerre dans tout le Moyen-Orient depuis la proclamation de la «guerre contre le terrorisme» en appliquant nombre des méthodes utilisées par Israël. En 2013, une étude publiée dans la revue médicale PLOS Medicine concluait que l'invasion américaine de l'Irak avait entraîné la mort d'un demi-million de personnes ou plus entre 2003 et 2011, dont 70 % tuées dans des attaques violentes.
Depuis 2001, les États-Unis ont effectué le nombre impressionnant de 100 000 frappes aériennes dans le monde entier, notamment en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, en Libye, en Syrie, au Yémen et en Somalie. Sous Obama, les assassinats par drones américains ont pris une régularité choquante lors des réunions de «mardi de la terreur» du président, où celui-ci sélectionnait personnellement les cibles pour les assassinats illégaux, le choix se faisant à partir d'une orwellienne «Disposition Matrix».
Aucune étude comparable n'a été réalisée sur le nombre de morts de ces guerres, mais si les méthodes appliquées à l'Irak en 2013 étaient utilisées dans ces pays, le nombre de morts se chiffrerait probablement en millions.
L'utilisation systématique des meurtres extrajudiciaires par les États-Unis durant le dernier quart de siècle est la réponse aux affirmations de la Maison-Blanche qu’elle exhorte Israël à faire preuve de «retenue».
En utilisant les armes et renseignements fournis par les États-Unis, Israël ne fait au contraire que perfectionner et institutionnaliser les méthodes utilisées par les États-Unis pendant la «guerre contre le terrorisme». Et les crimes d'Israël ne feront que créer un précédent pour l'utilisation ultérieure de meurtres de masse visant des zones urbaines densément peuplées, tant dans le monde qu’aux États-Unis mêmes.
La complicité des puissances impérialistes dans le génocide de Gaza est une mise en accusation de l'ensemble du système capitaliste, qui normalise systématiquement le génocide – la forme la plus élevée de la barbarie sociale – dans la défense des intérêts d’une oligarchie financière capitaliste parasitaire.
(Article paru en anglais le 27 décembre 2024)