Les licenciements massifs à Auchan et Michelin lancent une saignée industrielle en Europe

L’enseigne de distribution française Auchan a annoncé un plan de licenciements sans précédent, qui entraînera la suppression de milliers de postes en France. Les licenciements dans l’un des plus gros employeurs du secteur de la grande distribution s’inscrit dans une vague de licenciements qui dévaste toute l’Europe. Dans le groupe Volkswagen des dizaines de milliers d’emplois sont menacés en Allemagne, comme à Boeing et Stellantis aux Etats-Unis.

Centre commercial Vélizy 2 à Vélizy-Villacoublay [source: Wikimedia Commons] [Photo]

En plus des presque 2400 licenciements chez Auchan, l'équipementier automobile Michelin a annoncé la fermeture prévue avant 2026 de deux sites industriels dans l’ouest du pays, à Cholet (Maine-et-Loire) et à Vannes (Bretagne), ce qui concerne 1.254 salariés. Michelin a pourtant enregistré un bénéfice opérationnel record de 3,6 milliards d'euros en 2023 grâce à son positionnement dans le haut de gamme.

La nouvelle organisation prévue par le groupe Auchan prévoit: la mutualisation des fonctions supports d’Auchan France, d’Auchan International et de la direction produits internationale, 784 postes pourraient être concernés, dont 138 vacants. La mise en place d’un nouveau schéma logistique pour la livraison à domicile, avec la fin de l’activité des trois entrepôts dédiés à ce service qui sera assuré par les drives, 224 postes seraient concernés.

Dans les hypermarchés, 915 postes seraient supprimés, touchant les responsables de commerce et les conseiller commerciaux vente équipement. Trois hypermarchés (Clermont-Ferrand Nord, Woippy, Bar-le-duc), un supermarché à Aurillac et six magasins d’ultra proximité seraient amenés à fermer. 466 postes seraient concernés.

Au cours du troisième trimestre, la France a détruit 25.000 postes. Le géant français de la distribution de brochures publicitaires Milee, ex-Adrexo, a été placé en liquidation judiciaire et n’a pas de repreneur. Après plusieurs vagues de licenciements en 2024, les 5.000 emplis restants sont eux aussi menacés. Les chiffres de l’Insee confirment un retournement de conjoncture inédit depuis le Covid. Selon les prévisions officielles, le chômage pourrait remonter à 8 pour cent en 2025.

Ces licenciements massifs sont la réponse de la classe capitaliste à la crise économique et politique internationale provoquée par la pandémie et la guerre contre la Russie. Lors de la pandémie de Covid, des milliers de milliards d’euros de deniers publics ont été détournées vers les marchés financiers et les grandes entreprises pour spéculer et enrichir les ultras-riches, ou pour renforcer les forces armées et faire la guerre. Ces politiques, conjuguées au refus européen d’acheter du gaz russe bon marché, ont créé une crise de l’inflation et intensifié la crise fiscale des Etats.

Enfin la victoire de Trump face à Kamala Harris accélèez la décision des classes dirigeantes européennes d’accélérer les vagues de licenciements en Europe en réponse à la guerre commerciale avec la Chine et l’Europe que veut mener Trump.

Il n’y a aucune raison pour les travailleurs d’accepter les attaques massives contre l’emploi que préparent collectivement toutes les puissances de l’OTAN. Ce n’est pas aux travailleurs de payer les dégâts provoqués par les politiques irresponsables et destructrices de l’impérialisme et des grandes fortunes. A travers l’Europe, il faut nationaliser, sous contrôle ouvrier, les grandes entreprises qui vivent de fonds publics et veulent à présent licencier des masses de travailleurs.

Ceci nécessitera une lutte politique sans merci contre le gouvernement Macron et ses alliés de l’OTAN. Leur complicité dans l’offensive contre l’emploi est si manifeste qu’elle devient un sujet de débat public.

Lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale le 5 novembre, le premier ministre Michel Barnier a déclaré hypocritement: «Je ne suis pas fier d’une politique qui détruirait des emplois, jamais. J’ai le souci de savoir ce qu’on a fait dans ces groupes (Auchan et Michelin) de l’argent public qu’on leur a donné. Je veux le savoir. Nous poserons donc des questions et nous verrons si cet argent a été bien ou mal utilisé, pour en tirer les leçons».

Les propriétaires de l’enseigne Auchan, la famille Mulliez, disposent d’un patrimoine de 28 milliards d’euros ce qui les positionne à la 7e fortune française selon le classement Challenges 2024. Le groupe a bénéficié entre 2013 et 2018 de 83 millions d’euros de l’État par an grâce au CICE.

Le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Antoine Armand, en marge d’un déplacement à Calais, a voulu endormir les travailleurs en prétendant que: «L’État veillera à ce que l’emploi reste au cœur de la stratégie du groupe et au fait que la priorité de cette transformation est bien l’emploi.»

Les promesses du gouvernement Barnier sont autant de mensonges pour cacher sa complicité dans les attaques capitalistes contre l’emploi. Déjà en 2020, au début de la pandémie de Covid, la famille Mulliez a restructuré ses enseignes et utilisé les ordonnances Macron pour déclarer leur faillite, imposer des licenciements et racheter d’autres magasins. Il s’agissait notamment de 98 magasins Casino, dont le montant en comptant la modernisation des points de vente pourrait se rapprocher du milliards d’euros.

A présent, pour justifier les presque 2400 licenciements, l’enseigne affirme: «Depuis 2012, Auchan subit une baisse constante de fréquentation en magasin et une dégradation de ses résultats. Sur la période, et avant l’intégration des magasins Casino, sa part de marché a chuté de 12,1 pour cent à 8 pour cent, ses revenus ont reculé de 2,26 milliards d’euros, et son EBITDA a été divisé par six. Face à ce constat et dans un contexte ultra-concurrentiel, Auchan doit rebondir».

Le syndicat FO Auchan a réagi aux licenciements en affirmant que « Le constat est là, une nouvelle fois, les travailleurs sont sacrifiés au nom de la rentabilité. Les élus FO exigent l’ouverture de véritables négociations et la garantie que seront proposées à chacun une solution de reclassement et une transparence totale sur les motivations économiques. ».

Cette tendance est confirmée par la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet: «Nous sommes au début d'une violente saignée industrielle ». Une saignée frapperait 'tous les secteurs', a-t-elle ajouté, car les entreprises veulent «toujours augmenter les marges» et «distribuer toujours plus de profits aux actionnaires». La CGT aurait dressé une liste des plans sociaux qui 'frôle les 200', toujours selon Binet. Elle a réclamé une 'vraie politique industrielle', pour qu'une entreprise «ne puisse pas toucher d'aides si l'avis des représentants du personnel est défavorable».

Les travailleurs du groupe Auchan et des autres secteurs touchés par cette vague de licenciement ne peuvent pas attendre des directions syndicales qu’ils organisent une lutte qui stopperait cette vague d’attaques contre l’emploi. Elles ont participé à la restructuration de l’économie européenne en approuvant le plan de sauvetage des gouvernements européens. Elles se sont ensuite alignées sur leurs propres gouvernements, la guerre contre la Russie et le détournement de centaines de milliards d’euros pour construire une économie de guerre.

Les travailleurs doivent s’organiser de par en bas, utilisant les réseaux sociaux comme l’ont fait les «gilets jaunes», pour bâtir un mouvement défendant l’emploi. Il ne s’agit pas seulement de mobiliser les salariés sur un lieu de travail, dans une seule branche ou même dans un seul pays. Une riposte contre la saignée industrielle européenne et mondiale que veut imposer la bourgeoisie nécessite l’unification des luttes des travailleurs et la construction d’un mouvement pour stopper les guerres et les guerres commerciales menées par les gouvernements impérialistes.

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