Le gouvernement Barnier menace d'imposer son budget d'austérité militariste par le 49-3

Macron menace d'imposer par décret le budget 2025 sans vote parlementaire, via le 49-3. À peine un an après avoir ainsi imposé sa réforme des retraite, malgré des grèves et des manifestations de masse, cette décision révèle la désintégration de la démocratie française: le gouvernement pille les travailleurs pour financer des politiques largement rejetées par la population.

Le président de la République Emmanuel Macron, lundi 10 juin 2024. [AP Photo/Ludovic Marin]

L’État fonctionne ouvertement en tant que dictature de classe. Il prévoit 40 milliards d’euros en réductions de dépenses et 20 milliards en d'augmentations d'impôts, dont au moins 5 milliards visant les ménages. Il conserve les dizaines de milliards d’augmentations des dépenses militaires dans le cadre de la guerre OTAN-Russie en Ukraine. Il foule aux pieds l’opposition de 91 pour cent des Français à la réforme des retraites et le rejet similairement massif de sa proposition d’envoyer des troupes en Ukraine.

Ceci met à nu non seulement l’autoritarisme de son gouvernement minoritaire, qui dispose du soutien tacite du RN d’extrême-droite à l’Assemblée. Cela révèle aussi le rôle du Nouveau Front Populaire (NFP) de Jean-Luc Mélenchon. Le NFP avait stupidement soutenu les candidats de Macron aux élections de juillet, prétendant faussement qu’il serait un rempart contre l’extrême-droite; à présent, les députés du NFP proposent de réécrire certaines dispositions du budget à l’Assemblée alors que Macron se prépare au besoin à totalement contourner l’Assemblée.

La seule force capable d'arrêter l'escalade militaire et les attaques contre les niveaux de vie et les droits sociaux est la classe ouvrière. Il faut mobiliser l'énorme opposition des travailleurs à l'escalade militaire et à l'austérité sociale, non seulement en France, mais dans toute l'Europe et à l'international, indépendamment du NFP et des bureaucraties syndicales qui lui sont affiliées.

La semaine dernière, lors d'un Conseil des ministres avec Macron, le Premier ministre Michel Barnier a demandé et obtenu l'autorisation d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget par décret, sans le vote à l'Assemblée prévu en décembre.

Depuis lors, le gouvernement minimisee cette révélation politiquement explosive. « L'objectif du Premier ministre n'a pas changé. C'est celui de laisser toute sa place au débat, et de le faire dans le respect du Parlement », a affirmé la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon. Cela ne reflète pas tant la stratégie de Macron que sa peur d'une opposition populaire explosive.

Selon un sondage BFMTV-Elabe, le recours au 49-3 serait déjà inacceptable pour 58 pour cent des Français. Cet article antidémocratique permet au gouvernement de contraindre l'Assemblée à accepter le budget sans vote, à moins que l'Assemblée ne vote une motion de censure contre le gouvernement pour forcer de nouvelles élections.

Une autre possibilité pour le gouvernement serait de faire réécrire au Sénat de le budget pour annuler les changements apportés par l'Assemblée. Le Sénat, non élu par le vote populaire, est dominé par le parti de droite Les Républicains (LR) qui fait partie du gouvernement Barnier, bien qu'il se soit effondré au cours de la dernière décennie. Le Sénat produrait ainsi un budget réactionnaire conforme aux exigences de Macron et des banques.

De toute façon, la classe dirigeante compte imposer l’austérité et un régime militaro-policier. Elle envisage un gel des retraites; d’augmenter le prix de l’électricité, des médicaments et des mutuelles; la suppression de 4.000 postes d’enseignants; le non-remboursement des arrêts maladie; et des coupes claires dans les budgets des collectivités. Les seuls à bénéficier d’une augmentation réelle de leurs crédits seraient le ministère de l’Intérieur et les forces armées, avec 8 et 7 pour cent d’augmentation, respectivement.

Derrière Macron se trouve non seulement la classe dirigeante française, mais aussi les créanciers de l'État français au sein de l'aristocratie financière américaine et européenne. Les agences de notation Fitch et Moody's ont toutes deux menacé d’abaisser la notation du crédit de la France, si elles concluaient que le budget ne réduisait pas suffisamment les dépenses ou que la situation politique en France était instable.

« L'attention se tournera vers le débat parlementaire et les agences de notation », écrivent les analystes de la Banque postale alors que Fitch a abaissé sa perspective sur la dette française de stable à négative, bien qu'elle n'ait pas changé la note elle-même, à AA-.

L'État français est en réalité en faillite, avec une dette souveraine de 3.230 milliards, soit 112 pour cent du produit intérieur brut (PIB) de la France. De même, la dette souveraine a grimpé à 140 pour cent du PIB pour l'Italie, 105 pour cent pour l'Espagne et 122 pour cent pour les USA.

Les travailleurs n’ont pas à payer cette dette, accumulée par la gestion catastrophique de la classe capitaliste sur des décennies - non seulement en France, mais à travers l'Europe. Les causes en sont les sauvetages massifs des banques et des entreprises financés par l'État, l'effondrement de l'imposition des riches et le détournement massif des dépenses publiques vers la guerre. Tout cela s'est déroulé parallèlement à un effondrement du niveau de vie des travailleurs.

En 20 ans, la dette souveraine française a triplé alors que le patrimoine des 500 Français les plus riches a décuplé pour atteindre 1200 milliards d'euros. Cette explosion des richesses privées fut poussée par la spéculation: la BCE a prêté des milliers de milliards d'euros de fonds publics aux banques et aux entreprises en 2008, au cours des années 2010 et à nouveau en 2020. L'État français est en faillite, le tissu industriel de la France et de l'Europe est dévasté, et un Français, Bernard Arnault (190 milliards de patrimoinse) est devenu l'homme le plus riche du monde.

Au cours de cette période, les pays de l'UE ont dépensé des centaines de milliards d'euros sur leurs forces armées, et sur la guerre contre la Russie, qui a laissé l'Ukraine dévastée et des centaines de milliers d'Ukrainiens morts. La proposition de Macron d'envoyer des troupes en Ukraine, alors même que Washington soutenait le génocide israélien contre Gaza, illustre la criminalité suicidaire de la bourgeoisie. Après avoir mis la France en faillite, Macron proposait une opération qui ouvrirait la voie à une guerre nucléaire.

La crise budgétaire révèle que la société ne peut plus supporter le coût des grands patrimoines et du militarisme de l’OTAN qui menacent de faire sauter la planète.

Une lutte explosive se prépare entre la classe ouvrière et le gouvernement, qui s'intensifiera à mesure que la nature de ce budget sera mieux comprise. Dans cette lutte, la classe ouvrière doit être armée d'un programme et d'une perspective politiques clairs. Il faut stopper la guerre impérialiste et à la répression policière fascisante, et financer les besoins sociauxen saisissant les fonds de sauvetage de l'UE et en nationalisant les banques et les entreprises qui les ont reçus.

La classe ouvrière ne peut pas lutter pour un tel programme aux côtés de Mélenchon, du NFP et des appareils syndicaux. Ils ont étranglé la lutte pour les retraites, en stoppant les grèves dès que Macron avait promulgué sa réforme. Cet été, ils ont formé une alliance électorale avec Macron, soi-disant pour barrer la route au RN d'accéder, avec des désistements de leurs propres candidats pour faire élire ceux de Macron. Orientés vers des manœuvres parlementaires avec Macron, ils s'opposeront à une lutte des travailleurs contre la guerre et pour nationaliser l'économie.

Cette lutte nécessitera une mobilisation massive des travailleurs de la base, dans des organisations indépendantes du NFP et des appareils syndicaux. Ici, les meilleurs alliés des travailleurs en France sont les travailleurs à l'échelle internationale. La condition préalable essentielle d'une telle lutte est de comprendre clairement qu'il n'y aura pas de solution réformiste simple et partielle à cette crise. La défense des travailleurs exige non pas une révolution populaire nationale comme le propose LFI, mais une révolution socialiste internationale transférant le pouvoir aux travailleurs.

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