Le parlement allemand adopte une résolution d'extrême droite sur« l'antisémitisme »

L’adoption jeudi par le Bundestag (Parlement allemand) d’une résolution soi-disant contre « l’antisémitisme» souligne une fois de plus le fait que la classe dirigeante allemande soutient le génocide et n’a jamais vraiment rompu avec le fascisme. Cette résolution n’a rien à voir avec la lutte contre l’antisémitisme ou la protection de la vie juive. Il s’agit d’un texte d’extrême droite qui vise à défendre le génocide israélien contre les Palestiniens, et à criminaliser et à réprimer toute critique à son égard en lui reprochant faussement d’être «antisémite ».

Des députés assistent à une session du Bundestag, le parlement allemand, à Berlin, en Allemagne, le jeudi 7 novembre 2024. [AP Photo/Markus Schreiber]

Dans le contexte de l’escalade par Israël de l’extermination de la population palestinienne de la bande de Gaza et de l’extension de sa guerre génocidaire au Liban et à toute la région, la résolution se solidarise avec cette politique. «Nous appelons le gouvernement à continuer de défendre activement l’existence et les intérêts légitimes de sécurité de l’État d’Israël en tant que principe central de la politique étrangère et de sécurité allemande», peut-on lire dans le texte adopté.

Et d’ajouter: «Israël a le droit, garanti par le Droit international, de se défendre contre les attaques contraires au Droit international et a donc le devoir reconnu de protéger ses citoyens du terrorisme tout en respectant ses obligations en vertu du droit international. Nous appelons le gouvernement allemand à continuer de défendre ce droit dans les forums internationaux et auprès de ses partenaires internationaux.»

Le Bundestag n'aurait pas pu exprimer plus clairement son soutien au génocide israélien, qui selon les estimations a déjà causé la mort de plus de 200 000 personnes, principalement des femmes et des enfants.

Pour parler franchement: Israël n’a aucun «droit garanti par le droit international» de se « défendre» contre le peuple palestinien, qu’il opprime illégalement et dont il occupe le territoire. Comme l’a récemment déclaré la juge de la Cour internationale de justice Navanethem Pillay, «il faut faire une distinction» entre Israël et la Palestine, car «l’un est l’occupant et l’autre l’occupé».

En réalité, l’armée israélienne ne mène pas une guerre défensive, mais une guerre impérialiste d’extermination. Les véritables objectifs de la guerre vont bien au-delà de la destruction de Gaza. Israël sert de bras rallongé à Berlin et aux autres puissances impérialistes pour faire valoir militairement leurs intérêts économiques et géostratégiques au Moyen-Orient et dans le monde. L’armement et le soutien de la machine à tuer israélienne font partie d’un plan plus vaste visant à placer tout le Moyen-Orient sous contrôle impérialiste et à étendre l’offensive guerrière menée contre la Russie et la Chine.

Comme par le passé, cela exige une militarisation de l’ensemble de la société. La résolution appelle à plusieurs reprises le gouvernement allemand à réprimer encore plus durement l’énorme opposition au génocide. «Le Bundestag allemand réaffirme sa décision de veiller à ce qu’aucun financement ne soit accordé à des organisations et à des projets qui propagent l’antisémitisme, remettent en question le droit d’Israël à exister, appellent au boycott d’Israël ou soutiennent activement le mouvement BDS», peut-on lire dans le texte.

Il s’agit surtout de purger le secteur culturel et les universités, qui ont été à maintes reprises le théâtre de nombreuses manifestations contre le génocide. «Il ne doit y avoir aucune place pour l’antisémitisme dans les arts, dans la culture, ou dans les médias», déclare la résolution.

Dans les universités, «le bon déroulement des événements doit être garanti». «Les comportements antisémites» doivent «avoir des conséquences». Par conséquent, «les écoles et les universités doivent être soutenues pour continuer à faire usage de leurs options légales ou pour mettre en œuvre des mesures appropriées». Il s’agit notamment de «l’application du droit de domicile, de l’exclusion des cours ou des études, voire l’exmatriculation dans des cas particulièrement graves».

Le fait qu’il ne s’agisse pas de lutter contre le véritable antisémitisme, mais de réprimer l’opposition au génocide, est souligné par la demande formulée dans la résolution d’utiliser « comme référence» la définition de l’antisémitisme de l’Association internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), adoptée par le Bundestag en 2019. Cette définition est une construction ahistorique et antidémocratique qui qualifie d’«antisémite» toute opposition politique au sionisme et à l’oppression des Palestiniens par Israël.

Il s’agit depuis longtemps d’un élément central d’une campagne droitière qui utilise l’accusation d’«antisémitisme de gauche» pour criminaliser l’opposition croissante, notamment parmi les travailleurs et les jeunes, à l’impérialisme et à la guerre. La résolution du Bundestag affirme de manière provocatrice qu’une prétendue augmentation de l’antisémitisme depuis le 7 octobre 2023 «peut également être attribuée à une approche relativiste et à une augmentation de l’antisémitisme anti-impérialiste de gauche et lié à Israël ».

Voter la résolution qui s’intitule «Plus jamais c’est maintenant » et cite les crimes de l’Holocauste pour justifier le génocide des Palestiniens et l’instauration d’une dictature dans le pays, c’est le comble de la criminalité. Pour le dire franchement, lorsque la classe dirigeante allemande s’aligne sur le génocide des Palestiniens perpétré par Israël, elle renoue en réalité avec ses propres traditions génocidaires.

Il en va de même pour la question de l’antisémitisme. Ce ne sont pas les opposants au génocide, dont font partie de nombreux Juifs, qui promeuvent l’antisémitisme, mais les gouvernements impérialistes. La tentative même d’associer collectivement le peuple juif à la politique meurtrière du régime d’extrême droite de Netanyahou est antisémite de part en part.

Rien ne pourrait rendre plus clair le caractère profondément réactionnaire de la résolution que le fait qu’elle corresponde parfaitement à la politique de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) – un parti dont les dirigeants glorifient la Wehrmacht d’Hitler, font de l’agitation contre le mémorial de l’Holocauste à Berlin et sont en continuité politique et familiale directe avec les nazis, qui ont exterminé industriellement 6 millions de Juifs dans l’Holocauste.

Dans son discours au Bundestag, la vice-présidente du groupe parlementaire AfD, Beatrix von Storch, a déclaré qu’en adoptant cette résolution, le gouvernement fédéral mettait en œuvre le programme raciste et autoritaire de l’extrême droite. Elle a déclaré que «cette motion commune» était «l’aveu des anciens partis de la coalition [SPD, Verts et Libéraux-démocrates, FDP] et de la CDU [Chrétiens-démocrates]» que «l’explosion de l’antisémitisme en Allemagne a quelque chose à voir avec l’immigration et l’islam».

Elle a déclaré qu’elle se souvenait encore des cris de surprise et d’horreur qui avaient été émis ici, en particulier chez les Verts, lorsque l’AfD avait mis en garde contre l’antisémitisme musulman importé. Mais aujourd’hui, a-t-elle déclaré, «nous lisons dans cette motion, co-présentée par les Verts, que l’antisémitisme est basé, je cite, sur l’immigration en provenance des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ».

Et la «solution proposée» par la motion allait elle aussi « dans notre direction: utiliser à fond les possibilités répressives, notamment en matière de droit pénal et de droit de la citoyenneté, ainsi que de droit d’asile et de séjour. En clair: mettre les antisémites musulmans dans un avion et les réexpédier chez eux. ‘Adieu!’ et non pas ‘Au revoir!’»

Il n’y a rien de plus répugnant qu’une politicienne nazie comme Storch, petite-fille du ministre des Finances d’Hitler, Johann Ludwig Graf Schwerin von Krosigk, qui s’en prend violemment aux musulmans – et en fin de compte aussi aux juifs qui sont contre le génocide – au nom de la lutte contre l’antisémitisme et qui les menace de persécution et de déportation. Mais c’est là la politique de toute la classe dirigeante.

La motion, qui reprend la ligne de l'AfD, a été présentée au Bundestag par les partis de la coalition tripartite, aujourd'hui caduque, (SPD, Libéraux-démocrates et Verts) et par le groupe parlementaire chrétien-démocrate (CDU/CSU). Bien que le Parti de gauche se soit abstenu, son président Gregor Gysi n'a laissé aucun doute quant au fait que son parti soutenait l'orientation fondamentale de la résolution et le soutien de l'Allemagne à Israël et donc au génocide. «L'existence et la sécurité d'Israël font partie de la raison d'État de l'Allemagne», a-t-il assuré.

Seuls les députés de l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), une scission du Parti de gauche, ont voté contre la résolution. Mais ils cherchaient à brouiller les pistes. Au tout début du génocide de Gaza, les députés du BSW au Bundestag, qui étaient alors encore membres du groupe parlementaire du Parti de gauche, avaient soutenu à l’unanimité le dépôt d’une motion pro-israélienne des partis de la coalition et de la CDU/CSU, la saluant comme une « contribution allemande à la lutte contre le terrorisme».

(Article paru en anglais le 9 novembre 2024)

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