Pourquoi le STTP a-t-il refusé de déclencher une grève à Postes Canada?

Le Comité de la base des travailleurs et travailleuses des postes (CBTP) tiendra sa première réunion publique dimanche à 19 h, heure de l'Est. Nous encourageons tous les travailleurs et travailleuses de Postes Canada intéressés à prendre le contrôle de la lutte contractuelle de la bureaucratie pro-patronale du STTP à s'inscrire ici pour y assister.

Avec un vote de grève écrasant de 95% annoncé la semaine dernière et une direction intransigeante dans ses demandes de concessions majeures, plus de 50.000 travailleurs de Postes Canada se demandent sans doute pourquoi la bureaucratie du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) les a maintenus au travail après la date limite du 3 novembre pour le déclenchement de la grève.

Après un an de négociations et plus d'une centaine de séances de négociation entre le STTP et la direction, les travailleurs et travailleuses de Postes Canada ne savent pas plus clairement si et quand le syndicat autorisera des mesures de grève. Ce qui est clair, c'est qu'il n'y a eu aucun progrès dans la réalisation des justes revendications des travailleurs et que l'entreprise continue de faire des concessions provocatrices de son côté.

Plutôt que de préparer les travailleurs à lutter contre la direction de Postes Canada et le gouvernement libéral de Trudeau, qui insiste pour que la société d'État soit gérée comme une entreprise à but lucratif, le STTP se dit déterminé à travailler avec l'entreprise pour atteindre le «succès» financier, c'est-à-dire réduire massivement les coûts de main-d'œuvre et augmenter l'exploitation grâce à l'utilisation de nouvelles technologies.

Les grévistes de Postes Canada lors de leur campagne de grèves tournantes en 2018, qui a été criminalisée par le gouvernement libéral de Trudeau.

Si Jan Simpson, présidente du STTP, et les autres dirigeants syndicaux n'ont pas appelé à la grève, c'est parce qu'ils ne veulent pas qu'elle ait lieu.

L'ensemble de l'appareil syndical – ddepuis le Congrès du travail du Canada jusqu'au Nouveau Parti démocratique, qui a soutenu le gouvernement Trudeau pendant plus de deux ans et continue de le présenter comme un allié «progressiste» contre les conservateurs – s'oppose à une véritable mobilisation des travailleurs et travailleuses des postes dans une lutte contre les concessions et au mépris des mesures de brisement de grève du gouvernement.

Les syndicats ont été un pilier essentiel du soutien à Trudeau, alors que son gouvernement a imposé l'austérité dans les services publics et distribué des dizaines de milliards à l'armée pour faire la guerre et aux super-riches pour les rendre encore plus riches. Ils craignent surtout que la mobilisation des postiers dans une lutte totale ne serve de catalyseur à un mouvement plus large de la classe ouvrière contre l'ensemble de l'establishment politique, qui a supervisé des décennies de coupes sombres dans les dépenses sociales et d'attaques contre les droits des travailleurs, y compris la quasi abolition du droit de grève, tandis qu'une petite élite s'est gorgée de profits records.

Alors que les travailleurs sont impatients de se rendre sur les lignes de piquetage et de lutter pour de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail et une meilleure protection de l'emploi, Simpson a annoncé le vendredi 1er novembre que le syndicat avait conclu un accord de non-grève et de non-lock-out avec la direction de la Société canadienne des postes. Simpson a déclaré que la direction du syndicat continuerait de retenir un avis de grève de 72 heures tant que la direction n'émettait pas d'avis de lock-out ou ne modifiait pas les conditions de travail des travailleurs et travailleuses des postes, et «faisait preuve d'une réelle volonté de répondre à nos demandes».

Cette annonce a été suivie mardi par l'annonce des deuxièmes offres globales du STTP à la direction pour les unités des opérations urbaines et des facteurs ruraux et suburbains (CMRS). Lana Smidt, négociatrice en chef pour les opérations urbaines, a fait remarquer que la direction «n'a pas renoncé à ses nombreux reculs, notamment en ce qui concerne les pensions, les congés et les avantages sociaux à deux vitesses, ainsi que la classification forcée à temps partiel». Le négociateur de la CMRS, François Senneville, a émis une note similaire, soulignant également la détermination de Postes Canada à passer d'une grille salariale de cinq ans à une grille salariale de sept ans.

Alors que le STTP a demandé une augmentation salariale de 22% sur quatre ans, dont 9% dès la première année, Postes Canada propose une augmentation salariale insultante de 11,5% sur quatre ans.

Malgré l'intransigeance de la société, aucun préavis de grève n'a été émis, M. Smidt appelant plutôt Postes Canada à «négocier maintenant».

Il est maintenant clair que les réunions entre le STTP et les dirigeants des sociétés d'État ne sont pas des négociations, mais un complot visant à trouver la meilleure façon d'imposer des concessions majeures aux travailleurs postaux.

Postes Canada, qui est sous contrôle public et supervisée par le gouvernement fédéral mais qui dépend du financement provenant de la vente de produits postaux, a déploré le manque de ressources à plusieurs reprises. Elle a annoncé en mai qu'elle avait enregistré une perte avant impôts de 748 millions de dollars en 2023. Elle a exposé des plans visant à remanier complètement ses activités afin de concurrencer Amazon et d'autres entreprises privées, en déployant des technologies pour transformer les travailleurs de Postes Canada en travailleurs précaires faiblement rémunérés.

La réponse de Simpson, présidente du STTP, a été de souligner l'engagement de la bureaucratie à «travailler ensemble» avec la direction «vers des solutions qui soutiennent le succès à long terme» de Postes Canada, c'est-à-dire la consolidation de ses profits. Elle a présenté des propositions visant à ajouter de nouvelles tâches pour les travailleurs postaux, y compris les services bancaires postaux et les contrôles de l'aide sociale aux personnes âgées, apparemment sans tenir compte du fait qu'ils sont déjà submergés par des itinéraires épuisants et des objectifs de tri du courrier.

L'appareil syndical suit la même stratégie qu'au cours des dernières décennies, cherchant à imposer des concessions à une main-d'œuvre militante et insatisfaite, tout en évitant une confrontation frontale avec le gouvernement. En 2011 et 2018, le syndicat a lancé des grèves tournantes qui n'ont eu qu'un impact limité sur les opérations. Les représentants du STTP ont ensuite accepté sans broncher les lois de retour au travail du gouvernement conservateur de Harper et des libéraux de Trudeau, respectivement en 2011 et en 2018. Et en 2016 et 2021, ils ont essentiellement prolongé le contrat afin de saboter la lutte des travailleurs. Dans le premier cas, ils ont invoqué le désir de collaborer avec le groupe de travail des libéraux sur Postes Canada, un organisme qui a pleinement approuvé l'idée que les bureaux de poste doivent être gérés comme une entreprise à but lucratif. La prolongation de 2021 a été justifiée par la pandémie de COVID-19 en cours.

Le gouvernement Trudeau et les grandes entreprises soutiennent pleinement la demande de concessions massives de la direction de Postes Canada. Le gouvernement est intervenu à plusieurs reprises dans de puissantes luttes de la classe ouvrière, en utilisant le système de négociation collective restrictif et favorable aux entreprises pour mettre fin aux grèves et imposer des concessions, plus récemment cette année parmi les travailleurs du rail et les débardeurs de la côte ouest l'année dernière. Il ne fait aucun doute que Trudeau se tournera vers le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) et vers une législation de retour au travail si la bureaucratie syndicale ne parvient pas à contenir l'opposition des travailleurs.

Afin de sortir du carcan imposé par la bureaucratie syndicale, les travailleurs et travailleuses de Postes Canada ont créé le Comité de la base des travailleurs et travailleuses des postes (CBTP). Ce comité a publié dimanche une déclaration appelant à une lutte politique de la classe ouvrière contre Postes Canada et le gouvernement Trudeau. La déclaration appelle les travailleurs et travailleuses de la base à prendre en main la lutte à Postes Canada et présente une stratégie de lutte claire :

1. Formons des comités de base dans chaque dépôt, centre de tri et autres lieux de travail de Postes Canada. Ces comités nous permettront de contrecarrer l’abandon de notre lutte par la bureaucratie du STTP et de construire un puissant mouvement de travailleurs pour défendre nos revendications.

2. Étendons notre lutte à tous les travailleurs. Le service postal doit être public et entièrement financé comme tel, avec des emplois sûrs et bien rémunérés. Nous pouvons parvenir à cela en transformant notre lutte en une défense de tous les services publics, y compris l’éducation, les soins de santé et les services sociaux, qui bénéficient tous d’un fort soutien parmi la classe ouvrière.

3. Préparons-nous à défier toute loi de retour au travail ou toute autre mesure d’interdiction de notre lutte orchestrée par l’État. Pour cela, il faut préparer la plus vaste mobilisation possible parmi les travailleurs pour résister au gouvernement Trudeau – un gouvernement en faveur de la guerre et de l’austérité, et le forcer à faire marche arrière.

4. Menons une contre-offensive politique contre l’austérité capitaliste et la priorité donnée aux profits des entreprises. Une telle contre-offensive passe par une rupture politique et organisationnelle décisive avec l’alliance conclue entre les Libéraux, les syndicats et le Nouveau Parti Démocratique – l’un des principaux mécanismes utilisés par la classe dirigeante pour étouffer la lutte des classes. Nous exigeons que les besoins des travailleurs soient priorisés en matière d’emplois, de services publics, de conditions de travail sûres et d’utilisation des ressources de la société, afin de satisfaire les besoins sociaux, et non les profits des entreprises et de la guerre.

Pour atteindre notre objectif, nous devons unir notre lutte à celle des postiers et des autres travailleurs d’ailleurs dans le monde. C’est pourquoi nous sommes affiliés à l’Alliance ouvrière internationale des comités de base.

Afin d'offrir un forum démocratique pour discuter de ce programme et mobiliser le soutien des travailleurs et travailleuses des postes, le CBTP organise sa première réunion publique ce dimanche. Le World Socialist Web Site encourage tous les travailleurs et travailleuses de Postes Canada intéressés à s'inscrire ici et à participer à la réunion du 10 novembre à 19 h, heure de l'Est. Pour plus d'informations sur le CBTP ou pour y adhérer, veuillez remplir le formulaire ci-dessous.

(Article paru en anglais le 7 novembre 2024)

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