Le budget de guerre d'Israël signale une aggravation de la crise économique, sociale et militaire

Le cabinet fasciste du Premier ministre Benjamin Netanyahou a approuvé un budget pour 2025 comportant des coupes des dépenses publiques et des hausses d'impôts parmi les plus sévères qu'Israël ait jamais connues pour financer guerre.

Avec la guerre, déjà la plus longue et la plus coûteuse qu'Israël ait jamais menée, et qui s'étend maintenant au Liban et à l'Iran, les hausses d'impôts et les réductions de dépenses proposées vont probablement s'intensifier avant que la Knesset n'approuve le budget dans trois mois.

Le Premier ministre israélien Netanyahou, au centre, avec des commandants et des soldats dans le nord de la bande de Gaza, le 25 décembre 2023. Netanyahou a déclaré qu'Israël poursuivrait son offensive jusqu'à ce que tous ses objectifs soient atteint par une «victoire finale».  [AP Photo/Avi Ohayon/GPO]

Selon le ministère des Finances, à la fin du mois de septembre dernier, le coût direct de la guerre avait atteint 29 milliards de dollars. Depuis, il a grimpé en flèche avec l'assaut contre le Liban, les combats plus violents à Gaza et les frappes contre l'Iran. Des dizaines de milliers de réservistes ont été mobilisés et les munitions s'épuisent à un rythme effréné. Les coûts quotidiens sont passés de 110 millions de dollars à 135 millions de dollars, une somme qui permettrait de construire une douzaine d'indispensables écoles.

Les agences de notation ont abaissé la note de crédit d'Israël, tandis que les investisseurs étrangers ont réduit leur exposition à la dette israélienne. L'économie, toujours pas remise de son effondrement des premiers mois de la guerre où quelque 350 000 réservistes ont été mobilisés, est aujourd'hui moins importante qu’elle ne l’était le 7 octobre 2023. Le secteur de la haute technologie d'Israël, tant vanté, est en difficulté. Intel Israël va licencier des centaines de travailleurs. Les investissements en installations et équipements sont en baisse. L'industrie du voyage et du tourisme est à l'arrêt, les vols étant annulés dû à la guerre.

Le mois dernier, à la suite de l'attaque de missiles de l'Iran, Chevron, qui exploite le champ gazier israélien Leviathan, a annoncé qu'il suspendait les travaux sur un projet d'expansion de 429 millions de dollars en raison de la «situation sécuritaire». De nouvelles attaques israéliennes contre l'Iran, en particulier ses installations pétrolières, pourraient déclencher une guerre bien plus large, créant une pénurie mondiale de pétrole et augmentant le coût du pétrole importé, avec des effets d'entraînement sur l'ensemble de l'économie.

Le budget de l'État pour 2025, qui s'élève à 163 milliards de dollars, est supérieur d'environ 4,8 milliards de dollars à celui de cette année et comprend une augmentation massive de 27,2 milliards de dollars pour l'armée, qui pourrait atteindre 40,1 milliards de dollars. Le budget 2024 qui ne comportait, malgré la guerre, aucune hausse d'impôts ni baisse significative des dépenses publiques, a accumulé un important déficit budgétaire et a remis la facture à plus tard.

Le ministre des Finances et dirigeant de Sionisme religieux Bezalel Smotrich propose de réduire drastiquement les dépenses, d’augmenter les impôts pour financer la guerre – dont le coût est actuellement estimé à 66,8 milliards de dollars d'ici la fin de l'année – et de combler un déficit de 10,7 milliards de dollars en 2025. Le déficit budgétaire atteindra néanmoins,4,4 % du PIB, supérieur aux 2,25 % prévus en raison de l'augmentation du coût de la guerre.

Les mesures, que la classe ouvrière devra supporter, comprennent un gel des salaires du secteur public et des prestations sociales pour les personnes âgées, les personnes handicapées et les survivants de l'Holocauste. Même les soldats blessés et les familles des soldats tués ne seront pas épargnés. Alors que les prix à la consommation montent de près de 4 % par an, les Israéliens paieront plus d'impôts – la TVA devrait augmenter et les travailleurs du taux d’imposition inférieur verront leur taux passer de 10 % à 14 % – tandis que la valeur réelle des prestations sociales diminuera.

Israël étant l'un des pays les plus inégalitaires du groupe des pays avancés de l'OCDE, le budget aura un impact dévastateur. Selon l'Institut national d'assurance, même avant la guerre, la pauvreté avait augmenté avec 1,98 million d'Israéliens (environ 21 % de la population) en situation de pauvreté en 2022, dont 949 000 travaillaient. Cela touche particulièrement les enfants, dont près d'un sur trois vit dans la pauvreté. Les prix alimentaires ont augmenté ; ceux des légumes ont bondi de 18 % et les fruits de 12 %, dû aux pénuries agricoles, ce qui rend la vie particulièrement difficile pour ceux qui subissent l'insécurité alimentaire.

Tous les ministères, à l'exception de la Défense, verront leur financement réduit, l'éducation et les transports publics étant les plus touchés. Mais Smotrich enlève également 73 millions de dollars au budget de la santé et 26,7 millions à l'aide sociale ; il ferme cinq ministères qu'il juge superflus.

Arnon Bar-David, le dirigeant de la [fédération syndicale] Histadrout, après avoir passé des heures à parler avec le ministère des Finances et Smotrich, a déclaré que son organisme corporatiste soutiendrait le budget proposé – après avoir obtenu deux jours de congés payés supplémentaires en échange d'un gel des salaires du secteur public.

Le budget d'austérité fait suite au coût sans cesse croissant de la guerre à Gaza, qui dure maintenant depuis 13 mois, celui des opérations de raids de masse quasi quotidiens en Cisjordanie, de l'escalade des combats au Liban et des frappes contre l'Iran, sans fin en vue. Les Forces de défense israéliennes (FDI), qui ont lancé une invasion terrestre du Liban dans le but de repousser le Hezbollah jusqu'au fleuve Litani, n'ont pas été en mesure de tenir le terrain à plus de deux kilomètres de la frontière et ont dû organiser de fréquentes retraites lorsque le nombre de victimes était trop élevé.

Netanyahou a insisté pour dire qu'il défierait la pression internationale et continuerait à poursuivre les objectifs de guerre d'Israël – une «victoire totale» contre le Hamas et une dégradation et défaite du Hezbollah – tout en avertissant l'Iran qu'«il n'y a aucun endroit» au Moyen-Orient que «le long bras d'Israël ne puisse atteindre».

Selon les rapports d'un comité examinant les besoins futurs en matière de défense, l'armée aura besoin de près de 100 milliards de dollars de plus au cours de la prochaine décennie, ce qui signifie des impôts plus élevés et une extension du service dans l'armée régulière et de réserve, ce qui réduira la production économique. C’est là un pays qui, même en 2022, disposait du 15e plus grand budget militaire au monde, bien plus élevé que les pays dont la population et l'économie sont infiniment plus importantes.

L'armée manque désespérément d'effectifs. Selon une étude récente de l'Institut d'études de sécurité nationale, l'armée israélienne aura besoin d'environ 20 000 soldats de combat et d'autres personnels. Cela alimente le débat houleux qui menace la coalition de Netanyahou sur la fin de l'exemption des Juifs ultra-orthodoxes (appelés Haredim) du service militaire obligatoire s'ils étudient dans des séminaires religieux (yeshivas).

En juin dernier, la Haute Cour a ordonné la fin de l'exemption pour les Haredim d'ici novembre de cette année, la procureure générale Gali Baharav-Miara ayant statué plus tard que les réfractaires à la conscription n'auraient pas droit aux allocations gouvernementales et aux subventions pour les garderies. Ce serait un coup dur pour les ultra-orthodoxes, qui ne travaillent pas et comptent sur les allocations négociées par les partis ultra-religieux comme prix à payer pour maintenir Netanyahou au pouvoir. L'armée israélienne n'a pas fait grand-chose pour répondre à la décision de la Cour et pour recruter les ultra-orthodoxes, permettant ainsi aux Haredim d'éviter la conscription sans perdre leurs allocations.

Mais dans une guerre qui a coûté la vie à au moins 772 soldats et membres du personnel de sécurité, en a blessé au moins 12 000 autres – chiffres que le chef de l'opposition Yair Lapid a qualifiés de largement sous-estimés – et qui a forcé des dizaines de milliers de personnes à faire des mois de service de réserve, cela a provoqué la colère et le dégoût parmi les Israéliens laïcs, déjà aliénés par la domination des autorités religieuses sur la vie quotidienne.

A présent, les partis religieux présentent un projet de loi qui bénéficie du soutien du gouvernement, pour subventionner les garderies pour les enfants des étudiants des yeshivas à temps plein, qui esquivent la conscription pour un coût de 54 millions de dollars ; et ils ont fait de l'approbation de la loi la condition de leur soutien au budget 2025.

D'autres divisions s'annoncent. Selon le correspondant militaire de Haaretz, Amos Harel, l'establishment de la défense israélienne estime que la guerre au Liban et à Gaza a épuisé les troupes et risque d’entraîner de lourdes pertes si l'armée israélienne est obligée d'y rester. L'armée préférerait un accord pour obtenir un cessez-le-feu et la libération de tous les otages encore détenus à Gaza.

Si la majorité des Israéliens juifs soutiennent une défaite du Hamas, le bilan de la guerre – pour les Israéliens et les Palestiniens – pousse certains Israéliens juifs à quitter le pays. Parmi ceux qui sont partis en octobre 2023, 12 000 n'étaient pas revenus en juin dernier, selon les statistiques officielles. Un Israélien juif sur quatre et quatre Arabes israéliens sur dix disent qu'ils émigreraient si on leur en donnait l'occasion, selon une enquête de l'Institut de politique du peuple juif. Sa présidente, le professeur Yedidia Stern, a déclaré: «Les résultats indiquent une profonde crise de confiance entre le public et les dirigeants politiques et de sécurité. Il s'agit d'un défi important à tout moment, mais particulièrement crucial en période de crise ».

Le site arabe d’actualité Middle East Eye cite un rapport montrant qu'un nombre croissant de soldats israéliens sont de plus en plus désillusionnés par les combats, certains refusant de retourner sur le champ de bataille. Un soldat a dit à HaMakom que les missions étaient «faites à moitié» dû au manque de personnel. «Les pelotons sont vides; ceux qui ne sont pas morts ou blessés physiquement sont mentalement brisés. Très peu reviennent pour se battre, et même ceux-là ne vont pas tout à fait bien», a déclaré le soldat.

Le mois dernier, 130 soldats et réservistes israéliens ont signé une lettre ouverte adressée à Netanyahou, conditionnant la poursuite de leur service à la signature d'un accord pour la libération d'otages et la fin de la guerre, la première vague massive de soldats israéliens refusant de servir en signe de protestation contre la guerre et l'occupation ces dernières années.

(Article paru en anglais le 3 novembre 2024)

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