En réponse à l'indignation des étudiants et des professeurs face au génocide en cours à Gaza, une véritable purge se déroule sur les campus universitaires aux États-Unis. Les directions suspendent, expulsent, licencient et bafouent les droits démocratiques des professeurs et des étudiants qui protestent contre le massacre en cours.
Cette répression se déroule dans certaines des universités les plus prestigieuses du pays, étroitement liées au Parti démocrate. Vendredi dernier, une vingtaine de membres du corps enseignant de l'université de Harvard se sont vu interdire l'accès à la bibliothèque Widener pendant deux semaines après avoir organisé une manifestation silencieuse en solidarité avec des étudiants suspendus pour avoir tenu une manifestation similaire le mois précédent.
L'interdiction d'accès à la bibliothèque à des professeurs, pour avoir simplement affiché des morceaux de papier contenant des phrases inoffensives, telles que «Adoptez des perspectives diverses», est un acte disciplinaire sans précédent. Harvard a invoqué la «politique de la bibliothèque» pour justifier l'interdiction des membres du corps professoral de la bibliothèque principale de l'institution, ce qui aurait un gros impact sur leur capacité à mener leur propre travail.
Selon le Harvard Crimson, en plus de plus de deux dizaines de membres du corps enseignant, plus de 60 étudiants ayant organisé une manifestation silencieuse à la bibliothèque Widener pour protester contre le génocide ont également été interdits d'accès à la bibliothèque principale du campus pendant deux semaines.
Des mesures antidémocratiques similaires sont en cours sur de nombreux autres campus:
À l'université de Pittsburgh, au moins 17 étudiants et membres de la communauté sont poursuivis pour leur participation aux campements de solidarité avec Gaza (Gaza Solidarity). Après que la police a démantelé les campements, les manifestants arrêtés font face à des accusations exagérées, y compris des délits. Ils ont également reçu des avis de «persona non grata», leur interdisant essentiellement l'accès au campus de l'université de Pittsburgh.
La semaine dernière, à l'Université de Chicago, les autorités universitaires ont fait intervenir la police pour expulser et suspendre un étudiant arabe ayant participé à une manifestation contre le génocide au début du mois. Megan Porter, l'avocate de l’étudiant, a déclaré à un média local que, bien que son client n’ait pas été reconnu coupable d’un délit, il avait tout de même été expulsé du campus. Mme Porter a ajouté qu’il n’avait pas de famille dans l’État et qu’il n’avait pas d’autre endroit où vivre.
Au Muhlenberg College d'Allentown, en Pennsylvanie, la Dr Maura Finkelstein, elle-même juive, a été licenciée pour avoir publié sur les réseaux sociaux des commentaires opposés au sionisme et au génocide en cours. Interviewée plus tôt ce mois-ci par le World Socialist Web Site, Finkelstein a déclaré: «Nos campus sont militarisés».
À l'université de Cornell, la direction a suspendu quatre étudiants pendant trois ans pour leur participation à une manifestation pro-palestinienne le 18 septembre, dirigée contre les entrepreneurs militaires armant le génocide. Momodou Taal, doctorant à l'université de Cornell et enseignant diplômé, a failli être expulsé plus tôt ce mois-ci pour avoir participé à la manifestation du 18 septembre.
À l'université de Californie à Santa Cruz, plus de 100 étudiants et membres du corps enseignant sont interdits de campus depuis qu'ils ont été arrêtés pour avoir protesté contre le génocide de Gaza le semestre dernier. La Fondation ACLU de Californie du Nord et le Centre pour le Droit de la Protestation et des Litiges (The ACLU Foundation of Northern California and the Center for Protest Law and Litigation) ont intenté une action en justice contre l'université, arguant que cette suspension massive était inconstitutionnelle.
L'université du Michigan a engagé des poursuites pénales à l'encontre de 11 étudiants pour avoir participé à des manifestations contre la guerre à Gaza au printemps dernier. Ils sont accusés d'intrusion et d'obstruction à un agent de police, un délit passible d'une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement.
Nombre de ces universités entretiennent des liens étroits avec le parti démocrate et l'impérialisme américain. La Harvard Corporation, le conseil d'administration suprême de l'université de Harvard, comprend d'anciens fonctionnaires du gouvernement Obama, des milliardaires et des dirigeants de sociétés d'investissement privées.
Parmi les démocrates notables qui sont actuellement membres de la Harvard Corporation, on peutciter: Penny Sue Pritzker, héritière milliardaire et secrétaire au commerce du gouvernement Obama; Kenneth Chenault, l'un des nombreux dirigeants d'entreprise qui ont pris la parole lors dela convention nationale du parti démocrate de cette année; et Mariano Florentino Cuéllar, ancien juge à la Cour suprême de Californie, qui a fait partie des gouvernements Clinton et Obama.
Plus tôt cette année, l'Université de Harvard a nommé Jennifer O’Connor, ancienne dirigeante de Northrop Grumman, sixième plus grand fabricant d'armes au monde, qui fournit à l'armée de l'air israélienne des systèmes de missiles et de lasers pour hélicoptères d'attaque et avions de chasse, au poste de vice-présidente et conseillère juridique générale.
La répression sur les campus ne se limite pas aux États-Unis. Plus tôt ce mois-ci, la police anti-émeute a violemment arrêté des étudiants de l'Université Western Sydney pour avoir participé à un sit-in pacifique de protestation contre le génocide. Après les arrestations, des centaines d'universitaires et de professeurs ont signé une lettre ouverte condamnant la brutalité policière. Les signataires ont noté que les actions violentes de la police «font partie d'un schéma plus large de répression policière dans les universités australiennes contre ceux qui protestent contre les atrocités d'Israël».
Le Mouvement international des jeunes et des étudiants pour l'égalité sociale (IYSSE) appelle les étudiants à se mobiliser contre cette attaque croissante sur les droits démocratiques. Les étudiants doivent exiger que toutes les charges retenues contre ceux qui protestent contre le génocide – l'un des plus grands crimes de guerre du 21ème siècle – soient abandonnées. Toutes les sanctions et restrictions imposées aux étudiants et aux enseignants doivent être annulées.
Les étudiants doivent chercher le soutien des travailleurs dans les usines et lieux de travail des régions où se trouvent les collèges et universités, afin de mobiliser un soutien plus large, en liant la défense des droits démocratiques fondamentaux à l'opposition à la guerre à l'étranger et à la guerre contre la classe ouvrière au pays.
L'escalade de l'assaut contre les manifestations sur les campus a lieu une semaine seulement avant les élections américaines, qui se caractérisent par une plongée dans les profondeurs de la réaction politique. Trump et les Républicains cherchent à construire un mouvement fasciste et se sont engagés à mobiliser la police et l'armée contre les opposants au génocide et toute opposition à la politique de l'oligarchie corporative et financière.
L'implication centrale du Parti démocrate dans la persécution de l'opposition au génocide démontre que sa prétention à protéger la «démocratie» est une fraude cynique. Peu importe qui l'emporte aux élections, s'il y a même un résultat clair, la poussée vers la dictature se poursuivra, au même rythme que l'escalade de la guerre et l'extrême croissance des inégalités sociales.
La chasse aux sorcières maccarthyste contre les manifestants de solidarité avec Gaza, le harcèlement des militants anti-guerre et les mesures punitives contre les étudiants et les professeurs qui protestent sont des préparatifs pour des attaques encore plus étendues contre les droits démocratiques de la population dans son ensemble.
Les méthodes antidémocratiques déployées par la classe dirigeante américaine lors de la chasse aux sorcières anticommunistes du maccarthysme dans les années 50 sont ravivées à l'échelle mondiale par toutes les puissances impérialistes. La défense des droits démocratiques fondamentaux, y compris le droit de protester contre le génocide et le nettoyage ethnique, est inséparable de la croissance d'un mouvement socialiste indépendant dans la classe ouvrière et parmi les jeunes contre toute guerre impérialiste et sa source, le système capitaliste.
(Article paru en anglais le 28 octobre 2024)