Les États-Unis et le Canada interdisent le Réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens Samidoun, le déclarant «entité terroriste»

Les gouvernements américain et canadien ont annoncé cette semaine une action coordonnée visant à prendre des mesures contre le Réseau de solidarité avec les prisonniers palestiniens Samidoun et à interdire ses activités, le déclarant «entité terroriste». Cette interdiction, qui s’est accompagnée d’une campagne hystérique de la part de l’establishment politique et des médias canadiens, fait suite à des mesures similaires prises à l’encontre de l’organisation aux Pays-Bas, en Allemagne et en Israël.

Fondé à Vancouver, en Colombie-Britannique, en 2011, Samidoun défend les intérêts des Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes et participe à l’organisation de manifestations contre l’occupation israélienne de la Palestine et le génocide en cours à Gaza. Le réseau est constitué en organisation à but non lucratif au Canada depuis 2021 et dément tout lien matériel ou organisationnel avec des groupes répertoriés comme terroristes par les États-Unis, le Canada ou l’Union européenne.

Le chef d’extrême droite de l’opposition conservatrice, Pierre Poilievre, a fait pression sur le gouvernement libéral du Premier ministre Justin Trudeau pour qu’il inscrive Samidoun sur la liste des organisations terroristes. Il a dénoncé l’organisation pour avoir prétendument orchestré des manifestations «violentes et horribles», ainsi que la ministre des affaires étrangères, Mélanie Joly, à la Chambre des communes, pour s’être «pliée devant le Hamas» parce qu’elle n’a pas condamné les manifestations auxquelles participait Samidoun.

L’inscription du réseau Samidoun sur la liste des entités terroristes au Canada entraînera le gel de ses comptes bancaires. Elle restreindra également la capacité de ses membres à voyager à l’étranger et interdira à quiconque de fournir à l’organisation des biens ou des dons financiers. Les mesures prises aux États-Unis auront un effet similaire sur les activités de l’organisation dans ce pays.

«Le Canada reste déterminé à travailler avec ses principaux partenaires et alliés, comme les États-Unis, pour lutter contre les organisations terroristes et leurs collecteurs de fonds», a déclaré le ministre canadien de la sécurité publique, Dominic LeBlanc, lors de l’annonce de la prise de mesures. «L’action conjointe d’aujourd’hui avec les États-Unis envoie un message fort: nos deux pays ne toléreront pas ce type d’activité et feront tout ce qui est en leur pouvoir pour s’assurer que des mesures robustes sont en place pour lutter contre le financement du terrorisme.»

Sécurité publique Canada affirme que Samidoun a «des liens étroits avec et défend les intérêts» du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), qui est membre de l’Organisation de libération de la Palestine, une organisation déclarée terroriste par les États-Unis, le Canada et les autres puissances impérialistes, ce qui justifie son interdiction.

«Des organisations comme Samidoun se font passer pour des acteurs caritatifs qui prétendent apporter un soutien humanitaire à ceux qui sont dans le besoin, mais détournent en réalité des fonds destinés à une aide indispensable pour soutenir des groupes terroristes, déclare Bradley T. Smith, sous-secrétaire d’État au Trésor par intérim chargé du terrorisme et du renseignement financier, pour justifier cette action. Les États-Unis, en collaboration avec le Canada et nos partenaires de même sensibilité, continueront à perturber ceux qui cherchent à financer le FPLP, le Hamas et d’autres organisations terroristes.»

Dans une déclaration, le département du Trésor américain a accusé Samidoun d’être une «organisation caritative fictive» fournissant des fonds au FPLP et annoncé la prise de mesures contre Khaled Barakat, un ancien haut responsable du FPLP vivant actuellement au Canada avec son épouse, Charlotte Kates, coordinatrice internationale de Samidoun.

Charlotte Kates a été arrêtée à Vancouver le 29 avril à la suite d’un discours dans lequel elle a entraîné la foule à scander «Vive le 7 octobre» et plaide pour le retrait du Hamas, du Jihad islamique, du Hezbollah et d’autres groupes de la liste des organisations terroristes. Lors d’une manifestation organisée par Samidoun à l’occasion du premier anniversaire des événements du 7 octobre, un drapeau canadien a été brûlé tandis que les participants scandaient «mort au Canada, mort aux États-Unis et mort à Israël».

Dans une réaction typique des médias, l’éditorialiste de droite Brian Lilly s’est plaint dans le Toronto Sun que le réseau Samidoun est actif dans les manifestations contre le génocide à Toronto, «déployant souvent une bannière arborant un AK-47 avec un drapeau palestinien peint sur la crosse du fusil et des balles sortant du bout du canon».

Le gouvernement canadien, les partis de l’establishment et leurs porte-parole des médias devraient être les derniers à pouvoir montrer du doigt qui que ce soit et se plaindre de leur «violence». Ils ont soutenu le transfert de dizaines de millions de dollars en armement à Israël depuis le début du génocide et continué d’approuver le régime génocidaire de Netanyahou lorsqu’il a massacré des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants avec des bombes de grande puissance fournies par les États-Unis.

Trudeau, Poilievre et compagnie se sont réjouis de l’assassinat du chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, alors qu’il était en visite officielle à Téhéran, ainsi que du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. En outre, Ottawa a joué un rôle majeur dans presque toutes les guerres d’agression menées par les États-Unis au cours des trois dernières décennies, y compris dans l’actuel bain de sang en Ukraine contre la Russie. Dans un tel contexte de barbarie et de criminalité, faut-il se surprendre que des manifestants soient prêts à scander «mort au Canada» ou «mort aux États-Unis»?

Barakat, un citoyen canadien d’origine palestinienne né à Jérusalem, et Kates, citoyenne canadienne de naissance, sont la cible d’une campagne menée par l’organisation sioniste B’nai B’rith Canada demandant au gouvernement du Canada de les expulser du pays en raison de leur action en faveur des Palestiniens emprisonnés.

Des dizaines de milliers de Canadiens participent à des manifestations dans tout le pays pour exiger du gouvernement libéral, soutenu par les syndicats, qu’il fasse pression en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza et qu’il cesse d’armer le régime génocidaire israélien. Malgré l’indignation populaire et des appels répétés à la morale, l’establishment politique maintient son soutien à Israël, alors même que les opérations militaires ont fait plus de 40.000 morts, selon les statistiques officielles, et probablement plus de 200.000 selon les estimations. Ces opérations s’étendent maintenant à tout le Moyen-Orient avec l’invasion du Liban par Israël et l’assassinat ciblé des dirigeants du Hamas et du Hezbollah.

Une motion présentée au parlement par le Nouveau Parti démocratique (NPD) en mars, visant ostensiblement à imposer un embargo sur les armes à Israël, à reconnaître l’État de la Palestine et à condamner le génocide, a été transformée à tel point lors de discussions menées par le parti en coulisses avec les Libéraux que la motion finalement adoptée approuve les objectifs de guerre de Netanyahou, omet toute mention de la reconnaissance de l’État palestinien et de toute restriction en matière d’envoi d’armes.

Tous les membres de l’establishment politique qui ont pris position contre le génocide ont fait l’objet d’attaques virulentes. La députée provinciale de l’Ontario Sarah Jama a été expulsée du caucus du NPD et censurée par le parlement contrôlé par les Conservateurs après avoir publié, peu après le soulèvement du Hamas du 7 octobre 2023, une déclaration exprimant sa sympathie à l’égard du peuple palestinien. Le président du SCFP Ontario, Fred Hahn, a fait l’objet d’une campagne de diffamation agressive et d’une demande de démission après avoir partagé un mème critiquant les bombardements aveugles d’Israël sur Gaza.

Les manifestations pro-palestiniennes sont constamment qualifiées d’antisémites par l’establishment politique sur des bases essentiellement sans fondements. L’an dernier, onze résidents de Toronto ont subi des descentes de police tôt le matin à leur domicile pour avoir posé des affiches sur les vitrines d’une librairie Indigo dénonçant le soutien de la PDG Heather Reisman aux forces de défense israéliennes et de sa complicité dans le génocide, une action que la police a qualifiée de «geste haineux». La police de Toronto a créé une unité secrète chargée de réprimer et de saper les manifestations dans ce qui est la plus grande ville du pays, en coordination avec le gouvernement Trudeau, la GRC et le SCRS (Service canadien du renseignement de sécurité).

La répression coordonnée de l’administration Biden et du gouvernement Trudeau contre Samidoun s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par les deux pays pour réprimer l’opposition interne au génocide de Gaza et la vague de manifestations pro-palestiniennes qui se poursuit depuis plus d’un an, avec notamment l’apparition de campements de solidarité dans les campus universitaires le printemps dernier. Cette attaque antidémocratique est le fer de lance de l’assaut plus vaste contre les droits démocratiques et sociaux mené contre la classe ouvrière, qui a vu son droit de grève pratiquement aboli, du moins lorsqu’elle est en position de force, et constitue une violation tant de la Charte des droits et libertés canadienne que de la Constitution des États-Unis. Les travailleurs et les jeunes au Canada et aux États-Unis doivent s’y opposer dans le cadre de leur lutte pour construire un mouvement anti-guerre international dirigé par la classe ouvrière afin de mettre un terme au génocide de Gaza et à une troisième guerre mondiale qui est en train de se développer.

(Article paru en anglais le 20 octobre 2024)

Loading