Le massacre de travailleurs pakistanais et l’impasse du nationalisme ethno-séparatiste baloutche

Plus de soixante-dix personnes, dont au moins 35 civils, ont été tuées lors d'une série d'attaques dans la province du Baloutchistan, dans le sud-ouest du Pakistan, le 26 août. Selon les reportages officiels, dix districts ont été visés par les insurgés séparatistes ethno-nationalistes baloutches. Ils ont attaqué des installations militaires et des postes de police, fait sauter une voie ferrée et des ponts, bloqué des autoroutes reliant la province à d'autres régions du pays et incendié des camions transportant du charbon et de la nourriture.

Dans un acte particulièrement ignoble et réactionnaire, les insurgés baloutches ont contrôlé les cartes d'identité des passagers d'un bus interurbain qui traversait Musakhail pour se rendre dans la province du Pendjab et les ont séparés en deux catégories : ceux qui étaient baloutches et ceux qui ne l'étaient pas. Ils ont ensuite abattu 23 personnes, pour la plupart des travailleurs pauvres, qu'ils avaient identifiées comme étant d'ethnie pendjabie ou pachtoune. Une autre personne a survécu après avoir été laissée pour morte. Plusieurs chauffeurs de camion pendjabis ont également été abattus.

Des gens regardent des véhicules incendiés par des séparatistes baloutches après que ces derniers ont bloqué une autoroute à Musakhail, un district du sud-ouest du Pakistan, le 26 août 2024. [AP Photo/Rahmat Khan]

Selon l'organe de presse de l'armée, 14 membres des forces de sécurité ont été tués, notamment dans deux attentats suicides à Bela, et plus d’une vingtaine d'insurgés ont trouvé la mort dans leurs contre-attaques.

Le Front de libération du Baloutchistan (BPLF), qui lutte pour la sécession du Baloutchistan du Pakistan, a revendiqué les attentats du 26 août. Dans un message diffusé sur les réseaux sociaux par la brigade Fidayeen Majeed du BPLF, il est affirmé que l'un des attentats suicides de Bela a été perpétré par une étudiante de 23 ans de la faculté de droit de Turbat, Mahel Baloch. La brigade Fidayeen Majeed vise exclusivement à organiser des attentats suicides contre les forces de sécurité pakistanaises et le personnel chinois travaillant sur des projets liés au corridor économique Chine-Pakistan.

Les insurgés séparatistes baloutches s'en prennent depuis longtemps et de manière sanglante aux travailleurs pendjabis et pachtounes, qu'ils qualifient d'«étrangers». Pour ne citer que deux atrocités récentes : le 9 avril, des insurgés ont intercepté un bus sur la route N-40 Quetta-Taftan, identifié et fait débarquer neuf passagers pendjabis qui voyageaient avec des visas pour l'Iran, puis les ont abattus ; en mai, sept Pendjabis qui travaillaient dans des salons de coiffure à Gwadar ont été tués en pleine nuit alors qu'ils dormaient.

Le BPLF est le plus grand et le plus important d'une série de groupes d'insurgés baloutches, dont certains sont également alignés sur des groupes similaires dans le sud-est de l'Iran, majoritairement baloutche. Il s'agit notamment de l'Armée nationale du Baloutchistan (ANB), elle-même issue de la fusion de l'Armée unie de Baloutchistan (ABU) et de l'Armée de la République du Baloutchistan (ARB).

Pendant la majeure partie des deux dernières décennies, le Baloutchistan a été essentiellement soumis à une occupation militaire pakistanaise.

Incapables d'apporter une réponse progressiste aux aspirations démocratiques et sociales de la population, les gouvernements successifs d'Islamabad et l'armée ont réagi à la montée de l'opposition dans la province la plus pauvre du Pakistan par une répression brutale, notamment des disparitions forcées, des tortures et des exécutions extrajudiciaires.

Le mépris et la brutalité avec lesquels Islamabad traite les griefs légitimes de la population ont alimenté la croissance de nombreux groupes nationalistes baloutches et une insurrection exclusiviste qui a donné lieu à des atrocités de part et d'autre.

L'insurrection actuelle et le programme exclusiviste et pro-impérialiste du BPLF

L'insurrection actuelle a éclaté en 2004 sous le règne du dictateur soutenu par les États-Unis, le général Musharraf, dont le gouvernement jouait un rôle central pour faciliter la guerre néocoloniale de l'impérialisme américain en Afghanistan. Elle s'est intensifiée après que l'armée a tué Nawab Akbar Bugti, un chef tribal et ancien ministre en chef et gouverneur du Baloutchistan, en 2006. Bugti avait pris les armes contre l'État pakistanais après que celui-ci eut rejeté son plan de 2005 visant à accorder une plus grande autonomie à la province et à instaurer un moratoire sur la construction de nouvelles bases militaires.

Les attaques du 26 août, qui coïncidaient avec le 18e anniversaire de la mort de Bugti, ont constitué l'opération militaire la plus importante et la plus audacieuse organisée par le BPLF à ce jour, et ont manifestement ébranlé le gouvernement et l'establishment militaire.

La province pakistanaise du Baloutchistan représente environ 44 % du territoire du pays, mais avec une population de 15 millions d'habitants, un peu plus de 6 % de sa population. Elle est riche en minéraux, notamment en cuivre et en or, ainsi qu'en gaz naturel, et possède des frontières avec l'Afghanistan et l'Iran.

Le BPLF et d'autres groupes séparatistes baloutches invoquent une tradition d'insurrection nationaliste contre la bourgeoisie réactionnaire pakistanaise et son État. Au cours des trois quarts de siècle écoulés, des dizaines de milliers de personnes, dont d'innombrables civils, ont été tuées dans les affrontements entre les insurgés séparatistes nationalistes bourgeois et les forces de sécurité au cours d'une série d'insurrections.

Cependant, le mouvement séparatiste baloutche, malgré son apparence militante et l'abnégation de nombre de ses jeunes adhérents, est une impasse réactionnaire.

Il est basé sur un programme exclusiviste-chauviniste, visant les travailleurs pendjabis et autres «non-baloutches» pour des attaques meurtrières, et il est ouvertement pro-impérialiste.

Pendant des années, les séparatistes baloutches ont cherché à gagner le soutien de Washington et de ses alliés, en particulier de l'Inde, le grand rival stratégique du Pakistan, en se présentant et en agissant comme leur chien d'attaque contre la Chine.

Et ce dans des conditions où les États-Unis et leurs alliés impérialistes ont déclenché une guerre pour la répartition du monde. La guerre déclenchée par les États-Unis et l'OTAN contre la Russie en Ukraine, le génocide israélien contre les Palestiniens de Gaza que les puissances impérialistes soutiennent à fond tout en intensifiant la pression militaro-économique sur l'Iran et l'offensive militaro-stratégique des États-Unis contre la Chine sont autant de fronts de cette guerre.

Les droits démocratiques et sociaux des masses baloutches et de tous les travailleurs et ouvriers d'Asie du Sud – y compris l'égalité réelle entre ses innombrables peuples, sans distinction de religion ou d'ethnie, et la libération de l'oppression impérialiste – ne seront obtenus que par une révolution socialiste menée par la classe ouvrière, en opposition à toutes les factions de la bourgeoisie et au système réactionnaire de l'État-nation basé sur les communautés du sous-continent.

La partition et la question nationale baloutche

Le mouvement séparatiste bourgeois-nationaliste baloutche est un produit malencontreux de la répression du mouvement anti-impérialiste de masse qui a secoué l'Asie du Sud entre 1917 et 1948. Terrifiées par les dimensions révolutionnaires de ce mouvement, et en particulier par le militantisme grandissant de la classe ouvrière, les sections rivales de la bourgeoisie coloniale ont conclu un accord avec l'impérialisme britannique pour prendre le contrôle de l'État capitaliste colonial et procéder à la partition communautaire du sous-continent. Cette trahison a été facilitée par le Parti communiste de l'Inde (CPI) stalinien, qui a subordonné la classe ouvrière au Congrès national indien dirigé par Gandhi-Nehru et a soutenu la demande réactionnaire de la Ligue musulmane en faveur d'un État musulman séparé, le Pakistan.

Un train transportant des personnes déplacées lors de la partition de l'Inde

La partition a entraîné un immense massacre, défié la logique économique, historique et culturelle, inscrit le communautarisme dans les structures étatiques mêmes de l'Asie du Sud et donné naissance à un conflit stratégique réactionnaire entre l'Inde et le Pakistan qui a conduit à de nombreuses guerres et crises de guerre. Mais la partition n'a été que la manifestation la plus frappante de l'incapacité de la bourgeoisie nationale à accomplir les tâches associées, au cours des siècles précédents, à la révolution démocratique, notamment la restructuration radicale des relations agraires, la séparation de l'Église (religion) et de l'État et l'élimination de tous les vestiges féodaux et semi-féodaux.

La première insurrection séparatiste baloutche a éclaté en 1948 en réponse à l'incorporation du Khanat de Kalat dans le nouvel État pakistanais. Le khanat, dont les frontières englobaient une grande partie du Baloutchistan pakistanais actuel, avait été un État princier (c'est-à-dire subordonné) au sein de l'empire des Indes britanniques. Mais avec le départ des colonisateurs britanniques, le Khan a fait une tentative avortée pour obtenir l'indépendance. Bien qu'il ait rapidement cédé, son frère, le prince Agha Abdul Karim, soutenu par divers chefs tribaux, a organisé une insurrection de courte durée.

Une deuxième insurrection séparatiste baloutche a éclaté à la fin des années 1950 et une troisième, la plus importante, a fait rage de 1973 à 1977. Dans les années 1970 et 1980, et dans le contexte de la guerre froide, où le Pakistan était un allié fidèle des États-Unis et un véritable État de première ligne dans les efforts de Washington pour menacer et déstabiliser l'Union soviétique, le mouvement séparatiste baloutche, comme beaucoup d'autres mouvements bourgeois de «libération nationale» en Asie et en Afrique, a adopté des airs socialistes et a fait appel au soutien de Moscou.

Cependant, depuis que la bureaucratie stalinienne a restauré le capitalisme et dissous l'URSS, les séparatistes et ethno-chauvins baloutches se sont orientés de manière de plus en plus explicite vers l'impérialisme.

Les nationalistes baloutches ont soutenu l'invasion et l'occupation de l'Afghanistan par les États-Unis et l'OTAN, qui a duré deux décennies.

Représentant une partie de la bourgeoisie baloutche faible et historiquement arriérée (enracinée dans les relations féodales-tribales), ils ont développé la perspective d'un «Grand Baloutchistan» séparé, incluant la région du Sistan à majorité baloutche de l'Iran, dans le but de satisfaire les intérêts géostratégiques prédateurs de Washington – et tout cela dans l'espoir de garantir leur propre État et la possibilité de conclure leurs propres accords avec l'impérialisme aux dépens de la classe ouvrière et des masses laborieuses.

Les séparatistes baloutches et le corridor économique Chine-Pakistan

Depuis le lancement du projet de corridor économique Chine-Pakistan (CPEC) en 2014, le mouvement sécessionniste baloutche s'est encore aligné sur l'impérialisme américain et ses alliés européens et régionaux, principalement l'Inde. Washington et New Delhi se sont tous deux opposés au CPEC, Washington faisant pression sur le Pakistan pour qu'il l’annule et prenne ses distances avec la Chine. L'Inde s'est opposée au CPEC dès le départ, sous prétexte qu’il traversait le Gilgit-Baltistan (une partie du Cachemire) que l'Inde revendique comme sien.

Le CPEC est un élément de la réponse de Pékin aux mesures prises par les États-Unis pour militariser lourdement la région Asie-Pacifique, y compris la mer de Chine méridionale, afin de menacer les routes commerciales de la Chine à une série de «points d'étranglement» en cas de crise guerrière. Son élément central est la construction d'un corridor de transport reliant Gwadar, un port du Baloutchistan sur la mer d'Arabie, à la Chine par des autoroutes, des voies ferrées et des pipelines, ce qui lui permettrait de contourner, au moins partiellement, un blocus américain des voies maritimes.

Le fait que l'impérialisme américain ait fait de l'Inde un État de première ligne dans ses préparatifs de guerre avec Pékin a poussé le Pakistan, au cours des quinze dernières années, à développer des relations économiques et militaires de plus en plus étroites avec la Chine. En conséquence, le partenariat traditionnel d'Islamabad avec Washington s'est fortement affaibli. Le génocide perpétré par Israël à Gaza, avec le soutien des États-Unis, et leurs préparatifs de guerre conjoints contre l'Iran renforcent encore l'importance géostratégique du Baloutchistan.

Le BPLF et le mouvement séparatiste baloutche sont farouchement opposés au CEPC et au partenariat stratégique Chine-Pakistan dans la région et cherchent à gagner un soutien populaire pour cette position en citant l'impact du projet sur la pêche locale et d'autres préoccupations environnementales. En novembre 2018, le BPLF a attaqué le consulat de Chine à Karachi et, dans un communiqué justifiant son action, a déclaré ce qui suit : «l'objectif de cette attaque est clair : nous ne tolérerons aucune tentative d'expansion militaire chinoise sur le sol baloutche».

En août, le Conseil des droits de l'homme baloutche pro-séparatiste a écrit une lettre au secrétaire général des Nations unies pour demander à l'ONU, dominée par les impérialistes, d'intervenir au Baloutchistan au motif que son peuple était écrasé par le «colonialisme socialiste» chinois et que le CPEC était un «corridor de mort et de destruction».

Le Baloutchistan et la question de la garantie des droits démocratiques du peuple baloutche sont donc de plus en plus entraînés dans la rivalité de l'impérialisme américain contre la Chine, et les conséquences pourraient être désastreuses pour l'ensemble de la région.

Le Pakistan a déjà créé une force de sécurité de 20.000 hommes pour protéger les projets d'investissement et le personnel chinois, en particulier, et pour contrer les attaques des sécessionnistes baloutches. Toutefois, les préoccupations de la Chine en matière de sécurité sont de plus en plus grandes.

Lors de la visite d'un haut fonctionnaire chinois à Islamabad en juin, le message de Pékin a été délivré publiquement d'une manière inhabituellement tranchante. Il a averti que les problèmes de sécurité pourraient menacer l'avenir du CPEC et a déclaré que la détérioration de la situation en matière de sécurité «ébranlait la confiance» des investisseurs chinois.

Non à la répression de l'État pakistanais !

Les attentats du 26 août ont ébranlé l'establishment pakistanais, le poussant à intensifier les opérations militaires et à prendre une série de nouvelles mesures antidémocratiques. À l'issue d'une réunion de haut niveau à Quetta, capitale du Baloutchistan, à laquelle ont participé des militaires de haut rang et des ministres fédéraux et provinciaux, le Premier ministre Shehbaz Sharif a promis que «les ennemis du Pakistan, qui s'efforcent de créer des troubles au Baloutchistan, seraient vaincus avec toute la force nécessaire» et a déclaré que le dialogue n'était possible qu'avec ceux qui respectent la Constitution pakistanaise et saluent le drapeau national.

Le même jour, Washington, qui maintient des liens avec le Pakistan principalement par le biais de l'alliance militaire Pentagone-Pakistan vieille de sept décennies, a condamné l'attaque, mais une partie de l'establishment politique et militaro-sécuritaire cultive des liens avec les séparatistes baloutches. L'administration Biden-Harris utilise la position dominante de l'impérialisme américain au sein du FMI et les tentatives urgentes de Sharif et de son gouvernement de coalition minoritaire dirigé par la Ligue musulmane (Nawaz) d'obtenir un prêt de sauvetage du FMI pour faire pression sur Islamabad afin qu'il réduise ses liens avec Pékin, notamment en exigeant qu'il n'établisse plus de zones économiques spéciales liées au CPEC, ce qu'il favorise fortement dans d'autres contextes.

L'armée et le gouvernement utilisent l'attentat du 26 août pour justifier l'octroi à l'armée et aux autres forces de sécurité de pouvoirs accrus leur permettant de détenir des personnes et de procéder à des perquisitions et à des arrestations sans mandat.

Comme toujours, l'État pakistanais utilisera ces nouveaux pouvoirs et ses mesures «antiterroristes» pour réprimer brutalement l'opposition et supprimer les droits démocratiques des masses opprimées de tout le pays, y compris celles du Baloutchistan. Dans tout le Paksitan, l'opposition au gouvernement, arrivé au pouvoir en février dernier à l'issue d'élections truquées par l’armée, est bouillonnante, car il impose une nouvelle série de mesures brutales dictées par le FMI, notamment une augmentation massive des tarifs de l'électricité et de nouveaux impôts indirects.

Deux semaines et demie avant les attentats du 26 août, le comité Baloch Yakjehti (BYC) a organisé de longues et vastes manifestations dans la Marine Drive de Gwadar pour protester contre les personnes disparues, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et l'exploitation des ressources du Baloutchistan.

Occupation à Turbat, au Baloutchistan, fin 2023, pour protester contre l'assassinat extrajudiciaire de Balaach Mola Bakhsh, 24 ans [Photo: Assad Baloch/Facebook]

Le ministre en chef du gouvernement provincial du Baloutchistan, qui a été mis en place par l'armée et est dirigé par le Parti du peuple pakistanais (PPP), a réagi en interrompant les services de réseau dans la région et en déployant un grand nombre de forces de sécurité pour bloquer les routes et empêcher le public d'assister au rassemblement de Gwadar. Les affrontements qui ont suivi ont fait quatre morts et de nombreux blessés. Le BYC a réagi en organisant des occupations de protestation dans 14 localités, ce qui a paralysé l'ensemble du Baloutchistan.

En réponse à ces manifestations massives, l'armée a publiquement dénoncé le BYC comme étant un «mandataire» des forces étrangères et des terroristes.

Le BYC demande que les milliers de personnes enlevées par les forces de sécurité soient retrouvées, qu'elles soient mortes ou vivantes, et que les responsables soient jugés par les tribunaux conformément à la loi. Les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, la pauvreté endémique et le chômage de masse ont radicalisé de larges pans de la jeunesse, y compris les jeunes femmes, fournissant au BYC sa principale base de soutien populaire.

Les demandes visant à mettre fin à la répression et à la criminalité de l'État pakistanais sont tout à fait légitimes et ne peuvent être satisfaites que par la mobilisation des travailleurs et des ouvriers ruraux de la région et de l'ensemble du Pakistan, indépendamment des différences nationales, ethniques, linguistiques ou religieuses.

Les personnes disparues, les exécutions extrajudiciaires, ainsi que la fin des opérations militaires et autres crimes d'État, y compris la promotion du communautarisme et de l'ethno-chauvinisme, sont des questions brûlantes au Baloutchistan, mais elles existent généralement partout au Pakistan et dans l'ensemble du sous-continent. En outre, plus de trois quarts de siècle de domination post-indépendance par les bourgeoisies nationales rivales d'Asie du Sud ont démontré que la lutte pour garantir les droits démocratiques fondamentaux est indissociable de la lutte contre le capitalisme et l'oppression impérialiste, qui sont à l'origine de la situation catastrophique à laquelle sont confrontées les masses dans toute la région.

La voie à suivre pour les travailleurs du Baloutchistan

Si les griefs du peuple baloutche sont réels et profondément enracinés, les divers groupes d'insurgés séparatistes et les partis nationalistes ne représentent en aucun cas leurs intérêts. Ils représentent plutôt des sections privilégiées de la bourgeoisie, y compris les sardars semi-féodaux, dont le principal grief est que l'État pakistanais leur refuse une «juste part» des ressources naturelles et des revenus miniers du Baloutchistan, ainsi que les profits tirés de l'exploitation de ses travailleurs et de ses ouvriers.

Comme l'a déjà expliqué le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), l'incapacité des États capitalistes «indépendants» établis en Asie et en Afrique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale de résoudre les problèmes fondamentaux de la révolution démocratique et l'émergence, dans les années 1980, d'une nouvelle étape de l'intégration capitaliste mondiale ont donné naissance à une série de «nouveaux mouvements nationaux», enlisés dans l'exclusivisme et orientés vers l'impérialisme, et par conséquent hostiles aux aspirations démocratiques et sociales des masses :

En Inde et en Chine, le mouvement national représentait la tâche progressiste d'unifier des peuples disparates dans une lutte commune contre l'impérialisme : une tâche qui s'est avérée irréalisable sous la direction de la bourgeoisie nationale. Cette nouvelle forme de nationalisme promeut le séparatisme selon des lignes ethniques et religieuses, dans le but de diviser les États existants au profit des exploiteurs locaux, au service du capital mondial mobile. Ces mouvements n'ont rien à voir avec la lutte contre l'impérialisme et n'incarnent en aucun cas les aspirations démocratiques des opprimés. Ils servent à diviser la classe ouvrière et à détourner la lutte des classes vers une guerre ethno-communautaire.

La violence meurtrière que les séparatistes ethno-nationalistes exercent régulièrement contre les travailleurs et les résidents non baloutches au Baloutchistan est une expression claire de la nature anti-ouvrière du mouvement nationaliste baloutche. Cela va de pair avec le fait qu'il s'attire les faveurs de la bourgeoisie indienne, en se proposant comme allié de New Delhi dans sa rivalité stratégique réactionnaire avec l'élite pakistanaise, et des puissances impérialistes dans leur campagne toujours plus agressive et ouverte de contrecarrer la montée en puissance de la Chine, y compris par le biais d'une guerre mondiale.

Les travailleurs et les ouvriers du Baloutchistan n'ont rien à gagner à soutenir le BPLF et les autres ethno-séparatistes dans leurs tentatives d'obtenir un Baloutchistan capitaliste «indépendant» qui serait un État client de l'impérialisme américain et de l'Inde, ou les demandes d'une plus grande autonomie au sein d'un Pakistan capitaliste «réformé» avancées par d'autres sections de la bourgeoisie baloutche.

La classe ouvrière et tous les jeunes qui veulent sincèrement s'opposer à l'oppression nationale et à toutes les formes d'oppression devraient tirer les leçons de la lutte menée par le CIQI et sa section sri-lankaise – le Parti de l’égalité socialiste (Sri Lanka) et son prédécesseur, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) – contre la répression des droits démocratiques de la minorité tamoule par l'État dominé par la bourgeoisie cinghalaise.

Tout au long des presque trois décennies de guerre civile raciste encouragée et provoquée par l'État sri-lankais, et face à la répression de l'État et aux attaques violentes du JVP cinghalais et des séparatistes tamouls, la LCR-PES s'est battue seule pour le retrait immédiat et complet des forces de sécurité sri-lankaises du nord et de l'est majoritairement tamouls. Dans le même temps, elle a expliqué que les droits démocratiques des Tamouls ne pouvaient être et ne seraient garantis que par une lutte commune des masses tamoules et cinghalaises contre la domination bourgeoise et pour des États socialistes unis de Lanka et d'Eelam.

Cette position a été confirmée par l'histoire. Si les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) ont été vaincus, c'est parce qu'ils étaient hostiles à tout effort visant à forger une unité avec les travailleurs cinghalais opprimés et les masses rurales en opposition au capitalisme et à l'impérialisme. Au lieu de cela, ils ont fondé leur campagne pour un État séparé sur des manœuvres avec l'Inde (qui, dans la poursuite de ses propres intérêts prédateurs, a rapidement abandonné les LTTE en 1987 et, par la force des armes, a cherché à les contraindre à s'entendre avec Colombo) et sur des appels aux États-Unis et à d'autres puissances impérialistes.

Quinze ans plus tard, dans la poursuite d'un «accord de partage du pouvoir» avec Colombo, soutenu par l'Inde et les États-Unis, les restes du LTTE et d'autres représentants politiques de la bourgeoisie tamoule se sont accommodés du maintien d'une présence massive des forces de sécurité dans le nord et l'est, soutiennent l'austérité du FMI et se présentent comme les principaux champions de l'alignement du Sri Lanka sur l'impérialisme américain contre la Chine. Pendant ce temps, les travailleurs, qu'ils soient cinghalais ou tamouls, s'engagent dans des luttes sociales de masse, traversant l'ethno-communautarisme encouragé par toutes les sections de la bourgeoisie et créant les conditions objectives pour la garantie des droits démocratiques du peuple tamoul dans une lutte commune contre le capitalisme et la menace croissante d'une guerre mondiale impérialiste.

En opposition à l'impérialisme, à la bourgeoisie pakistanaise et à l'ensemble du système étatique réactionnaire et communautariste d'Asie du Sud, les travailleurs et les jeunes baloutches doivent fonder leur lutte sur la stratégie de la révolution permanente. Les droits démocratiques les plus fondamentaux et les aspirations sociales des travailleurs, y compris une véritable indépendance vis-à-vis de l'impérialisme et une réelle égalité entre les différents groupes ethniques, linguistiques et religieux d'Asie du Sud, ne peuvent être réalisés que par la lutte visant à unir les masses de la région dans la lutte pour le pouvoir ouvrier. La classe ouvrière doit rallier les travailleurs ruraux et les opprimés derrière elle, en opposition à toutes les factions de la bourgeoisie, et forger l'unité avec les travailleurs de toute la région sur la base d'un programme socialiste visant à réorganiser la vie socio-économique et à créer un cadre pour le développement amical et équitable de tous les peuples : les États socialistes unis d'Asie du Sud.

(Article paru en anglais le 17 septembre 2024)

Loading