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Le premier jour de la grève de 33.000 machinistes de Boeing dans les États de Washington, de l'Oregon et de la Californie a montré l'énorme pouvoir de la classe ouvrière. Les travailleurs ont débrayé juste après minuit vendredi matin après avoir rejeté à près de 95 pour cent une entente au rabais, soutenu par la direction de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA), et voté à 96 pour cent en faveur de la grève.
La grève est un coup porté au géant de l'aérospatiale, qui cherche à faire porter les coûts de sa crise actuelle sur le dos des travailleurs. Elle constitue également un désaveu pour la bureaucratie de l'AIMTA, qui travaille en étroite collaboration avec l'entreprise et l'administration Biden-Harris pour tenter d'empêcher un débrayage contre un exportateur américain de premier plan et un important entrepreneur de la défense.
Les machinistes de Boeing expriment les vrais sentiments des travailleurs de partout au pays et du monde entier. Il y a une énorme opposition au sein de la classe ouvrière à l'assaut contre le niveau de vie, à l'augmentation des inégalités sociales et aux attaques contre les droits sociaux fondamentaux. La position prise par les travailleurs de Boeing donne une voix à ces sentiments.
Les travailleurs présents sur le piquet de grève ont décrit l'impact de la flambée du coût de la vie dans la région de Seattle aux journalistes du World Socialist Web Site, et ont expliqué comment cette situation avait été aggravée par plus d'une décennie de prolongation de la convention collective imposée par l'AIMTA. Ils ont également parlé de l'abandon total des normes de qualité et de sécurité par la direction de Boeing, en particulier à la suite de la fusion de 1997 entre Boeing et l'entreprise de défense McDonnell Douglas.
« Je gagnais plus d'argent dans l'armée », a déclaré aux journalistes du WSWS un jeune travailleur récemment embauché par Boeing. « On fait plus chez McDonald's. On fait plus chez Aldi. Le loyer dans la région de Seattle est d'environ 3 à 4000 dollars pour une maison individuelle. Je ne sais pas comment on peut se permettre de vivre ici. Nous ne le pouvons certainement pas. » Et de poursuivre : « Nouveaux embauchés, anciens embauchés, retraités, nous nous serrons les coudes pour atteindre un objectif commun : une meilleure qualité de vie pour chacun d'entre nous et pour nos familles.»
Le lien entre les différentes générations de travailleurs de Boeing est particulièrement important dans le contexte de la prolongation de la convention collective de 2014, imposée lors d'un simulacre de vote organisé par l'AIMTA qui a sacrifié les pensions des travailleurs. Dans les mois qui ont précédé le vote, les travailleurs ont rappelé que Boeing avait embauché 10.000 nouveaux employés et leur avait promis des primes à la signature s'ils aidaient à ratifier l’entente. Par la suite, se souvient un travailleur, « la moitié a été licenciée avant d'avoir reçu sa prime, et le syndicat n'a rien fait».
Aujourd'hui, cependant, les jeunes travailleurs soutiennent fermement la grève. « J'ai grandi dans la région en entendant dire que Boeing était un emploi formidable », a déclaré un nouvel employé aux journalistes du WSWS. « Mais maintenant que je suis ici, j'ai du mal à payer mes factures. Le coût du logement est impossible». Le travailleur a déclaré que la grève avait été lancée par les travailleurs de la base eux-mêmes, et non par la direction de l'AIMTA. « Les travailleurs se sont exprimés et ont montré à la direction du syndicat que nous n'allions pas accepter cela », a-t-il déclaré.
Un travailleur d’expérience, qui a connu quatre grèves chez Boeing depuis 1989, a expliqué la chute abrupte des revenus réels que les travailleurs ont subie en raison des reculs contractuels négociés par l'AIMTA au cours des trois dernières décennies.
« Je n'ai pas eu d'augmentation de salaire depuis 10 ans. Mon pouvoir d'achat est plus faible aujourd'hui qu'en 1992. Lorsque j'ai été embauché, je gagnais environ deux fois et demie le salaire minimum. Les personnes au haut de l’échelle gagnaient environ quatre fois le salaire minimum.
« Aujourd'hui, les gens embauchent au salaire minimum, et notre maximum n'est que d'environ deux fois ou deux fois et demie le salaire minimum. Notre pouvoir d'achat a considérablement diminué. »
Commentant l'exploitation des travailleurs par Boeing, axée sur le profit, il a poursuivi : « Les gens ne devraient pas avoir à travailler à plein temps à la construction d'avions à réaction et à se battre comme nous le faisons [...] Et l'entreprise nous considère comme si nous étions remplaçables. Nous ne sommes pas remplaçables. »
Le travailleur a également commenté la dégradation des normes de sécurité et de qualité chez Boeing et son fournisseur Spirit AeroSystems (une division créée en ensuite rachetée par Boeing) qui a conduit à l'éclatement de la porte lors d'un vol d'Alaska Airlines en janvier.
« Vous savez, c'était une chose dégoûtante qui s'est produite. Mais je vous garantis que lorsqu'ils ont examiné et évalué ce problème, ce problème est apparu des années plus tôt. Le mécanicien qui [a enlevé les boulons] faisait ce que la direction lui avait dit. [...] Plus vous creusez, plus vous découvrirez que c’est le statu quo. »
Un autre travailleur a déclaré : « L'ancienne direction nous a trahis dans le cadre de la prolongation de la convention collective, puis ils ont dit que ces dirigeants avaient été évincés. Mais quand est venu le moment de signer ce contrat, “le nouveau patron, pareil comme l'ancien”. »
Plusieurs travailleurs ont exprimé leur colère au sujet du somptueux nouveau siège social en construction pour les responsables du district 751 de l’AIMTA, juste à l’extérieur de l’usine. En même temps, l’AIMTA n’offre que 250 $ par semaine pour l’indemnité de grève, et cela ne commence qu’à partir de la troisième semaine de la grève, dans le but d’affamer les travailleurs et de les forcer à accepter une deuxième entente au rabais.
À la veille du vote sur l’entente, un groupe de travailleurs militants a fondé le Comité de base des travailleurs de Boeing pour organiser l'opposition à la capitulation et lutter pour transférer le pouvoir et la prise de décision de l'appareil de l'AIMTA aux travailleurs de l’atelier.
Dans sa déclaration fondatrice, le comité a déclaré :
La première étape consiste à jeter ce contrat à la poubelle. Mais nous devons prendre les choses en main. Nous ne pouvons pas perdre de temps à espérer qu'un vote « non » « forcera » les bureaucrates de l'AIMTA à nous écouter. On ne peut pas les convaincre car leur pain est beurré de l'autre côté.
Plusieurs membres du comité de base ont déclaré au WSWS que les responsables syndicaux n'avaient rien fait pour se préparer à une grève, et que le président du district 751 de l'AIMTA, Jon Holden, et d'autres responsables étaient choqués et visiblement consternés par le rejet presque unanime de leur entente et le vote en faveur de la grève. Le premier jour du débrayage, ont-ils dit, les responsables du district 751 n'ont pas déployé de piquets de grève à plusieurs portes de l'usine d'Everett.
« Ils ne veulent pas verser d'indemnités de grève, alors je suis sûr qu'ils vont essayer de nous proposer un autre accord avant la troisième semaine », a déclaré un membre. Le comité a demandé que les indemnités de grève soient versées immédiatement et qu'elles soient financées par les 300 millions de dollars d'actifs de l'AIMTA.
À la suite du rejet massif de l'accord négocié par l'AIMTA, le président du district 751, Holden, a déclaré que le syndicat mènerait une enquête auprès des membres pour connaître leurs préoccupations à l'égard de l’entente. Ce n'est rien d'autre qu'un stratagème cynique.
L’entente proposée ne répondait à aucune des revendications des travailleurs, y compris une augmentation de salaire de 40 pour cent et le rétablissement des pensions. L'objectif d'une enquête est de recueillir des informations afin que la bureaucratie syndicale et l'entreprise puissent ajouter quelques centimes ici et là et présenter l'accord comme répondant aux exigences des travailleurs.
Les manœuvres de l'appareil de l’AIMTA sont menées en étroite collaboration avec l'administration Biden-Harris, comme en témoigne la réunion de la semaine dernière entre Holden et la secrétaire au Travail par intérim, Julie Su. Le Parti démocrate ainsi que Donald Trump et les républicains sont entièrement derrière Boeing, qui est un fournisseur majeur de chasseurs, de bombardiers et de missiles pour la campagne de guerre de l'impérialisme américain contre l'Iran, la Russie et la Chine.
Contrairement aux deux partis de la grande entreprise, le candidat à la vice-présidence du Socialist Equality Party (Parti de l'égalité socialiste), Jerry White, a rendu visite aux travailleurs sur les piquets de grève et a publié une déclaration appelant tous les travailleurs à soutenir la révolte des travailleurs de la base de Boeing.
Nous sommes à deux mois d'une élection présidentielle dans laquelle les deux candidats, Trump et Kamala Harris, sont totalement hostiles aux intérêts de la classe ouvrière. Trump promeut des attaques fascistes contre les travailleurs immigrés, cherchant à diviser les travailleurs selon des lignes ethniques et raciales.
Pourtant, sur les piquets de grève de Boeing, les travailleurs de pratiquement toutes les nationalités sont unis dans une lutte de classe commune pour défendre leurs intérêts.
Quant à Kamala Harris et aux démocrates, ils sont obsédés par l'intensification des guerres de l'impérialisme américain partout dans le monde. Du génocide à Gaza aux guerres contre la Russie et la Chine, qui menacent d'éclater en guerre nucléaire.
Cette grève montre l'énorme pouvoir de la classe ouvrière. Mais les travailleurs ne peuvent pas laisser cela entre les mains des dirigeants de l'AIMTA, qui conspireront avec l'administration Biden-Harris pour épuiser les travailleurs et les forcer à voter sur une autre entente de capitulation.
Les travailleurs ici ont formé un comité de base, afin que la prise de décision et le pouvoir puissent être entre les mains des travailleurs dans l'atelier. Pour que les travailleurs de Boeing puissent s'unir avec les travailleurs de l'État de Washington, les enseignants, les débardeurs, les cheminots, les travailleurs de l'automobile, avec les travailleurs d'Airbus en Europe, qui sont tous confrontés au même combat.
À la suite du « débat » de mardi entre Trump et Harris et du virage à droite continu des deux partis, a déclaré White, la grève de Boeing a le potentiel d'être le début d'une contre-offensive de la classe ouvrière contre l'inégalité, la dictature et la guerre. Comme l'a souligné White, la lutte ne peut être gagnée que si les travailleurs de base la dirigent.
C'est la raison pour laquelle une partie des travailleurs de Boeing est intervenue pour former le Comité de base des travailleurs de Boeing, afin de mettre en garde les travailleurs contre les efforts visant à épuiser la grève et à faire passer à toute vapeur une autre capitulation. Le comité a également précisé que la seule façon d'avancer pour les travailleurs de Boeing est de « transformer notre lutte en un mouvement de l'ensemble de la classe ouvrière, qui se bat pour les mêmes enjeux que nous ».
Envoyez un SMS au (406) 414-7648 ou un courriel à boeingworkersrfc@gmail.com. Vous pouvez également remplir le formulaire au bas de cet article (en anglais) pour nous contacter.
(Article paru en anglais le 14 septembre 2024)
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