Rentrée parlementaire au Québec:

Le PQ donne le ton à la politique officielle avec son discours chauvin contre l’immigration

Les travaux parlementaires ont repris cette semaine à l’Assemblée nationale du Québec au retour de la pause estivale. Le parti au pouvoir, la Coalition avenir Québec (CAQ) de l’ancien PDG François Legault, s’est attiré les foudres de la population après deux mandats passés à réduire les dépenses sociales, baisser les impôts sur les riches, multiplier les subventions à la grande entreprise et attaquer brutalement les travailleurs.

La chute de popularité de la CAQ profite avant tout au Parti québécois (PQ), qui trône en tête des plus récents sondages avec près de 30 pour cent des intentions de vote. Cette avance est d’autant plus notable que le PQ a failli être rayé de la carte politique lors des élections de 2022 en faisant élire seulement 3 députés.

C’était alors le point le plus bas d’une longue période de déclin qui a commencé à la fin de son deuxième mandat (Parizeau/Bouchard/Landry) en 2003, lorsqu’il fut chassé du pouvoir après avoir mis la hache dans les réseaux publics de l’éducation et de la santé au nom du «déficit zéro».

La réponse du PQ a été de mettre au rancart les prétentions «progressistes» de son programme indépendantiste – l’idée frauduleuse qu’une république capitaliste du Québec issue d’une séparation avec le Canada serait porteuse de réformes sociales – pour baser de plus en plus ses appels séparatistes sur un chauvinisme québécois explicite et l’exclusivisme national.

Depuis l’élection de Paul St-Pierre Plamondon comme chef du parti en octobre 2020, le PQ ne ressent plus la moindre gêne à préconiser une politique ultra-nationaliste, historiquement associée à l’extrême droite.

Cette affiche du PQ pour promouvoir son programme indépendantiste montre une photo de son chef, Paul St-Pierre Plamondon, surimposée sur une carte du Québec. [Photo: St. Pierre Plamondon/Facebook]

Profitant du soutien de larges sections de la classe dirigeante et d’une couverture favorable dans les médias de masse, particulièrement ceux du groupe Québecor appartenant au milliardaire et ancien chef péquiste Pierre-Karl Péladeau, le PQ donne le ton à la politique bourgeoise avec une agitation constante et virulente contre l’immigration.

Attaquant la CAQ par la droite, le PQ accuse les immigrants d’être responsables de tous les maux sociaux et économiques et promet un plan pour réduire l’immigration de façon «drastique».

Ayant adapté la théorie fasciste européenne du «Grand remplacement» au contexte québécois, St-Pierre Plamondon a accusé le gouvernement fédéral-libéral de Justin Trudeau d’ourdir un complot pour faire disparaitre le «peuple québécois» en assimilant le Québec francophone dans une mer d’immigrants anglophones.

Allant de pair avec son orientation vers la droite dure, le PQ promet de garantir «la loi et l’ordre» par l’embauche massive de policiers et l’adoption de mesures inspirées du maccarthysme comme l’obligation pour chaque professeur d’afficher un drapeau du Québec dans sa classe sous peine d’être dénoncé à des «inspecteurs».

Malgré ses dénonciations incessantes de «l’État fédéral» en tant qu’«oppresseur» du «peuple québécois» (les nationalistes cherchent toujours à cacher les véritables divisions de classe qui traversent la société), le PQ a toujours été un défenseur invétéré de l’impérialisme canadien et américain.

Lors d’une entrevue donnée à Radio-Canada en octobre 2023, St-Pierre Plamondon a réitéré qu’un Québec indépendant serait membre de l’OTAN et de NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord) et resterait toujours «loyal envers les intérêts géopolitiques de l’Amérique du Nord sur le plan des ressources et de la défense».

Bien entendu, le chef péquiste – comme toute la classe politique québécoise, tant son aile souverainiste que fédéraliste – appuie sans réserve Ottawa et Washington dans leur financement et armement de l’État israélien qui mène un génocide des Palestiniens, dans leur dangereuse escalade de la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine et dans leurs préparatifs de guerre contre la Chine.

Pour revenir au déclin de la CAQ dans les intentions de vote, le fait que ce soit un parti ultra-nationaliste de droite comme le PQ qui en profite s’inscrit dans une tendance plus large au niveau national et international.

Sur la scène fédérale canadienne, alors que le gouvernement libéral de Justin Trudeau est discrédité par ses mesures d’austérité capitaliste, ses nombreuses interventions pour brimer le droit de grève (plus récemment contre les cheminots) et sa politique étrangère belliqueuse (notamment son appui ouvert au génocide des Palestiniens), c’est le Parti conservateur du Canada (PCC), aligné sur des positions d’extrême-droite, qui profite de la situation et domine dans les intentions de vote.

Le PCC est mené par Pierre Poilievre qui a appuyé sans réserve le «Convoi de la liberté», un mouvement d’extrême-droite qui a occupé Ottawa en janvier et en février 2022 pour réclamer la fin des mesures sanitaires limitées qui avaient été mises en place pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Poilievre et ses conservateurs ont l’appui de sections importantes de la classe dirigeante qui les jugent mieux placés que les libéraux de Trudeau pour imposer une intensification des politiques d’austérité et de guerre et, au besoin, réprimer brutalement toute opposition dans la classe ouvrière.

Aux États-Unis, le Parti républicain qui s’est transformé en un parti fasciste sous la gouverne de Trump profite du fait que les démocrates n’ont rien d’autre à offrir aux travailleurs que l’austérité, la guerre et la pauvreté de masse.

En Allemagne, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) néonazie, qui vient d’obtenir un succès jamais vu pour un parti fasciste depuis les nazis aux élections dans deux Lands (provinces), profite de la marche à droite de tous les partis bourgeois traditionnels qui ont largement adopté son programme anti-réfugiés. Leur préoccupation première est le réarmement militaire, avant tout contre la Russie, financé par de profondes coupes sociales.

De la même façon, le succès du PQ ne découle pas de la popularité de sa politique chauvine et xénophobe, mais du tournant à droite de toute la classe politique. Au Québec comme partout ailleurs, c’est l’incapacité des partis traditionnels de l’élite dirigeante à répondre aux besoins et aux aspirations de la population qui rend une partie de celle-ci vulnérable au chant des sirènes du populisme d’extrême droite.

Cela dit, le PQ doit son regain de vie avant tout à la bureaucratie syndicale qui, avec le soutien politique de Québec solidaire (QS) en tant que parti des classes moyennes aisées, a systématiquement étouffé la lutte de classe tout en faisant sa propre promotion assidue du nationalisme québécois.

Les grandes centrales syndicales de la province prônent le dialogue social et l’unité nationale, une idéologie réactionnaire qu’elles ont utilisée au début de la pandémie de COVID-19 pour justifier leur appui total à la politique des «profits avant les vies» du gouvernement Legault. Elles ont ensuite empêché l’indignation suscitée par ses politiques anti-ouvrières de prendre une voie progressiste en sabotant toutes les luttes des travailleurs contre les attaques patronales – en particulier le vaste mouvement de grève des travailleurs du secteur public à la fin de 2023.

C’est ce qui a créé un climat social dans lequel les démagogues ultra-nationalistes du PQ peuvent exploiter à leurs propres fins la colère de la population. Autrement dit, si le PQ, un parti de la grande entreprise qui est responsable des plus grandes vagues d’austérité de l’histoire du Québec, peut prétendre aujourd’hui encore parler au nom des Québécois «ordinaires» et lutter contre la crise du logement (en pointant du doigt les immigrants), c’est parce qu’il peut compter sur la couverture politique que lui donnent QS et les syndicats.

Partageant le programme indépendantiste ultra-réactionnaire du PQ, Québec solidaire va jusqu’à défendre le tournant de son allié péquiste vers le nationalisme québécois ouvertement xénophobe en niant que son discours sur l’immigration soit «intolérant».

Le danger représenté par le PQ et son virulent chauvinisme québécois ne peut pas être combattu sans un rejet conscient par la classe ouvrière et la jeunesse de tout le programme du nationalisme québécois – et de son pendant, le nationalisme canadien tout aussi réactionnaire.

Seule une lutte unifiée des travailleurs canadiens – francophones, anglophones et immigrés – en étroite solidarité avec la classe ouvrière internationale autour d’une perspective politique claire peut vaincre le fascisme en dirigeant la colère de la population derrière un programme socialiste.

Les problèmes auxquels les travailleurs sont confrontés partout dans le monde – la pauvreté, l’inflation, la guerre et les attaques contre leurs droits démocratiques – ne peuvent pas être surmontés autrement qu’en abolissant le système capitaliste axé sur le profit individuel en faveur d’un système qui priorise les besoins sociaux.

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