Perspective

La menace de dictature de Macron et la traîtrise du Nouveau Front Populaire

Mercredi, les médias ont rapporté que Macron pourrait invoquer l'article 16 de la constitution, suspendre le parlement et prendre les pleins pouvoirs. Cela révèle les questions critiques posées aux travailleurs par la guerre en Ukraine et les élections anticipées britanniques et françaises: la menace d'un régime autoritaire ne vient pas seulement de néofascistes comme le RN français. Tout l'establishment capitaliste, cherchant désespérément à intensifier la guerre avec la Russie et la guerre de classe à l'intérieur, envisage d'un virage vers la dictature.

Les travailleurs ne peuvent pas combattre ces menaces sous le contrôle de forces sociales-démocrates ou de pseudo-gauche comme le Nouveau Front populaire, qui soutient la guerre. La menace de Macron de suspendre le parlement montre que la promesse du Nouveau Front populaire de combattre Macron et le RN dans les urnes, en obtenant une majorité parlementaire et en formant un nouveau gouvernement capitaliste, est creuse et fausse.

L'article 16 de la constitution française, s'il est invoqué, accorde indéfiniment au président de la République les pleins pouvoirs pour régner à la place du parlement. Cet article stipule:

Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. Il en informe la Nation par un message.

Aucune raison n'a été fournie publiquement pour expliquer pourquoi Macron pourrait invoquer cet article. Europe1 dit qu’il craint des «débordements» après les élections du 7 juillet; la chaîne d'extrême droite CNews dit que cela pourrait être nécessaire « Si aucun parti n'obtient la majorité [parlementaire] à l'issue du scrutin ». De toute façon, ce serait une tentative par Macron de se couronner dictateur par le droit divin des banques.

La question décisive dans les élections anticipées de Macron, comme dans celles convoquées par le Premier ministre britannique Rishi Sunak le 4 juillet, est la guerre contre la Russie. Ces élections visent à opérer une restructuration d’extrême-droite la politique officielle avant le sommet de l'OTAN du 9 juillet à Washington, qui entérinera une escalade de la guerre.

Les classes dirigeantes des puissances de l'OTAN savent qu'il y a une opposition populaire écrasante à leurs conspirations, surtout parmi les travailleurs. Selon un sondage du 9 juin de l'Eurasia Group, 94 pour cent des Américains et 88 pour cent des Européens de l'Ouest souhaitent que l'OTAN négocie la paix entre la Russie en Ukraine.

Mais l'OTAN compte poursuivre ses projets déclarés d’infliger une «défaite stratégique» de la Russie, afin d’asseoir son hégémonie mondiale. Elle veut installer un régime fantoche à Moscou, piller le pétrole et les minéraux stratégiques de la Russie, la forcer à retirer son soutien militaire à la Syrie et à d'autres pays ciblés par l'OTAN, et utiliser la Russie comme base pour une guerre néocoloniale contre la Chine. Le complot dictatorial de Macron souligne que la classe capitaliste ne laisse pas la démocratie faire obstacle à ce programme de guerre mondiale.

Les travailleurs ne peuvent pas arrêter cette guerre en votant pour le Nouveau Front Populaire, l'alliance avec le PS, du PCF stalinien et des Verts formée par la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Le Nouveau Front Populaire participe pleinement à la réorganisation droitière de l'establishment politique que Macron veut mettre en œuvre par le biais des élections anticipées.

Le Nouveau Front Populaire n'est pas le Front Populaire de 1934-1938 qui réunissait les partis ouvriers de masse, la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) social-démocrate et le Parti communiste (PC) stalinien, avec le Parti radical, un parti bourgeois libéral.

Trotsky a mis en garde contre le rôle contre-révolutionnaire de cette alliance, qui liait les travailleurs à la bourgeoisie libérale. Le Front populaire subordonnait les masses ouvrières dans la SFIO et le PC aux dirigeants corrompus du Parti radical comme Herriot et Daladier. Après avoir bloqué une lutte pour le pouvoir ouvrier et le socialisme pendant la grève générale de 1936, il s'est effondré et a ouvert la voie à la collaboration de l'élite dirigeante avec le nazisme en 1940.

Mais les trotskystes ont pu entrer dans la SFIO et, malgré l'hostilité de sa direction, travailler dans sa base ouvrière. Les partis ouvriers du Front populaire ont mené des politiques impensables pour le Nouveau Front Populaire actuel. Ils ont bâti la milice «Toujours Prêts Pour Servir (TPPS)» pour se défendre contre les attaques menées par des groupes fascistes comme la Cagoule et ont proposé des réformes sociales majeures: la journée de 8 heures et les congés payés.

Le Nouveau Front populaire rassemble le PS, un parti bourgeois impérialiste depuis sa fondation en 1971, avec des partis de la classe moyenne aisée. Il inclut notamment la bureaucratie du PCF, qui a perdu sa base ouvrière au cours des décennies suivant la dissolution stalinienne de l'Union soviétique en 1991, et le parti «populiste» LFI. Il ne propose aucune réforme sociale significative et signale agressivement son soutien à la guerre de l'OTAN contre la Russie.

Son programme électoral prévoit la «livraison d'armes nécessaires» et «l'envoi de casques bleus» en Ukraine «pour faire échec à la guerre d'agression de Vladimir Poutine».

Alors que Mélenchon veut jeter «les rancunes à la rivière» et travailler avec le PS anti-ouvrier, les chefs du Nouveau Front populaire proposent d’augmenter massivement les dépenses militaires, ce qui nécessitera des attaques profondes contre les salaires et les droits sociaux. Interrogé sur sa politique vis-à-vis la Russie, François Ruffin, le dirigeant à LFI qui a lancé le premier appel à former le Nouveau Front populaire, a déclaré:

Que l’on commence, tout bêtement, par l’industrie de guerre. Que l’Europe retrouve sa souveraineté sur les munitions, les canons, les avions, sur toute la gamme des armes, matériels et savoir-faire, qu’elle ne dépende plus des Américains. Et s’en donne les moyens … Pour un effort de guerre, il faut veiller à l’unité de la nation.

L'appel de Ruffin à veiller à l'unité nationale et détourner l’argent vers la guerre est profondément réactionnaire. Il révèle également pourquoi LFI a soutenu la trahison des bureaucraties syndicales lors de manifestations explosives et de grèves de masse contre la réforme des retraites de Macron l'année dernière. Ces coupes ont pris des dizaines de milliards d'euros aux retraités pour financer l'augmentation record du budget militaire de Macron, la politique que Ruffin propose à présent.

Les bureaucraties syndicales liées au Front populaire ne constituent aucun obstacle au virage à droite. Interrogée par des journalistes inquiets sur BFM-TV si une grève générale éclaterait face à une éventuelle installation d’un gouvernement RN le 7 juillet, la secrétaire de la CGT, Sophie Binet, s’est montrée rassurante: « La CGT, en 130 ans d'histoire, n'a jamais appelé à la grève générale. … Je ne peux pas vous dire ce que nous ferions le 8 juillet, nous nous réunirions et prendrions la décision la plus collective possible.'

L'escalade contre la Russie provoquera une opposition de masse explosive. Mais ces événements sont un avertissement urgent: une lutte contre la guerre et la dictature ne peut être construite que par le bas, en mobilisant les travailleurs à la base, indépendamment des bureaucraties.

Au milieu d'une crise mortelle du capitalisme mondial, cela nécessite avant tout la construction du Parti de l'égalité socialiste (PES), la section française du Comité international de la IVe Internationale (CIQI), en tant qu'opposition trotskyste au Nouveau Front populaire. De même qu'il ne peut y avoir de socialisme sans démocratie, il n'y aura pas de démocratie sans une lutte des travailleurs en France et à l’international pour le socialisme.

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